ANALYSE D'ARTICLE

Association entre la pollution atmosphérique et le diabète de type 2 à Leicester, Royaume-Uni

Des facteurs sociodémographiques semblent expliquer l’association entre l’exposition à la pollution atmosphérique et le diabète de type 2 dans cette vaste étude cas-témoin britannique. Les auteurs appellent à améliorer la qualité des études afin de faire progresser les connaissances.

À l’échelle mondiale, la prévalence du diabète est passée de 4,7 % en 1980 à 8,5 % en 2014, une évolution dominée par la flambée des cas de diabète de type 2. Un faisceau d’arguments issus d’études expérimentales soutient un rôle de la pollution de l’air dans les processus (en particulier l’inflammation et la résistance à l’insuline) conduisant à cette maladie. Les études observationnelles suggèrent également un lien entre l’exposition à la pollution atmosphérique et le risque de diabète de type 2, mais les sources d’erreurs sont multiples.

Cette nouvelle étude cas-témoins a été réalisée dans le souci de réduire l’importance des biais de classement et de confusion.

Population incluse

Entre 2004 et 2010, trois campagnes de dépistage du diabète ont été proposées à une partie de la population du Leicestershire (comté du centre de l’Angleterre), suivant la même méthode de sélection aléatoire parmi la patientèle de médecins généralistes. Les critères d’éligibilité étaient l’âge (compris entre 40 et 75 ans pour les sujets d’origine caucasienne et entre 25 et 75 ans pour les autres groupes ethniques), ainsi que, pour la dernière campagne, un risque élevé de diabète de type 2 sur la base d’un score de pratique clinique. Les participants étaient convoqués dans un centre de santé où ils étaient mesurés et pesés (pour le calcul de l’indice de masse corporelle [IMC]) et soumis à un questionnaire sociodémographique et de mode de vie. Un échantillon de sang à jeun était prélevé et un test de tolérance au glucose (hyperglycémie provoquée par voie orale [HGPO]) était pratiqué. Le diabète était défini conformément aux critères de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) par une glycémie ≥ 7 mmol/L à la base ou ≥ 11 mmol/L deux heures après la charge en glucose.

Sur une population totale de 11 032 participants, 332 ont été écartés en raison d’un code postal manquant ou invalide et 13 pour absence de diagnostic. La population analysable a été ramenée à 10 443 sujets (âge moyen 59 ans, 53 % d’hommes) après décompte des doublons (244 sujets dépistés à plusieurs reprises, pour lesquels les données les plus récentes ont été conservées). La prévalence du diabète était de 8 %.

Lien avec l’exposition à la pollution

Les codes postaux (couvrant en moyenne 15 adresses) ont été utilisés pour assigner à chaque participant des valeurs d’exposition aux particules atmosphériques (PM10 et PM2,5) et au dioxyde d’azote (NO2), sur la base des données de modélisation publiées par le ministère de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales (modèle spécifique à chaque polluant, maillage du territoire par surface d’1 x 1 km). La moyenne des concentrations des trois dernières années (celle du dépistage et les deux précédentes) a été utilisée pour l’analyse principale et une analyse de sensibilité a été réalisée avec la valeur moyenne de l’année du dépistage.

L’effet d’une augmentation de 10 μg/m3 du niveau des polluants a été estimé sans ajustement (modèle 1), puis en tenant compte d’un nombre progressivement croissant de covariables potentiellement confondantes, décrites dans la littérature et/ou identifiées dans la population étudiée.

L’association entre l’exposition et le diabète, significative pour les trois polluants sans ajustement, disparaît pour les trois polluants également dès la prise en compte de facteurs sociodémographiques (modèle 2) : l’âge (< 55 ans, entre 55 et 64 ans, ≥ 65 ans), le sexe, le groupe ethnique (caucasien, asiatique, autre), le tabagisme (oui/non), le score de défaveur sociale de la zone de résidence (bas ou élevé) et le caractère urbain ou rural de la commune.

Seul l’odds ratio (OR) pour le NO2 reste supérieur à 1 : initialement égal à 1,48 (IC95 : 1,32-1,66) sans ajustement, il est ramené à 1,08 (0,91-1,29) quand les six covariables sont contrôlées. Un ajustement supplémentaire sur l’IMC et le niveau d’activité physique (calculé en metabolic equivalent of task [MET] par jour) traités comme des variables continues (modèle 3) modifie peu l’estimation : OR = 1,10 (0,92-1,32). Les auteurs ont enfin ajouté (modèle 4) la densité des espaces verts (forte, intermédiaire ou faible) dans un rayon de trois kilomètres autour du code postal, qui était inversement corrélée au niveau des trois polluants dans la zone de l’étude et négativement associée au dépistage d’un diabète. Cet ajustement additionnel réduit encore la valeur de l’OR : 0,91 (0,72-1,16).

Les auteurs reconnaissent plusieurs limites à leur travail. L’estimation de l’exposition en référence à l’adresse résidentielle peut mal refléter l’exposition réelle. L’association entre l’exposition à la pollution de l’air extérieur et le diabète peut être influencée par d’autres covariables que celles qui ont pu être prises en compte (qualité de l’air intérieur, fumée de tabac environnementale, alimentation, consommation d’alcool, exposition au bruit, etc.). Le score de défaveur sociale de voisinage n’est qu’indicatif de la situation individuelle. De plus, il incluait une mesure de la pollution atmosphérique qui a pu créer un surajustement. Enfin, le caractère transversal de l’étude et la population incluse (personnes agréant le dépistage) limite la portée de ses résultats.

Des études longitudinales commencent à rapporter des associations entre l’exposition à la pollution ambiante et la morbimortalité liée au diabète. Étant donné l’importance de l’enjeu de santé publique, d’autres études de bonne qualité doivent être conduites pour améliorer la compréhension des effets de la pollution.


Publication analysée :

* O’Donovan G1, Chudasama Y, Grocock S, et al. The association between air pollution and type 2 diabetes in a large cross-sectional study in Leicester: The CHAMPIONS Study. Environ Int 2017; 104: 41-7. doi: 10.1016/j.envint.2017.03.027

1 University of Leicester, Diabetes Resaerch Centre, Leicester Diabetes Centre, Leicester General Hospital, Royaume-Uni.