ANALYSE D'ARTICLE

Exposition domestique au radon et cancer du poumon : mise au point sur les études cas-témoins

Sur la base d’une revue actualisée des études cas-témoins concernant la relation entre l’exposition environnementale au radon et le risque de cancer du poumon, les auteurs de cet article émettent des recommandations pour améliorer les performances des travaux épidémiologiques à venir.

The authors of this article based on an updated review of case-control studies of the relation between environmental radon exposure and lung cancer risk make recommendations to improve the quality of future epidemiological studies.

Si le tabagisme est clairement la première cause de cancer du poumon, l’exposition au radon est considérée comme un facteur de risque important, le principal chez les non-fumeurs. Pour autant, il s’avère difficile d’estimer précisément le risque lié au radon domestique dans la population générale.

Les études de type cas-témoins sont particulièrement utiles pour examiner la relation entre une exposition et un événement rare comme un cancer du poumon chez une personne qui n’a jamais fumé. Vingt-quatre d’entre elles, publiées entre 1990 et 2014, ont été passées en revue par les auteurs de cet article. Leur objectif était d’identifier les obstacles à la caractérisation de la relation radon-cancer et d’établir des propositions pour les futures recherches.

 

Aperçu des études existantes

La sélection a été opérée par deux évaluateurs qui ont balayé la littérature indépendamment (base de données PubMed, articles en langue anglaise) à la recherche d’études ayant inclus au moins 100 cas et 100 témoins. Elle comportait 20 études dans des populations mixtes, de fumeurs et de non-fumeurs, et quatre études n’ayant inclus que des non-fumeurs. L’exposition avait été établie à partir de mesures de la concentration de radon dans l’air intérieur des habitations, généralement dans la chambre à coucher et/ou la pièce principale.

Dans le premier groupe, 14 études affichent des odds ratio (OR) de cancer du poumon supérieurs à 1 chez les sujets les plus exposés comparativement aux moins exposés. L’excès de risque est statistiquement significatif dans six études, dont la plus vaste (2 963 cas et 4 232 témoins), réalisée en Allemagne, suggère une relation dose-réponse entre l’exposition au radon et le cancer du poumon plus claire chez les fumeurs. L’estimation la plus haute provient d’une étude de moindre ampleur (433 cas et 402 témoins) réalisée aux États-Unis dans une population de femmes uniquement : comparativement au groupe de référence (concentration de radon dans l’air intérieur ≤ 37 Bq/m3) le risque est quadruplé (OR = 4,2 [IC95 = 0,99-17,5]) dans la catégorie d’exposition supérieure (concentration dépassant le seuil d’action de l’United States Environmental Protection Agency (US-EPA) de 148 Bq/m3). Des analyses stratifiées selon le statut tabagique ne montrent pas d’association entre l’exposition et le cancer du poumon chez les femmes n’ayant jamais fumé, mais seules huit d’entre elles (deux cas et six témoins) avaient été classées dans le groupe le plus exposé. Les deux études chinoises sélectionnées rapportent des résultats contradictoires et sont difficilement comparables. La plus ancienne, dans une population de femmes (308 cas et 356 témoins) habitant Shenyang, une ville industrielle du nord-est où le taux d’incidence du cancer du poumon chez les femmes est l’un des plus élevés au monde, ne met pas en évidence d’association (OR [> 296 Bq/m3 vs < 74 Bq/m3] égal à 0,7 [0,4-1,3]). L’autre, dans une population rurale et stable des deux sexes (768 cas et 1 659 témoins) habitant une région où le niveau de radon est élevé, montre un excès de cancer du poumon dans le groupe le plus exposé (OR [> 300 vs < 100 Bq/m3] égal à 1,58 ([1,1-2,3]). La population était toutefois particulière : plus de la moitié des participants vivait dans un habitat de type troglodytique, et les non-fumeurs étaient très rares chez les hommes (8,9 % des témoins et 5 % des cas).

