Fondements scientifiques

Aspects sociologiques et gestion du risque

Jean-Claude André

Directeur de recherche INSIS
(Institut des sciences de l'ingénierie et des systèmes)
CNRS (Centre national de la recherche scientifique)

Volume 20, numéro 1, Janvier-Février 2021

Télécharger le PDF de l'analyse

ANALYSE D'ARTICLE

Perceptions et attentes
sur la gestion des risques incertains
des biotechnologies émergentes aux Pays-Bas

Le « Safer by Design » (SBD) repose sur des notions et des appellations qui ne sont ni totalement stabilisées, ni clairement délimitées. Il s’agit d’une démarche d’amélioration a priori du rapport bénéfices/risques d’une innovation dans tout son cycle de vie. Il est ainsi nécessaire de connaître les caractéristiques qui influent sur la toxicité des matières et des matériaux et sur leur bio-distribution ultérieure. Mais, concernant les risques et les dangers, au cours de leur cycle de vie, les connaissances sont souvent lacunaires. Cette approche ne constitue alors pas une garantie absolue contre des risques pour la société et son environnement.

Après ce rappel, les auteurs de l’article cité en référence prennent comme cible un domaine émergent, celui des biotechnologies issues de procédés CRISP (ayant conduit à deux prix Nobel de chimie en 2020). Si la recherche peut (doit) garantir une bonne maîtrise des risques par des méthodes quantitatives robustes, les applications peuvent poser question par absence de connaissances à court et moyen termes sur les dangers et sur des moyens de s’en prémunir. Des essais devraient pouvoir être réalisés pendant les phases de mise au point, afin de diriger les essais exploratoires et de privilégier les procédés ayant le profil toxicologique et/ou environnemental le plus favorable possible. Mais, pour l’instant, le principe de précaution devrait normalement être appliqué, alors que les auteurs ont interrogé la société pour tenter de dégager quelques lignes d’action ou de réaction.

Commentaire

Le SBD est parfois utilisé en conception de procédés chimiques et en nanotechnologies. Au lieu de s’appuyer sur des bases toxicologiques et de sécurité qui ont fait leurs preuves, les auteurs se sont intéressés à la perception d’un certain nombre de parties prenantes de la notion générale et qualitative du rapport bénéfice/risque, le risque étant juste perçu, avec en corollaire la notion d’acceptabilité.

Ce qui est surprenant dans cette approche, est que les auteurs, avec une méthode sociologique classique, ne s’appuient sur aucune donnée scientifiquement fondée. L’approche par le principe de précaution n’est qu’envisagée. Alors, cette méthodologie qualitative explore plus un jugement en toute non-connaissance de cause que le contraire, ce qui peut être déstabilisant. De plus, les avis qui proviennent d’une majorité de parties prenantes ne peuvent définir la vérité ! Rappelons-nous que la loi d’Ohm n’a jamais fait l’objet d’un vote !

En fait, en choisissant le thème, les auteurs ont plutôt (sans le dire vraiment) exploré la sensibilité du public à l’effet de technologies émergentes « sensibles » et c’est là qu’ils font apparaître de manière crédible des éléments de rejet assez classiques avec des demandes de responsabilité, de transparence, etc.

De là à conclure que le concept SBD peut être appliqué dans les biotechnologies... Il y a peut-être une grande rapidité dans la transition entre ce que peuvent penser et dire les interviewés et cette assertion. A minima, quelques rappels techniques sur le SBD auraient pu aider le lecteur de cet article.


Publication analysée :

* Bouchaut B, Asveld L. Safe-by-Design: Stakeholders’ perceptions and expectations of how to deal with uncertain risks of emerging biotechnologies in the Netherlands. Risk Analysis 2020 ; 40 : 1632-44. doi : 10.1111/risa.13501