ANALYSE D'ARTICLE

Métabolites urinaires des phtalates et syndrome métabolique : analyse dans la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES)

mesurée par le niveau de leurs métabolites urinaires, apparaît diversement associée au risque de syndrome métabolique en fonction du sexe, de l’âge et du statut ménopausique, dans cette analyse transversale des données de la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES).

In this cross-sectional analysis of NHANES data, exposure to two phthalates – di-2-ethylhexyl phthalate (DEHP) and butylbenzyl phthalate – measured by their urinary metabolite concentrations is associated with the risk of metabolic syndrome to degrees that vary with sex, age, and menopausal status.

Alors que la relation entre l’exposition aux phtalates et l’obésité, la résistance à l’insuline ou encore la pression artérielle (PA), fait l’objet d’un nombre croissant d’études, la relation avec le syndrome métabolique est méconnue.

Conformément à sa définition actuelle aux États-Unis (au moins trois des cinq critères suivants : tour de taille ≥ 102 cm chez les hommes et 88 cm chez les femmes ; triglycérides sanguins ≥ 150 mg/dL ; HDL-cholestérol < 40 mg/dL chez les hommes et 50 mg/dL chez les femmes ; PA ≥ 130/85 mmHg ou traitement antihypertenseur ; glycémie à jeun ≥ 100 mg/dL ou traitement antidiabétique), ce syndrome, qui constitue un meilleur marqueur du risque cardiovasculaire que ses composantes prises individuellement, affectait 31,8 % de la population incluse dans cette étude. Ces 2 719 participants à la National Health and Nutrition Examination Survey (NHANES), qui recueille chaque année des données de santé auprès d’un échantillon représentatif renouvelé de la population étatsunienne non institutionnalisée, représentaient 79 % de la population âgée de 20 à 80 ans chez laquelle des métabolites urinaires des phtalates avaient été mesurés au cours des cycles 2001 à 2010 de l’enquête, après exclusion des femmes enceintes ou allaitantes, des sujets qui étaient à jeun depuis moins de huit heures au moment du prélèvement sanguin, et des dossiers avec données manquantes.

 

Analyses réalisées

Les métabolites urinaires des phtalates mesurés dans la NHANES variant d’une année à l’autre, les auteurs ont opéré une sélection parmi les composés pour lesquels des associations avec des anomalies métaboliques avaient été précédemment rapportées, et ceux qui avaient été systématiquement recherchés durant les 10 années considérées, avec un taux de détection supérieur à 60 %. La sélection comportait le mono-éthylphtalate (MEP), le mono-n-butylphtalate (MnBP), le mono-iso-butylphtalate (MiBP), le mono-benzylphtalate (MBzP), le mono-3-carboxypropylphtalate (MCPP) et trois métabolites du di-2-éthylhexylphtalate (DEHP) dont les niveaux étaient fortement corrélés et qui ont été sommés.

Après log-transformation, les concentrations de ces différents phtalates ont été réparties en quartiles et les odds ratio (OR) de syndrome métabolique dans les trois quartiles supérieurs ont été calculés en référence au premier. Les analyses dans la population totale ont été effectuées avec un modèle ajusté sur le niveau de la créatinine urinaire, l’âge, le sexe, l’origine ethnique, l’apport calorique total, le niveau d’études, l’activité physique, le tabagisme et le statut par rapport au seuil de pauvreté.

La prévalence du syndrome métabolique étant plus élevée à partir de 50 ans dans la population étudiée, chez les hommes (44 % versus 23,6 % avant 50 ans) comme chez les femmes (47,4 % versus 21,1 %), les auteurs ont réalisé des analyses stratifiées selon l’âge (moins de 50 ans versus ≥ 50 ans), ainsi que selon le statut ménopausique qui marquait une forte différence (prévalence du syndrome métabolique de 21,9 % chez les femmes en période d’activité génitale [n = 725] et de 46,8 % après la ménopause [n = 606]). Par ailleurs, l’effet de l’exposition aux phtalates a été examiné séparément chez les hommes et chez les femmes, tenant compte de différences physiologiques et de précédents résultats dans la population de la NHANES, montrant une association entre les métabolites du DEHP et la glycémie plus forte chez les hommes, et à l’inverse une association entre le MBzP et l’insulinémie plus forte chez les femmes.

