ANALYSE D'ARTICLE

Effets des températures extrêmes sur la prématurité à Alice Springs, Australie

L’apport de cette étude réside dans le lieu où elle a été réalisée : le centre de l’Australie où la perspective du réchauffement climatique constitue une importante préoccupation de santé publique. Montrant un effet de l’exposition à une chaleur intense sur le risque d’accouchement prématuré, elle incite à accroître les travaux en zones semi-arides et désertiques.

This study is of particular interest because it was conducted in central Australia, where global warming is an important public health concern. It shows that exposure to extreme heat increases the risk of preterm birth and calls for further studies in semi-arid and desert zones.

Outre qu’il s’agit d’une cause majeure de mortalité infantile, la prématurité (naissance avant 37 semaines d’aménorrhée [SA]) expose à la survenue de divers problèmes de santé dans l’enfance et plus tardivement. Son coût sanitaire et social peut être élevé, en particulier en cas de grande prématurité qui requiert des soins intensifs souvent prolongés et génère un stress familial important, mêlant des préoccupations pour la santé et le bien-être de l’enfant, un bouleversement de la vie de la famille, et la nécessité de faire face à des dépenses imprévues.

Une littérature émergente suggère que l’exposition à une forte chaleur augmente le risque de naissance prématurée. Cette association, qui n’est pas constamment retrouvée, a principalement été recherchée dans des grandes agglomérations en zone tempérée ou tropicale. Cette investigation dans la région centrale de l’Australie participe à combler le manque de connaissances pour d’autres latitudes.

Description de l’étude

Le Territoire du Nord de l’Australie présente le deuxième taux de prématurité du pays (9,1 % en 2012) après l’État de Tasmanie (9,6 %). Sa pointe sud, centrée sur la ville d’Alice Springs, connaît un climat semi-aride qui devrait se durcir sous l’effet du changement climatique. Les données météorologiques recueillies par l’unique station régionale (celle de l’aéroport d’Alice Springs, situé à une dizaine de kilomètres de la ville) indiquent, pour la dernière décennie, un niveau de précipitations annuel moyen de 260 mm et une température diurne maximale moyenne de 29,5 ̊C. La température devrait augmenter d’1,6 à 7 ̊C d’ici la fin du siècle selon les projections, et le nombre de jours au-dessus de 35 ̊C devrait passer de 89 par an (moyenne des dix dernières années) à 96-125 jours par an en 2030.

L’hôpital d’Alice Springs est le seul endroit pourvu d’un service d’obstétrique de la région. Il dessert une population d’environ 25 000 personnes dont 19 % d’aborigènes vivant majoritairement dans des zones reculées du territoire. Les femmes de ces communautés reçoivent la consigne de prendre un logement en ville lorsque leur grossesse approche 34 SA en l’absence de complication. L’activité obstétricale est relativement faible (en moyenne 1,65 accouchement par jour) par rapport à celle d’hôpitaux de grandes villes ayant fait l’objet de précédents travaux de nature similaire, en Australie (Brisbane), Chine (Canton), Italie (Rome), Espagne (Valence) ou aux États-Unis (New York). En conséquence, l’échantillon analysé se limite à une série de 16 870 naissances d’enfants uniques vivants ayant eu lieu entre 1986 et 2013, dont 1 401 naissances prématurées (8,3 %). L’étude souffre par ailleurs de la faiblesse des informations sanitaires disponibles (la consommation d’alcool et de tabac pendant la grossesse était par exemple méconnue pour 45 % des femmes) et les auteurs regrettent de ne pas avoir pu examiner l’effet de l’exposition à la pollution atmosphérique (facteur de risque potentiel de prématurité), par manque de données.

L’analyse statistique a pris en compte les tendances temporelles à long terme, la saisonnalité, le jour de la semaine et les périodes de congés, ainsi que certaines covariables pertinentes pour la population indigène (âge maternel) et non-indigène (diabète gestationnel, anémie, âge maternel). L’association entre la température maximale journalière et la prématurité a été examinée avec un recul allant jusqu’à trois semaines avant le jour de l’accouchement. La valeur médiane au cours de la période d’observation (30̊ C) a été prise pour référence et les risques relatifs de naissance prématurée ont été déterminés pour plusieurs seuils de température ambiante : la médiane de la saison estivale (37̊ C), ses 90e, 95e et 99e percentiles (respectivement 41, 42 et 43̊ C) et la maximale enregistrée (45̊ C). L’association avec la température minimale a également été modélisée (valeur médiane de référence égale à 14 ̊C et fourchette des valeurs considérées allant de -6 à 32 ̊C).

Principaux résultats

L’étude montre une augmentation du risque d’accouchement prématuré dans la plage des températures excédant 41 ̊C, avec un effet immédiat (augmentation de 1 à 2 % du risque le jour même), comme décalé (augmentation exponentielle du risque, allant jusqu’à 2,5 % pour une exposition dans la dernière semaine avant l’accouchement et atteignant 4,5 % pour une exposition dans les deux à trois semaines précédentes). À l’opposé, le risque d’accouchement prématuré s’élève pour des températures inférieures à 0 ̊C, avec un effet immédiat atteignant 10 % pour la valeur minimale de -6 ̊C.

Dans la perspective du changement climatique, les auteurs ont estimé l’impact d’une exposition à plusieurs jours consécutifs de chaleur extrême. L’effet cumulé de l’exposition à une température excédant 40 ̊C sur la totalité de la période considérée (les 21 jours précédant celui de l’accouchement) est une augmentation du risque d’accouchement prématuré de 8,3 % (intervalle de confiance à 95 % : 1,03-1,15). Une telle période de trois semaines consécutives au dessus de 40 ̊C n’a pas été observée jusqu’à présent à Alice Springs (qui a néanmoins connu une vague de chaleur dépassant 35 ̊C de cette durée en février 2015), mais cet événement pourrait se produire à l’avenir. Dans l’immédiat, les résultats de cette étude engagent à accroître le niveau de vigilance des femmes enceintes vis-à-vis de la chaleur et à leur fournir des recommandations comportementales adéquates.

Les auteurs appellent à mettre en place une surveillance régionale de la qualité de l’air et à améliorer le recueil des données météorologiques et sanitaires afin de pouvoir conduire des études plus précises.


Publication analysée :

* Mathew S1, Mathur D, Chang A, et al. Examining the effects of ambient temperature on pre-term birth in central Australia. Int J Environ Res Public Health 2017; 14: 147. doi: 10.3390/ijerph14040147

1 Northern Institute, Charles Darwin University, Casuarina, Australie.