ANALYSE D'ARTICLE

Exposition prénatale à la pollution atmosphérique et traits autistiques : résultats européens

Les données de quatre cohortes européennes participant au projet ESCAPE (European Study of Cohorts for Air Pollution Effects) ont été utilisées pour examiner l’influence de l’exposition prénatale à la pollution atmosphérique sur la fréquence des traits autistiques mesurés aux âges de 4 à 10 ans. L’absence d’association contredit les résultats d’études conduites aux Etats-Unis.

Data from four European cohorts participating in the ESCAPE (European Study of Cohorts for Air Pollution Effects) project were used to examine the influence of prenatal exposure to air pollution on the incidence of autistic traits measured between the ages of 4 and 10. The lack of association contradicts the results of studies conducted in the US.

La population analysée provenait de trois cohortes en population générale (Generation R [Pays-Bas], GASPII [Italie] et INMA [Espagne, régions de Valence, Gipuzkoa et Sabadell]), ainsi que d’un suivi longitudinal d’enfants et d’adolescents suédois (CATSS). Elle s’élevait à 8 079 enfants (62,2 % de la population d’origine) pour lesquels toutes les données nécessaires étaient réunies.

Une précédente étude d’ESCAPE sur la pollution atmosphérique et le poids de naissance ayant montré que l’exposition résidentielle pendant toute la période de la grossesse était fortement corrélée à l’exposition au cours de chacun des trimestres, les auteurs ont considéré l’effet de l’exposition moyenne pendant la totalité de la grossesse. Celle-ci a été estimée par rétro-extrapolation sur la base des concentrations prédites, à l’adresse de naissance, par des modèles land-use regression spécifiques à chaque zone, appuyés sur des mesures réalisées entre octobre 2008 et mai 2011, alors que les enfants avaient entre 3 et 10 ans. Les oxydes d’azote (totaux [NOX] et dioxyde d’azote [NO2]) avaient été mesurés partout (trois campagnes d’échantillonnage de 2 semaines sur une période d’1 an), tandis que les niveaux de particules (PM2,5 [concentration massique et absorbance], PM10, PM2,5-10) n’avaient pas été déterminés à Valence et Gipuzkoa.

L’exposition in utero la plus faible était celle des enfants de la cohorte suédoise (concentrations médianes : 17,9 μg/m3 pour les NO2 et 8,4 μg/m3 pour les PM2,5) tandis que la cohorte italienne était la plus exposée (valeur médiane du NO2 égale à 42,2 μg/m3 et des PM2,5 égale à 22,4 μg/m3).

 

Mesure des traits autistiques

La présence et l’importance des traits autistiques (déficits en termes d’interaction sociale et de communication et comportements répétitifs) avaient été évaluées à l’âge de 4 ans dans la cohorte italienne, entre 4 et 5 ans chez les enfants espagnols, à l’âge de 6 ans aux Pays-Bas et entre les âges de 9 et 12 ans en Suède. S’ils étaient tous validés, les tests neuropsychologiques utilisés étaient néanmoins différents, ce qui constitue une deuxième faiblesse de cette étude, avec les limites de l’évaluation de l’exposition. Deux outils de mesure étaient spécifiques des troubles autistiques, les deux autres ayant été développés pour un dépistage plus large des troubles du comportement. L’un des tests (focalisé sur les troubles autistiques) était un questionnaire parental administré par un psychologue, les trois autres étaient des questionnaires auto-administrés.

En référence aux seuils de scores définis pour chaque test, les auteurs ont considéré d’une part les cas de troubles du spectre autistique (TSA), d’autre part les enfants borderline dont les troubles n’atteignaient pas le niveau nécessaire pour remplir les critères d’un TSA. Ensemble, l’autisme « clinique » (TSA) et « subclinique » (borderline) concernait entre 3,2 % (cohorte suédoise) et 12,3 % (cohorte italienne) des enfants. La prévalence de l’autisme clinique uniquement allait de 0,7 % (cohorte INMA-Sabadell) à 3,6 % (cohorte néerlandaise).

 

Absence d’association avec l’exposition

Pour aucun des polluants, l’exposition prénatale n’est associée aux traits autistiques. Avec le modèle le plus simple (ajustement sur le sexe et l’âge seulement), l’odds ratio (OR) d’autisme clinique + subclinique est égal à 1,02 (IC95 : 0,87-1,19) pour une augmentation de 10 μg/m3 de la concentration du NO2. Le résultat correspondant avec le modèle le plus complet est 0,95 (IC95 : 0,81-1,10) et tous les OR sont inférieurs à 1, sauf celui des TSA pour une augmentation de 5 μg/m3 des PM2,5 (1,01 [0,63-1,63]). Plusieurs caractéristiques maternelles étaient contrôlées dans ce modèle (niveau d’études, pays de naissance, âge à l’accouchement, indice de masse corporelle de pré-grossesse, taille, tabagisme au cours de la grossesse et parité), ainsi que la saison de naissance, le degré d’urbanisation de la ville de naissance, l’âge au moment des tests et l’évaluateur (parents ou psychologue).

Tenant compte des points faibles de l’étude, les auteurs ont réalisé plusieurs analyses de sensibilité (exclusion des cohortes une à une, méta-analyse restreinte aux cohortes dans lesquelles à la fois les NO et les PM avaient été mesurées, cas définis par un score au 90e percentile quel que soit le test, analyse n’incluant que les enfants n’ayant pas déménagé entre la naissance et l’évaluation comportementale, utilisation de valeurs de concentration des polluants non extrapolées, etc.). Aucune de ces analyses n’indique un effet de l’exposition prénatale à la pollution atmosphérique sur la fréquence des traits autistiques.

Ces résultats s’opposent à ceux de six précédentes études de type cas-témoins dans divers échantillons de populations aux États-Unis, qui ont rapporté des associations positives avec l’exposition prénatale ou post-natale (première année de vie) tantôt aux polluants générés par le trafic, aux particules fines ou à des composés métalliques. Toutefois, ces études n’ont pris en compte que les cas de TSA. Par ailleurs, les niveaux de pollution étaient plus élevés. Une composition différente du mélange de polluants, le rendant plus ou moins toxique, pourrait également expliquer des résultats différents.

 

Laurence Nicolle-Mir

 

Publication analysée :

Guxens M, Ghassabian A, Gong T, et al.Air pollution exposure during pregnancy and childhood autistic traits in four European population-based cohort studies: The Escape Project. Environ Health Perspect 2016; 124: 133-40.

Center for Research in Environmental Epidemiology (CREAL), Barcelone, Espagne.

doi: 10.1289/ehp.1408483