Contaminants

Autres produits chimiques

Elisabeth Gnansia

Présidente de la Société francophone de santé environnement (SFSE)
Retraitée de l'Anses
(Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation et du travail)
Paris

Volume 20, numéro 3, Mai-Juin 2021

Télécharger le PDF de l'analyse

ANALYSE D'ARTICLE

Exposition prénatale
aux substances per- et poly-fluoroalkylées,
méthylation de l’ADN dans le sang du cordon, xbr>et indicateurs cardiométaboliques chez le nouveau-né :
l’étude « Healthy Start »

Les substances per- et poly-fluoroalkylées (PFAS, de l’anglais per- and polyfluoroalkyl substances) sont des composés synthétiques organofluorés comportant un ou plusieurs groupes fonctionnels alkyle per- ou poly-fluorés. Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il existe au moins 4 730 PFAS différentes. Certaines sont toxiques et écotoxiques. Les PFAS sont persistantes dans l’environnement et détectables chez une grande partie des femmes en âge de procréer ; les enfants exposés in utero pourraient présenter des effets indésirables. L’hypothèse formulée dans cet article est que l’exposition prénatale aux PFAS pourrait provoquer des modifications de méthylation de l’ADN du fœtus, avec pour les enfants un risque de syndrome dit cardiométabolique. L’étude présentée a pour but de rechercher un lien entre l’exposition prénatale aux PFAS et la méthylation de l’ADN dans le sang du cordon. Les auteurs ont évalué les associations entre méthylation à divers niveaux de l’ADN et divers indicateurs d’atteinte cardiométabolique de l’enfant. Le protocole de l’étude a constitué une cohorte prospective de 583 couples mère-enfant, et cinq PFAS ont été mesurées dans le sang maternel (médiane d’âge gestationnel : 27 semaines). La méthylation de l’ADN du sang du cordon a été évaluée à l’aide de la matrice dite Illumina Human Methylation Array. Des positions différemment méthylées (DMP) ont été recherchées avec un taux de fausse découverte (FDR) inférieur à 5 % et des régions différemment méthylées (DMR) ont été identifiées à l’aide de la méthode Comb-p (Šidák-ajustée p < 0,05). Pour les sites candidats DMP et DMR (position sur l’ADN ou région), on a recherché des associations entre méthylation et divers paramètres chez l’enfant : poids de naissance, adiposité, ainsi que les taux de glucose, d’insuline, de lipides et de leptine dans le sang de cordon. Les résultats montrent que les concentrations sériques maternelles de PFAS sont inférieures à la médiane de celles des femmes de la population générale des États-Unis. Des corrélations modérées à élevées ont été observées entre les concentrations de diverses PFAS et des sites de méthylation (q = 0,28-0,76). La méthylation à la DMP cg18587484, au niveau du gène TJAP1, a été associée à l’exposition au perfluoro-octanoate (PFOA) avec un FDR < 0,05. La méthode Comb-p a détecté entre 4 et 15 DMR pour chaque PFAS. Des gènes associés, dont certains sont communs à plusieurs PFAS, sont impliqués dans diverses fonctions fœtales dont la croissance (RPTOR), l’homéostasie lipidique (PON1, PON3, CIDEB, NR1H2), l’inflammation et l’activité immunitaire (RASL11B, RNF39). Il semble que deux loci liés aux PFAS (cg09093485, cg09637273) sont respectivement associés aux triglycérides du sang du cordon et au poids de naissance (FDR < 0,1). Il apparaît donc que la méthylation de l’ADN dans le sang du cordon a été associée à la présence de PFAS dans le sang maternel pendant la grossesse, ce qui suggère des liens avec la croissance fœtale, le métabolisme et les fonctions immunitaires. Les auteurs concluent que des études supplémentaires sont nécessaires pour confirmer que les changements de méthylation de l’ADN interviennent dans l’association entre exposition prénatale aux PFAS et certaines pathologies de l’enfant.

Commentaire

Chez les mammifères, la méthylation de l’ADN peut influencer l’expression des gènes et joue un rôle clé dans de nombreux processus biologiques, comme le développement embryonnaire et la cancérogenèse. C’est le champ de l’épigénétique, mécanisme le plus probable par lequel les polluants organiques persistants ubiquitaires que sont les PFAS induisent diverses pathologies. Cependant, les gènes régulés par la méthylation de l’ADN au cours du développement embryonnaire sont encore mal connus. L’intérêt de ce travail est qu’il examine, grâce à des techniques très récentes, des sites et positions précis de méthylation de l’ADN sur le génome, avec peut-être à terme la possibilité de prévenir des maladies chroniques qui affectent les adultes mais trouvent leur origine dans des événements survenus in utero. L’étude présentée entre dans le cadre des recherches sur les causes et les mécanismes de l’épidémie mondiale d’obésité.


Publication analysée :

*Starling A, Liu C, Shen G, et al. Prenatal exposure to per- and polyfluoroalkyl substances, umbilical cord blood DNA methylation, and cardio-metabolic indicators in newborns: The Healthy Start Study. Environ Health Perspect 2020 ; 128 : 127014. Doi : 10.1289/EHP6888