Contaminants

Autres produits chimiques

Valérie Pernelet-Joly

Chef d'unité d'évaluation des risques sanitaires liés à l'air
Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation et du travail)
Maisons-Alfort

Volume 20, numéro 1, Janvier-Février 2021

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ANALYSE D'ARTICLE

Les impacts sanitaires liés à la contamination de l’environnement
par les micro- et les nano-plastiques :
une revue de la littérature

Les plastiques sont des produits de synthèse faits de polymères organiques et d’autres additifs chimiques, tels que des bisphénols, des phtalates, des retardateurs de flamme, qui procurent aux produits plastiques différentes propriétés. Ils sont utilisés dans un large éventail de produits commerciaux, du fait de leur faible coût, de leur facilité de production, de leur polyvalence et de leur hydrophobicité. La production de plastiques augmente d’année en année. On estime que 6,3 milliards de tonnes de déchets plastiques ont été générés dans le monde entre 1950 et 2015. Si cette tendance se poursuit, ce chiffre grimpera à 26 milliards de tonnes d’ici 2050. Seulement 21 à 26 % des déchets plastiques seraient correctement recyclés ou incinérés ; le reste conduit à une pollution des eaux marines et douces, des sols, de l’air, etc.

En plus des produits manufacturés en plastique, de minuscules particules de plastique sont utilisées dans des produits de consommation tels que des produits de soin, qui sont à leur tour jetés en fin d’usage et contribuent ainsi également à la pollution de l’environnement par les plastiques.

Une première source de micro- et nano-plastiques (MNP) dans l’environnement est liée aux micro- ou nano-billes de plastiques qui sont contenues dans différents produits, tels que des cosmétiques, des détergents, des dentifrices, des médicaments, etc., et qui se retrouvent facilement dans l’environnement après utilisation. La seconde source de MNP dans l’environnement est liée à la dégradation de plus larges pièces de plastiques du fait de radiations UV, de biodégradations environnementales, de dégradations thermiques ou encore d’usures physiques.

La revue présente une synthèse des publications de 2016 à 2020 qui fournissent des données sur les quantités et gammes de tailles des MNP retrouvées dans différents compartiments de l’environnement. C’est le compartiment aquatique/aqueux (eaux marines, eaux douces et eaux de boisson) qui fait l’objet du plus grand nombre d’études. Quelques études se sont intéressées aux sols et sédiments et au sel de table. Les régions investiguées se répartissent sur différents continents : Europe, Asie et Amérique du Nord. Il ressort que très peu des études recensées se sont intéressées aux formes nanométriques ; cette lacune est attribuée au fait que les techniques analytiques appliquées pour les formes microscopiques ne sont pas appropriées. Par rapport à un travail de revue précédent [1] qui avait ciblé les publications disponibles jusqu’en 2015, il ressort que les dernières études se focalisent davantage sur des matrices pouvant exposer directement l’homme, telle que l’eau de boisson ou le sel de table.

Les impacts sur la santé sont brièvement décrits pour différentes catégories animales : des animaux marins, des organismes d’eau douce et des espèces mammifères terrestres, ces dernières étant investiguées pour approcher au mieux d’éventuels impacts sur la santé humaine.

Concernant les animaux marins, les résultats des études analysées montrent que différentes tailles de MNP peuvent être absorbées et accumulées. La plupart des organismes filtrants ingèrent des MNP de taille inférieure à 10 μm, qui s’accumulent dans l’intestin pour être ensuite absorbés dans le système circulatoire. Des impacts sur le développement, des malformations et une baisse de la fertilité de ces organismes sont rapportés. Outre des organismes filtrants, certaines études se sont également intéressées à des annélides, mais sans montrer d’effet biologique particulier. Dans l’ensemble, ces études suggèrent que plus les particules de plastique sont de petite taille, plus elles s’accumulent dans les organismes, et plus leur toxicité est importante.

Plusieurs études s’intéressent de plus en plus aux organismes d’eau douce (daphnies et poissons-zèbres). Elles montrent que différentes concentrations de MNP dans cet écosystème ont différents degrés d’impact sur la croissance, le développement, le comportement, la reproduction et la mortalité de ces organismes.

Concernant les mammifères, de récentes recherches sur la souris montrent l’accumulation de MNP dans les reins, le foie et l’intestin, ainsi qu’un impact sur le métabolisme lipidique. Sur la base de ces résultats, les auteurs estiment qu’il est plausible d’envisager une contamination et une accumulation de MNP dans l’organisme humain et des impacts sur la santé consécutifs, du fait principalement de la chaîne alimentaire.

Différentes études se sont également intéressées aux effets associés à des substances chimiques adsorbées à la surface des MNP. Par exemple, des métaux ou des polychlorobiphényles (PCB) peuvent s’adsorber sur les MNP, qui une fois ingérés, facilitent leur transfert dans l’organisme.

Enfin, les nombreux additifs que l’on peut trouver dans la composition des matières plastiques (bisphénols, phtalates, retardateurs de flamme, etc.) peuvent être libérés de la matrice plastique, du fait de facteurs environnementaux (température, radiation UV, salinité des eaux marines, etc.) et être à l’origine d’impacts néfastes sur les organismes exposés.

En conclusion, les auteurs rappellent qu’il n’existe pas à l’heure actuelle de données conclusives quant à l’impact sur la santé humaine des MNP. Cependant, leur capacité à s’accumuler dans les organismes et à atteindre la circulation systémique doit interpeller. De nouvelles études s’avèrent nécessaires pour faire progresser les connaissances dans ce champ. Enfin, si les compartiments aquatiques, les sols et quelques aliments sont investigués, il ne ressort aucune information quant à la potentielle contamination de l’air par ces MNP.

  • [1] Bouwmeester H., Hollman P.C., Peters R.J. Potential health impact of environmentally released micro- and nanoplastics in the human food production chain: Experiences from nanotoxicology. Environ Sci Technol. 2015;49:8932-8947.

Publication analysée :

* Jiang B, Kauffman AE, Li L, et al. Health impacts of environmental contamination of micro- and nanoplastics:a review. Environmental Health and Preventive Medicine 2020 ; 25 : 29. Doi : 10.1186/s12199-020-00870-9