Des quatre études chez des non-fumeurs, deux ont été réalisées dans une population exclusivement féminine. Ni l’une (états-unienne, ayant inclus 538 cas et 1 183 témoins), ni l’autre (allemande, avec 234 cas et 535 témoins) ne montre un excès de risque significatif dans le groupe le plus fortement exposé. Dans la première (OR = 1,2 [0,7-1,7]), la population était composée de femmes n’ayant jamais fumé et d’ex-fumeuses ayant arrêté depuis au moins 15 ans, qui habitaient le Missouri, où le niveau de radon est faible et peu contrasté (la catégorie supérieure d’exposition démarrait au seuil de 91 Bq/m3). De plus, les informations personnelles avaient été recueillies auprès d’un proche pour 341 femmes atteintes d’un cancer (63 % de la population des cas). Dans la seconde étude, les non-fumeuses étaient définies par une consommation vie entière inférieure à 200 cigarettes, et 42 % des cas ainsi que 16 % des témoins ont dû être exclus de l’analyse en raison de données de mesure du radon manquantes. L’une des deux études chez des non-fumeurs ayant inclus des sujets des deux sexes (192 cas et 329 témoins vivant en Galice, au nord-ouest de l’Espagne) rapporte une augmentation de l’incidence du cancer du poumon en relation avec l’exposition au radon dans la population totale (OR [> 200 vs < 100 Bq/m3] = 2,42 [1,45-4,06]) et chez les sujets n’ayant jamais vécu avec un fumeur (OR = 1,99 [1,16-3,41]). Cette étude présentait l’atout d’une durée médiane de résidence dans le logement échantillonné de 30 ans. En revanche, la prédominance des adénocarcinomes (75 % des cancers) n’a pas permis de réaliser des analyses par type histologique, qui manquent, d’une manière générale dans la littérature examinée.

Neuf études fournissent des preuves d’une relation dose-réponse, l’effet estimé d’une augmentation de l’exposition de 100 Bq/m3 étant une augmentation de 4 à 28 % du risque de cancer du poumon. Cette relation est mieux documentée et plus franche et marquée chez les fumeurs que chez les non ou les ex-fumeurs.

 

Enseignements pour les travaux à venir

L’examen de la relation entre l’exposition au radon domestique et le cancer du poumon se heurte aux relatives faiblesses de l’exposition et de l’incidence des événements sanitaires, ainsi qu’au poids écrasant d’un agent cancérogène majeur : le tabac. Pour cette raison, les études dans des populations n’ayant jamais fumé ont une valeur particulière. Elles peuvent également permettre d’évaluer l’effet synergique de l’exposition au radon et à la fumée de tabac environnementale. Des études chez des fumeurs restent importantes pour examiner l’interaction entre l’exposition au tabac et au radon sur les types de cancers induits par le tabagisme. Selon cette revue de la littérature, les études sont d’autant plus concluantes et contributives qu’elles ont été réalisées dans des zones géographiques où le radon est présent à des niveaux de concentrations élevés et où l’éventail des niveaux de concentration est suffisamment large.

Outre la taille de l’échantillon, la comparabilité entre cas et témoins doit être assurée, en termes d’âge, de sexe, de statut socio-économique, de lieu de résidence et de type de logement. La rigueur du recueil des données nécessaires au contrôle des facteurs de confusion (en premier lieu l’exposition au tabac) nécessite la réalisation d’entretiens en face à face avec les participants. Enfin, la question de la mesure de l’exposition est cruciale. Pour mieux représenter l’exposition chronique au radon, des échantillonnages répétés ou continus couvrant une période d’une année sont recommandés, afin de saisir les fluctuations saisonnières des concentrations liées à des facteurs climatiques et aux pratiques d’aération changeantes du logement. Idéalement, les niveaux de radon devraient être mesurés, non seulement au domicile, mais aussi dans les autres espaces où les sujets passent du temps, comme le lieu de travail et les transports, surtout souterrains.

Laurence Nicolle-Mir

 

Publication analysée :

Sheen S, Lee KS, Chung WY, Nam S, Kang DR. An updated review of cases-control studies of lung cancer and indoor radon – Is indoor radon the risk factor for lung cancer? Annals Occup Environ Med 2016; 28: 9.

Department of Pulmonary and Critical Care Medicine, Ajou University School of Medicine, Suwon, République de Corée.

doi: 10.1186/s40557-016-0094-3