ANALYSE D'ARTICLE

Exposition à la pollution de l’air et hémoglobine glyquée dans une cohorte âgée aux États-Unis

Étoffant une littérature encore rare, cette étude dans un échantillon de la population états-unienne âgée de 57 à 85 ans rapporte une relation entre le niveau de l’hémoglobine glyquée et l’exposition aux particules fines ainsi qu’au dioxyde d’azote chez les sujets diabétiques. Un effet moins important du dioxyde d’azote est observé chez les non diabétiques.

Un lien entre l’exposition chronique à la pollution de l’air et la survenue d’un diabète de type 2 est vraisemblable au vu des effets biologiques induits par la pollution (stress oxydant et du réticulum endoplasmique, inflammation systémique et du tissu adipeux viscéral, dysfonction endothéliale et mitochondriale). Il n’est toutefois pas démontré par l’épidémiologie.

Les résultats formant l’ensemble le plus cohérent concernent la relation entre l’exposition aux particules fines (PM2,5) et le niveau de l’hémoglobine glyquée (HbA1c), bien qu’ils reposent sur très peu d’études. Après un premier travail à Taïwan dans une cohorte de 1 023 sujets (âge ≥ 54 ans) rapportant une élévation de 2,1 % de l’HbA1c (IC95 : 1,5-2,7) par augmentation d’un intervalle interquartile de la concentration atmosphérique des PM2,5 [IIQ : 20,42 μg/m3], deux vastes études publiées en 2016 retrouvent une telle relation linéaire, dans la population générale en Chine (11 847 sujets d’âge ≥ 45 ans : élévation de 0,08 % de l’HbA1c [0,06-0,10] par IIQ de 41,1 μg/m3) et dans la population diabétique en Israël (26 223 sujets d’âge moyen 64,8 ans : élévation de 2,93 % [0,35-5,59] par IIQ de 22,3 μg/m3). L’association est en revanche inexistante dans une étude allemande (2 944 sujets, âge moyen 56,2 ans) pour un moindre niveau d’exposition (IIQ : 7,9 μg/m3).

Première étude aux États-Unis

Les auteurs ont utilisé les données de la cohorte NSHAP (National Social Life, Health, and Aging Project) ayant inclus un échantillon national de la population âgée de 57 à 85 ans entre 2005 et 2011. Les analyses ont été réalisées dans la sous-population des 4 121 participants chez lesquels l’HbA1c avait été mesurée (âge moyen à l’entrée : 69,6 ans ; 53,7 % de femmes). La prévalence du diabète, défini par une HbA1c ≥ 6,5 % ou la déclaration d’un traitement antidiabétique, était de 22,6 %. L’insuline faisait partie des cinq classes médicamenteuses recherchées par l’interrogatoire (en face à face) et les auteurs notent au rang des limites de leur étude l’absence de distinction entre diabète de type 1 et de type 2 (cette dernière forme représente toutefois plus de 95 % des cas de diabète sucré et l’âge des sujets prévient une importante erreur de classement). Comparativement à la population non diabétique, la fraction diabétique présentait un indice de masse corporelle (IMC) moyen plus élevé, un niveau d’activité physique inférieur, et plusieurs caractéristiques socio-démographiques différenciantes (proportion plus importante de sujets non blancs, niveaux d’étude et de revenu du foyer inférieurs, pourcentage plus élevé de ménages en-dessous du seuil de pauvreté dans le quartier de résidence). Ces covariables ont été contrôlées pour l’analyse statistique, ainsi que l’âge, le sexe, la prise d’un traitement antidiabétique, le tabagisme, la région de résidence (cinq grandes régions : Atlantique Nord, Sud, Grands Lacs, États des plaines, Pacifique) et le degré d’urbanisation de la commune.

