ANALYSE D'ARTICLE

Changement climatique et santé : prise de position de l’American College of Physicians

A partir d’un état des lieux des connaissances, l’auteur de cet article propose des pistes de réflexion et d’actions pour atteindre l’objectif d’un environnement urbain globalement plus favorable à la santé. L’enjeu est important, comme le travail restant à effectuer. Une collaboration pluridisciplinaire est nécessaire, ainsi que le rapprochement de la science et du politique.

After reviewing the literature, the author of this article suggests possible approaches and actions to achieve an urban environment that is more beneficial to health overall. The issue is wide reaching, and much work remains to be done. A multisectorial approach is needed, with a strong link between science and policies.

Avec 143 000 membres, spécialistes en médecine interne, l’American College of Physicians (ACP) est la deuxième plus importante organisation professionnelle médicale des États-Unis, après l’American Medical Association (AMA). Son comité « Santé et politique publique », en charge des problèmes affectant les soins à la population et l’exercice de la médecine interne et de ses sous-spécialités, a passé en revue les études, rapports et enquêtes relatifs au changement climatique et à ses relations avec la santé humaine. La prise de position et l’engagement qui en découlent sont fondés sur la reconnaissance de la responsabilité des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique dans le changement climatique, ainsi que de la nécessité de les maîtriser pour contenir le réchauffement global, en adéquation avec le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et l’accord de Paris sur le climat de décembre 2015.

 

Risques et opportunités pour la santé

L’ACP adhère également pleinement au rapport de la Commission du Lancet « Health and climate change : policy responses to protect public health »[1], qui énonce que le changement climatique pourrait avoir un effet désastreux sur la santé humaine et réduire à néant tous les progrès réalisés depuis un demi-siècle. La note de position mentionne les impacts sanitaires directs et indirects possibles du changement climatique, qui incluent une augmentation de la prévalence des maladies respiratoires, vectorielles, liées à la chaleur, à l’eau, mais aussi des problèmes d’insécurité alimentaire, de malnutrition et de souffrance psychologique. L’organisation rappelle aussi que, si toutes les nations seront confrontées aux effets sanitaires négatifs du changement climatique, ce sont les pays les moins développés qui paieront le plus lourd tribut, ainsi que, partout, les enfants, les personnes âgées, pauvres, et celles souffrant d’affections chroniques.

Le même rapport de la Commission du Lancet et d’autres publications fournissent un deuxième type d’arguments pour inciter les professionnels de la santé à s’impliquer dans la lutte contre le changement climatique : elle offre l’opportunité d’améliorer considérablement la situation sanitaire. L’article cite les co-bénéfices attendus d’une diminution des rejets atmosphériques des centrales électriques fonctionnant au charbon et les bienfaits d’une réduction des déplacements motorisés au profit du vélo et de la marche.

 

Recommandations

Un effort global est requis pour réduire les émissions de GES et s’attaquer aux impacts sanitaires du changement climatique. Cette première recommandation de l’ACP à l’adresse des responsables politiques des États-Unis les presse d’adopter un rôle de leader dans la lutte contre le changement climatique, de mettre en œuvre des mesures d’atténuation et de développer des stratégies d’adaptation efficaces. Une deuxième recommandation destinée aux gouvernements leur demande d’allouer des fonds substantiels à la recherche sur les effets sanitaires du changement climatique et les moyens d’y faire face.

Les trois autres recommandations s’adressent aux professionnels du secteur de la santé. L’ACP les appelle à réduire leur propre impact environnemental en adoptant des modes de pratique plus « soutenables » et à se préparer à gérer des périodes de demandes de soins accrues. Les médecins sont par ailleurs encouragés à militer en faveur de la lutte contre le changement climatique et à communiquer de manière objective, dans un langage simple à comprendre, sur les co-bénéfices sanitaires des mesures d’atténuation et d’adaptation. Enfin, l’ACP incite à mettre en place des programmes d’enseignement sur le changement climatique, ses effets sanitaires, et les moyens de répondre aux défis de demain.

 

Moyens d’action concrets

Pour matérialiser son engagement et aider le corps médical à se mobiliser, l’ACP a développé un plan d’action « Changement climatique et santé » dont les outils ont été mis à disposition des médecins sur son site (http://www.acponline.org/advocacy/advocacy-in-action/climate-change-toolkit).

Ces ressources comportent plusieurs éléments à visée « éducative » destinés à l’entourage professionnel et aux patients, qui expliquent le changement climatique, la façon dont il affecte la santé, et les co-bénéfices sanitaires des actions d’atténuation et d’adaptation. Une autre série de documents pratiques aborde point par point ce que chaque professionnel peut faire pour réduire son impact environnemental (consommation d’énergie, production de déchets, transport, alimentation, etc.). Cette « boîte à outils » est assortie d’une liste de références bibliographiques.

 

Laurence Nicolle-Mir

 

Commentaires

Ce document court, mais dense, de Crowley R.A. (dans Annals of International Medicine, 2016), traite des effets du réchauffement climatique sur la santé des humains (et un peu moins de la santé environnementale). Si l’on ne fait rien, si l’on n’agit pas de manière volontaire pour lutter contre ses origines anthropiques, l’article rappelle quels seront les effets principaux sur la santé d’une augmentation de la température de la planète : effets thermiques (de manière évidente), respiratoires, liés à la nourriture, etc.

Ce qui est important dans ce « position paper », c’est que, comme chez Molière, tous n’en mourront pas, mais tous seront touchés, mais certains, comme dans la ferme des animaux d’Orwell, seront comme toujours, plus égaux que les autres.

Dans les recommandations, apparaissent :

  • le besoin de réduire les émissions de gaz à effet de serre ;
  • la nécessité de disposer d’une capacité médicale à aider les patients atteints par les effets du réchauffement climatique ;
  • l’aide/le conseil aux citoyens pour faire évoluer leurs pratiques de lutte contre le changement climatique tout en tentant d’améliorer leur santé (par exemple se déplacer à vélo) ;
  • l’éducation du corps médical aux effets du changement climatique sur la santé pour mieux les combattre ;
  • le soutien à la recherche.

Ces propositions de bon sens qui supposent d’anticiper les problèmes à venir dans un futur proche devraient être prises en considération par l’ensemble des États de la planète. En particulier, le transfert actuel de certains micro-organismes du Sud vers le Nord, fait que toute la planète est concernée, même si des évolutions technologiques pourront limiter, pour certains privilégiés, les effets attendus.

Ces recommandations pourraient avantageusement être approfondies et promues en dehors du cadre de l’article pour qu’elles soient acceptées dans un cadre international comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Jean-Claude André

 

[1] Environ Risque Sante. 2015;14:466-468.

 

Publication analysée :

Crowley R, for the Health and Public Comittee of the American College of Physicians.Climate change and health: a position paper of the American College of Physicians. Ann Intern Med 2016; 164: 608-10.

American College of Physicians, Washington, États-Unis.

doi: 10.7326/M15-2766