ANALYSE D'ARTICLE

Impact d’une amélioration de la qualité de l’air sur le développement pulmonaire

La diminution de la pollution atmosphérique en Californie du Sud au cours des deux dernières décennies représente un contexte « d’expérimentation naturelle » pour évaluer les effets sur la santé d’une politique d’amélioration de la qualité de l’air. Montrant qu’elle s’est accompagnée d’une amélioration significative du développement pulmonaire des jeunes adolescents, cette étude soutient le bien-fondé d’une telle politique et incite à la poursuite des efforts.

The decrease in air pollution in southern California in the past two decades provides the backdrop for a “natural experiment” to examine the beneficial health impact of policies to improve air quality. This study shows the resulting significant improvement in lung development of young adolescents, thus demonstrating the value of these policies and encouraging continued efforts.

Pendant la deuxième moitié du XXème siècle, la Californie du Sud a connu des niveaux de pollution de l’air particulièrement élevés, résultant de l’intensité du trafic motorisé et des activités industrielles et portuaires, ainsi que de la configuration naturelle des lieux entraînant la stagnation des polluants dans le bassin de Los Angeles. En 1993, la Children’s Health Study (CHS) a été lancée pour examiner les effets de cette pollution sur la santé respiratoire des enfants de la région. Simultanément, d’importantes mesures ont été prises pour réduire les émissions, ce qui a entraîné une amélioration graduelle de la qualité de l’air sur deux décennies. Son impact sur le développement pulmonaire des enfants a pu être évalué sur la base des données d’explorations fonctionnelles respiratoires (EFR) de participants à trois cohortes successives de la CHS.

 

Matériel de l’étude

Les deux premières cohortes, respectivement constituées en 1992-1993 et 1995-1996, avaient inclus des écoliers de 12 zones de Californie du Sud, dont la fonction respiratoire (capacité vitale forcée [CVF] et volume expiratoire maximal seconde [VEMS]) avait été mesurée annuellement entre les âges de 10 et 18 ans. La troisième cohorte avait été formée en 2002-2003 par le recrutement d’enfants de 13 zones, dont neuf précédemment étudiées. Pour des raisons budgétaires, des EFR n’avaient été réalisées que dans cinq de ces zones et tous les deux ans, approximativement aux âges de 11, 13 et 15 ans, ce qui a limité aux quatre années du début de l’adolescence (11-15 ans) la période de développement pouvant être historiquement comparée dans les cinq zones étudiées à trois reprises. Il s’agit d’une période de croissance rapide, critique pour l’acquisition de la capacité pulmonaire adulte, qui influence non seulement la future santé respiratoire, mais aussi la santé cardiovasculaire et le risque de décès prématuré, selon certains travaux. Chez les 2 120 enfants dont les données ont été utilisées, le VEMS avait augmenté en moyenne de 876 mL chez les filles et de 1 520 mL chez les garçons entre les âges de 11 et 15 ans. Parmi ces 2 120 enfants, 669 avaient participé à la première cohorte : l’évolution de leur capacité pulmonaire sur quatre ans a été établie à partir des mesures de la CVF et du VEMS réalisées entre 1994 et 1998. Pour les 588 membres de la deuxième cohorte et les 863 membres de la troisième, les deux périodes correspondantes sont 1997-2001 et 2007-2011.

Les cinq zones offraient un contraste marqué au départ en termes de concentrations atmosphériques de dioxyde d’azote (NO2), de PM2,5, PM10 et d’ozone, les quatre polluants continuellement mesurés depuis 1994. La diminution des niveaux de PM10 et d’ozone avait été partout relativement modeste entre 1994 et 2011 comparativement au déclin des concentrations de PM2,5 et de NO2. Ainsi, dans la zone ayant initialement les niveaux de PM2,5 les plus élevés (Mira Loma), la concentration était passée de 31,5 μg/m3 (valeur moyenne sur la période 1994-1998) à 17,8 μg/m3 (période 2007-2010). Dans le même temps, à Long Beach, le niveau de NO2 avait baissé de 34,4 à 20,3 parties par milliard (ppb).

 

Effet de l’amélioration de la qualité de l’air

Dans chaque zone, la diminution des niveaux de NO2, de PM2,5 et de PM10 a favorisé le développement pulmonaire des jeunes adolescents. En revanche, un impact de la diminution de la pollution à l’ozone n’est pas observé. En regroupant les données des cinq zones, la diminution médiane du niveau du NO2(- 14,1 ppb) est associée à des gains moyens significatifs (p< 0,001) de 91,4 mL du VEMS (IC95= 47,9-134,9) et de 168,9 mL de la CVF (IC95= 127-210,7). La réduction de la concentration des PM2,5(baisse médiane de 12,6 μg/m3) est associée à une augmentation moyenne de 65,5 mL (17,1-113,8) du VEMS (p= 0,008) et de 126,9 mL (65,7-188,1) de la CVF (p< 0,001). L’effet d’une diminution médiane de 8,7 μg/m3du niveau des PM10est un gain de 65,5 mL (27,2-103,7) du VEMS et de 113 mL (60-166,1) de la CVF (p< 0,001 pour les deux paramètres). La forte corrélation entre l’évolution des niveaux des trois polluants ne permet pas d’estimer l’indépendance de ces associations.

Elles persistent quand le modèle de base (tenant compte du sexe, de l’origine ethnique, de la taille, de l’indice de masse corporelle et de la présence éventuelle d’une infection respiratoire le jour du test) est ajusté sur d’autres facteurs de confusion potentiels (exposition passive et active au tabac, asthme au moment de l’entrée dans la cohorte, niveau d’études des parents, couverture santé, présence d’un animal domestique ou de moisissures à la maison).Des analyses supplémentaires montrent que l’amélioration de la qualité de l’air est bénéfique pour les enfants des deux sexes (avec un effet plus marqué chez les garçons), et pour les enfants asthmatiques comme non-asthmatiques (l’effet de la diminution du niveau de NO2est plus important chez les enfants asthmatiques). La proportion d’enfants dont le VEMS est inférieur à 80 % de la valeur prédite à l’âge de de 15 ans est de 7,9 % dans la première cohorte, de 6,3 % dans la deuxième et de 3,6 % dans la troisième.

 

Laurence Nicolle-Mir

 

Publication analysée :

Gauderman WJ, Urman R, Avol E, et al. Association of improved air quality with lung development in children. N Engl J Med 2015; 372: 905-13.

Department of Preventive Medicine, University of Southern California, Los Angeles, États-Unis.

doi: 10.1056/NEJMoa14141231