L’exposition aux PM2,5 était estimée par modélisation sur la base de l’adresse résidentielle (modèles spatiotemporels intégrant diverses covariables météorologiques [vitesse du vent, température, précipitations] et géospatiales [densité de population du comté, sources d’émission, affectation des sols, altitude] couvrant le territoire à un pas de grille de 6 km). Des moyennes annuelles glissantes sur une période remontant jusqu’à cinq ans avant l’entrée dans la cohorte ont été calculées à partir des concentrations journalières. Les auteurs ont également considéré le dioxyde d’azote (NO2) habituellement pris comme marqueur de la pollution liée au trafic. L’estimation de l’exposition au NO2 était moins fiable que pour les PM2,5, car elle reposait sur les données de mesure de la station de surveillance réglementaire de la qualité de l’air la plus proche du domicile dans un rayon de 80 km. Des analyses de sensibilité ont été réalisées en rétrécissant ce rayon à 60, 40, 20 et 10 km.

Principaux résultats

La concentration moyenne (année précédant l’entrée dans la cohorte) des PM2,5 était de 10,4 ± 3 μg/m3 et celle du NO2 était de 13,1 ± 7 parties par milliard (ppb). Le niveau des deux polluants est positivement associé à l’HbA1c : sa valeur s’élève de 1,4 (± 0,3) % par augmentation d’un IIQ des PM2,5 (3,9 μg/m3) et de 2 (± 0,3) % par augmentation d’un IIQ du NO2 (8,6 ppb). L’effet modificateur du statut diabétique étant significatif, les explorations ont été poursuivies séparément dans les deux sous-populations.

Chez les non diabétiques, seule l’association avec le NO2 perdure (augmentation de 0,8 [± 0,2] % de l’HbA1c). Elle apparaît stable au travers des fenêtres d’exposition considérées : + 0,7 % pour l’augmentation d’un IIQ de la concentration moyenne des deux, quatre et cinq années précédentes (respectivement 8,1 ; 8,2 et 8,3 ppb) et + 0,6 % par incrément d’un IIQ de la concentration moyenne des trois dernières années (8,2 ppb).

Les associations sont plus fortes dans la population diabétique : l’HbA1c s’élève respectivement de 1,8 (± 0,6) % et 2 (± 0,7) % par augmentation d’un IIQ de la concentration des PM2,5 et du NO2 (période d’un an). L’association avec le NO2 varie peu avec la prolongation de la période de temps considérée (augmentation d’1,7 à 1,9 [± 0,7] % de l’HbA1c), mais l’association avec les PM2,5 s’atténue (augmentation d’1,3 [± 0,5] % de l’HbA1c pour une moyenne sur quatre ou cinq ans [IIQ respectifs : 3,7 et 3,8 μg/m3]).

Les niveaux des deux polluants étaient modérément corrélés (r allant de 0,30 à 0,33 selon la durée d’observation). Dans un modèle bi-polluants, l’association entre le NO2 et l’HbA1c persiste chez les diabétiques comme chez les non diabétiques, mais l’effet des PM2,5 chez les diabétiques n’est plus significatif.

Comme dans de précédentes études aux États-Unis, une relation entre l’exposition à la pollution et la prévalence du diabète est mise en évidence : odds ratio (OR) pour une exposition supérieure d’un IIQ (concentration moyenne sur un an)égal à1,35 (IC95 : 1,19-1,53) pour les PM2,5 et à 1,27 (1,10-1,48) pour les NO2. Ces associations sont atténuées dans le modèle bi-polluants (OR respectifs : 1,27 [1,10-1,46] et 1,17 [1-1,36]).

Les résultats sont robustes à l’utilisation d’une définition plus restrictive du diabète (HbA1c ≥ 6,5 % uniquement). Les analyses de sensibilité visant à réduire les erreurs de mesure de l’exposition au NO2 produisent des estimations concordantes avec celles de l’analyse principale, l’imprécision augmentant avec la diminution de la taille de l’échantillon.


Publication analysée :

* Honda T1, Pun VC, Manjourides J, Suh H. Associations between long-term exposure to air pollution, glycosylated hemoglobin and diabetes. Int J Hyg Environ Health 2017; 220: 1124-32. doi: 10.1016/j.ijheh.2017.06.004

1 Department of Health Sciences, Northeastern University, Boston, États-Unis.