En complément, les auteurs ont étudié les relations entre les niveaux des métabolites et chaque composante du syndrome métabolique isolément (obésité centrale, hypertriglycéridémie, HDL-c bas, PA élevée, hyperglycémie).

 

Principaux résultats

Dans la population totale, le syndrome métabolique apparaît positivement associé au DEHP et, dans une moindre mesure, au MBzP. L’OR dans le dernier quartile de concentration de la somme des métabolites du DEHP est égal à 1,94 (IC95 = 1,35-2,80). Dans les catégories d’exposition inférieures, l’OR est égal à 1,64, avec des intervalles de confiance allant de 1,24 à 2,17 dans le deuxième quartile et de 1,22 à 2,22 dans le troisième. Pour le MBzP, l’excès de risque est significatif uniquement dans le deuxième quartile (OR = 1,40 [1,04-1,89], puis 1,37 [0,96-1,96] et 1,44 [0,98-2,12]).

L’association avec le DEHP est plus marquée chez les hommes. Les OR successifs, du deuxième au quatrième quartiles, sont égaux à 1,60 (1,11-2,31), 1,69 (1,16-2,46) et 2,20 (1,32-3,68). Chez les femmes, le résultat n’est significatif que dans le deuxième quartile (OR = 1,58 [1,09-2,29]). À l’opposé, l’effet du MBzP dans la population totale apparaît porté par des associations observées seulement chez les femmes : OR égaux à 1,55 (1,07-2,26) dans le deuxième quartile, 1,71 (1,05-2,80) dans le troisième et 1,69 (0,97-2,93) dans le dernier.

Chez les hommes de moins de 50 ans, l’association entre le niveau des métabolites du DEHP et le syndrome métabolique n’existe que dans le dernier quartile (OR = 2,47 [1,50-3,62]), alors que les OR atteignent ou dépassent 2 pour tous les niveaux d’exposition chez les hommes plus âgés (avec cependant un seul résultat statistiquement significatif : l’OR dans le deuxième quartile, égal à 2,57 [1,02-1,69]). Dans la population féminine, des associations significatives avec la somme des métabolites du DEHP sont mises en évidence uniquement en-dessous de 50 ans : OR successifs du deuxième au quatrième quartiles égaux à 2,38 (1,37-4,14), 1,85 (1,02-3,37) et 2,37 (1,13-4,97). La stratification selon le statut ménopausique confirme ces résultats : aucune association entre le syndrome métabolique et le DEHP n’est observée en post-ménopause, tandis que le risque de syndrome métabolique est multiplié par 2 à 3 dans les catégories supérieures d’exposition chez les femmes en période d’activité génitale. Par ailleurs, alors que la stratification selon l’âge ne montre pas d’influence nette sur l’effet du MBzP, la stratification selon le statut ménopausique indique un effet marqué avant la ménopause (OR égal à 3,88 [1,59-9,49] dans le dernier quartile) et inexistant ensuite.

 

Questions soulevées

Le lien entre l’exposition à certains phtalates et le syndrome métabolique, suggéré par cette étude, est plausible à la lumière des données épidémiologiques et de laboratoire existantes, qui concernent notamment le métabolisme glucidique et l’adiposité. Plusieurs observations demandent à être explorées et expliquées, en particulier les différences d’effets selon le sexe, l’âge et le statut ménopausique, ainsi que l’absence de relation dose-effet.

Des études longitudinales seraient nécessaires pour établir un lien de causalité entre l’exposition aux phtalates et le syndrome métabolique, qui se constitue très lentement. Étant donné la rapidité d’élimination des phtalates, seules des mesures répétées de leurs métabolites urinaires permettraient d’estimer l’exposition chronique. Les phtalates pouvant être présents dans des produits d’hygiène et de soins, des médicaments et des emballages alimentaires, des concentrations urinaires élevées chez des sujets déjà malades peuvent être la conséquence plutôt que la cause de l’état pathologique.

 

Laurence Nicolle-Mir

 

Publication analysée :

James-Todd T1, Huang T, Seely E, Saxena A. The association between phthalates and metabolic syndrome: the National Health and Nutrition Survey 2001-2010. Environ Health 2016; 15: 52.

Departments of Environmental Health and Epidemiology, Harvard T.H. Chan School of Public Health, Boston, États-Unis.

doi: 10.1186/s12940-016-0136-x