Milieu de vie

Pollution atmosphérique

Elisabeth Gnansia

Engie
Pôle Santé-Environnement, Paris

Volume 19, numéro 2, Mars-Avril 2020

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ANALYSE D'ARTICLE

Grossesse et pollution de l’air ambiant : revue de la littérature et identification des défis de santé publique

Nombre d’études sont publiées sur l’association entre la pollution de l’air ambiant et issues de grossesse, mais leurs résultats ne suggèrent pas les mêmes effets. C’est ce qui motive cette revue de la littérature, voulue aussi exhaustive que possible. La variabilité est grande, qu’il s’agisse des types d’issues de grossesse considérées, des fenêtres d’exposition pendant la grossesse, des polluants mesurés, des méthodes de mesures des expositions, ou encore des méthodes d’analyse statistique.

Les critères de prise en compte des études publiées jusqu’en juin 2016 et référencées dans la base de données Pubmed sont présentés : mots-clés, articles en anglais, portant sur l’espèce humaine seulement. Il n’a été possible de conduire une méta-analyse de qualité que pour l’effet de la pollution sur la prématurité.

Résultats de l’analyse qualitative

Au total, 96 articles respectaient les critères d’inclusion. Soixante-dix pour cent (70 %) d’entre eux ont été publiés après 2010. Les études étaient en majorité menées sur des cohortes rétrospectives (n = 45), mais 22 étaient des études cas-témoins, 10 des cohortes prospectives, et les autres suivaient d’autres protocoles divers. Les tailles d’échantillons analysés étaient très variables, avec une moyenne de 37 339 naissances. Plus de la moitié (54) a été menée en Amérique du Nord, 17 en Europe, 11 en Asie, 9 en Amérique du Sud et 5 en Australie. Une étude transversale a porté sur 22 pays en Amérique du Sud, Afrique et Asie. Enfin, les périodes d’étude variaient entre moins d’un an et 31 ans, avec une moyenne (N = 41) entre trois et cinq ans.

Les paramètres les plus fréquemment considérés étaient la durée de la gestation, ainsi que le pourcentage de naissances prématurées, d’enfants de petit poids de naissance et de retards de croissance intra-utérins. D’autres paramètres ont été étudiés dans quelques publications : hypertension maternelle au cours de la grossesse, taux de fausses couches ou de morts fœtales in utero, pourcentage de malformations congénitales, principalement les cardiopathies et les fentes faciales.

Les fenêtres d’exposition gestationnelles étaient soit la totalité de la grossesse, soit le 1er, le 2e et le 3e trimestre, ou encore le premier et le dernier mois de la grossesse. Le taux de naissances prématurées a été le plus étudié pour l’ensemble des fenêtres d’exposition, mais plus spécifiquement pour le début et la fin de la grossesse.

Les particules, le dioxyde d’azote, l’ozone et le monoxyde de carbone étaient les marqueurs les plus couramment utilisés de la pollution de l’air ambiant. Les données de surveillance continue ont souvent été combinées avec des données de surveillance spatiale plus précises.

Les sources de biais et les facteurs de confusion dans les différentes études n’ont pas été analysés dans toutes les études. Les facteurs de risque individuels des mères recherchés ont été l’âge et le niveau d’études, le tabagisme et la consommation d’alcool pendant la grossesse, l’origine ethnique, le statut matrimonial, l’indice de masse corporelle (IMC), les antécédents de grossesses pathologiques et les maladies chroniques.

Par ailleurs, les paramètres météorologiques ont été envisagés dans certaines études comme facteurs de confusion : température, humidité relative. Enfin, dans la majorité des cas, les auteurs se sont limités aux naissances uniques.

Résultats de l’analyse quantitative (méta-analyse)

L’exposition aux particules et à l’ozone pendant toute la grossesse a été associée de façon significative à une augmentation du risque de naissances prématurées : le risque est de l’ordre de 1,09

Augmentation de risque estimée à 9 %.

(1,03-1,16) par 10 μg/m3 d’augmentation des PM10

Particules matière ayant un diamètre aérodynamique de 10 μm ou moins.

), de 1,24

Augmentation de risque estimée à 24 %.

(1,08-1,41) par 10 μg/m3 d’augmentation des PM2,5

Particules matière ayant un diamètre aérodynamique de 2,5 μm ou moins.

, et 1,03

Augmentation de risque estimée à 3 %.

(1,01-1,04) par augmentation de 10 ppb

Parties par milliard.

dans l’ozone. Pour les issues de grossesse autres que les naissances prématurées, les auteurs n’ont pu établir que des fourchettes d’estimations des effets observés en raison d’un plus petit nombre d’études pour chaque fenêtre d’exposition gestationnelle.

Nous avons besoin de plus de recherches pour évaluer la relation entre les données d’issues de grossesse recueillies en routine et les données temporo-spatiales sur la pollution de l’air ambiant, qui devront prendre soin de contrôler les facteurs de confusion communément définis. Pour cela, il faut améliorer le recueil des données de santé publique et développer de nouvelles méthodes d’évaluation de l’exposition aux mélanges de polluants, à la pollution de l’air intérieur et à diverses autres expositions environnementales. Là encore, l’épigénétique aidera à comprendre comment des expositions très précoces d’un individu (déjà in utero) peuvent avoir un effet sur les pathologies développées plus tard dans la vie.


Publication analysée :

* Klepac P, Locatelli I, Korošec S, Künzli N, Kukec A. Ambient air pollution and pregnancy outcomes: A comprehensive review and identification of environmental publique health challenges. Environmental Research 2018 ; 167 : 144-59. doi : 10.1016/j.envres.2018.07.008

1 National institute of Public Health, Trubarjeva 2, Ljubljana, Slovenia