Contaminants

Nanotechnologies

Elisabeth Gnansia

Engie
Pôle Santé-Environnement, Paris

Volume 19, numéro 6, Novembre-Décembre 2020

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ANALYSE D'ARTICLE

Nanoparticules d’origine industrielle émises par la combustion et les frottements : sont-elles coupables des maladies d’Alzheimer et de Parkinson ?

Une part importante des polluants particulaires aéroportés est constituée de nanoparticules issues de la combustion et du frottement (NPCF).

Les enfants et jeunes adultes citadins atteints de la maladie d’Alzheimer à différents stades (il existe un continuum) ont un nombre plus élevé de NPCF dans le cerveau que des témoins vivant dans un environnement sans pollution de l’air. Si la surface neuronale est chargée en NPCF, la susceptibilité magnétique dynamique de ces nanoparticules et leur teneur en fer contribuent à la génération d’espèces réactives de l’oxygène (ERO), à l’unité neurovasculaire (UNV)1, ainsi qu’à la survenue de lésions des mitochondries et du réticulum endoplasmique. Ces éléments sont des catalyseurs du mauvais pliage, de l’agrégation et de la fibrillation des protéines. Les NPCF répondent aux champs magnétiques externes et sont impliquées dans les lésions cellulaires par agglomération ou regroupement, par rotation magnétique et/ou dans l’hyperthermie.

Lilian Calderón-Garcidueñas (université du Montana) et ses collaborateurs de l’université de Mexico font une revue de la littérature qui porte sur l’interaction des NPCF, des médicaments sous forme de nanoparticules et des nanoparticules industrielles avec les systèmes biologiques. Ils analysent l’impact de la voie d’entrée, de la taille des particules, de leur charge de surface, de leur couronne biomoléculaire2, de leur biodistribution, du dysfonctionnement mitochondrial, de la toxicité cellulaire, et du transport axonal antérograde et rétrograde.

Les informations sur la toxicité des nanoparticules viennent des travaux de chercheurs qui en ont synthétisé et ont amélioré leurs performances en matière de transport et de ciblage des médicaments. Ils ont aussi étudié le rôle des nanoparticules utilisées en imagerie par résonance magnétique et celles qui servent de médiateurs thermiques pour le traitement du cancer.

Les principaux résultats concernent la manière dont ces nanoparticules franchissent les barrières (vasculaire, hémato-encéphalique, placentaire), les changements des nanoparticules à couronne protéique lorsqu’elles franchissent l’unité neurovasculaire, et la complexité de l’interaction des nanoparticules avec les protéines solubles et les organites clés.

On a montré que le stress oxydant et mitochondrial ainsi que le fonctionnement défectueux d’une protéine complexe de contrôle de qualité sont au cœur aussi bien de la maladie d’Alzheimer que de celle de Parkinson. La présente revue montre que les NPCF sont des facteurs importants de développement précoce et de progression de ces deux maladies mortelles. L’exposition aux nanoparticules, quelle que soit leur source, comporte un risque élevé de perturber l’homéostasie cérébrale de l’être en développement et devrait être plus présente dans les projets de recherche sur les deux maladies.

Commentaire

Cette revue de la littérature très largement documentée confirme la première hypothèse formulée en 2016 à partir d’études de cerveaux de personnes de tous âges (3 à 92 ans) décédées de maladie d’Alzheimer ou de Parkinson dans la région de Mexico et de Manchester, deux villes dont l’air est fortement pollué par le trafic routier et les émissions industrielles. Les méthodes avancées de biologie cellulaire (omiques en particulier) qui ont été utilisées permettent de rendre très plausible que les nanoparticules issues de la combustion et du frottement expliquent une partie non négligeable des cas précoces des deux maladies neurodégénératives. Cet effet est d’autant plus net que les individus sont exposés tôt dans la vie (a fortiori dès la vie fœtale) et pendant un temps long. Les autres sources de nanoparticules (alimentaires ou utilisées dans les cosmétiques) pourraient avoir les mêmes effets indésirables. Les auteurs soulignent les points communs entre les maladies d’Alzheimer et de Parkinson, centrés sur les modifications des protéines du cerveau : une voie de recherche à privilégier.


Publication analysée :

* Calderón-Garcidueñas L, Reynoso-Robles R, González-Maciel A. Combustion and friction-derived nanoparticles and industrial-sourced nanoparticles: The culprit of Alzheimer and Parkinson's diseases. Env Res 2019 ; 176 : 108574. doi : 10.1016/j.envres.2019.108574

1 L’unité neurovasculaire (UNV) est un concept relativement récent en neurosciences qui décrit de manière générale la relation entre les cellules du cerveau et les vaisseaux sanguins qui les irriguent. L’UNV inclut des composants cellulaires et extracellulaires qui participent à la régulation du flux sanguin cérébral et à la fonction de barrière hémato-encéphalique.

2 Lorsque les nanoparticules entrent dans un milieu physiologique, elles se trouvent dans un environnement concentré en molécules variées. La surface de la nanoparticule est alors rapidement saturée par l’adsorption non spécifique de biomolécules. Cette couche se formant à la surface des nanoparticules est nommée « couronne biomoléculaire ». Elle est composée principalement de protéines, de lipides et de glucides. C’est finalement cette couronne qui forme l’interface entre la nanoparticule et l’environnement biologique.