ANALYSE D'ARTICLE

Perfluoroalkylés et développement pubertaire des garçons et des filles : analyse de données de la cohorte de naissance danoise

À ce jour, les effets de l’exposition prénatale aux substances perfluoroalkylées (PFAS) sur la reproduction dans l’espèce humaine ne sont pas établis pour ces perturbateurs endocriniens reconnus. La cohorte nationale de naissance au Danemark a permis de suivre plus de 100 000 grossesses recrutées entre 1996 et 2002. Les données collectées lors d’entretiens téléphoniques (deux au cours de la grossesse) concernaient la santé et le mode de vie. Un sous-échantillon de la cohorte nationale, appelé « Cohorte puberté », a été extrait en 2012 : 56 641 enfants nés vivants entre 2000 et 2003 ont été inclus, dont les mères avaient répondu au questionnaire téléphonique. L’objectif était d’explorer les associations entre l’exposition prénatale à plusieurs PFAS et divers troubles du développement pubertaire chez les garçons et les filles. Pour cela, dès le début de la grossesse avaient été effectués des dosages de PFAS plasmatiques maternels. Ces dosages sont disponibles pour deux sous-échantillons de la cohorte : l’un (n = 722) inclut des dosages d’acide perfluorooctanoïque (PFOA) et de sulfonate de perfluorooctane (PFOS) ; l’autre (n = 445) inclut des dosages de PFOA, PFOS, de sulfonates de perfluorohexane (PFHxS) et de perfluoroheptane (PFHpS), et d’acides perfluoronanoïque (PFNA) et perfluorodécanoïque (PFDA). Les données relatives au développement pubertaire des enfants – à partir de l’âge de 11 ans et jusqu’à l’âge adulte – ont été recueillies deux fois par an, à l’aide de questionnaires en ligne remplis par les sujets eux-mêmes. Pour les filles, les questions portaient sur l’âge aux premières règles et le développement mammaire. Pour les garçons, elles concernaient l’âge de la mue de leur voix, de la première éjaculation, et du développement des organes génitaux externes. Pour les deux sexes, une question portait sur le développement de la pilosité pubienne (stades 1 à 5 de Tanner).

Résultats

Un index de développement pubertaire a ainsi été construit. Un modèle de régression appliqué à des données censurées (les valeurs inférieures ou supérieures à un seuil donné ont été regroupées comme « inférieures à » et « supérieures à ») a été utilisé. L’objectif était d’estimer la différence d’âge moyenne (exprimée en mois) de fin de puberté selon les tertiles de concentrations de PFAS et en cas de doublement des concentrations en PFAS. Pour le PFOA et le PFOS, une méta-analyse a été conduite afin d’aboutir à une moyenne pondérée des estimations ponctuelles. Les résultats montrent que l’exposition prénatale aux PFOS, PFHxS, PFHpS, PFNA et PFDA (chez les filles) et aux PFHxS et PFHpS (chez les garçons) est associée à un début de puberté plus précoce sur la base des différents signes (premières règles, mue de la voix, etc.) et de l’index construit de développement pubertaire. En revanche, l’exposition au PFDA et au PFNA est associée à un début de puberté plus tardif chez les garçons. Chez les filles (pour PFOS, PFHpS et PFDA), et chez les garçons (pour PFDA et PFNA), une association non monotone a été observée avec, pour l’indicateur combiné de puberté, des différences d’âge plus grandes dans le tertile moyen (PFOS : -3,73 mo, IC 95 % : [-6,59 ; 0,87] ; PFHpS : -4,92 mo, IC 95 % :[-11,68 ; -1,85] ; PFDA : -3,60 mo, IC 95 % : [-9,03 ; 1,83]) que dans le tertile le plus élevé (pris comme référence). Cette étude, menée sur une cohorte populationnelle, suggère des associations différentes selon le sexe entre développement pubertaire et exposition prénatale aux PFAS.

Ces résultats sont les premiers publiés à partir de données collectées prospectivement et il faut qu’ils soient confirmés par d’autres études.

Commentaire

L’effet envisagé des perturbateurs endocriniens sur le développement pubertaire est dans la très grande majorité des cas un avancement de l’âge d’apparition des premiers signes. Ces pubertés précoces sont beaucoup plus fréquentes chez les filles que chez les garçons, comme le montre une étude menée en France et publiée en 2018 dans le BEH[1]. Les résultats de cette étude danoise sont complexes en raison de la multiplicité des molécules testées et des associations considérées comme significatives. Ces dernières ne sont pas monotones, c’est-à-dire que des doses de polluants faibles sont plus fortement associées à des troubles pubertaires que des doses plus élevées. Ce type de résultats est considéré comme caractéristique des perturbateurs endocriniens. Les effets suspectés sur le déclenchement de la puberté peuvent paraître sans grandes conséquences, mais en réalité ils peuvent être des marqueurs de troubles de la reproduction ultérieurs et avoir des conséquences démographiques et sanitaires non négligeables.

  • [1] Rigou A., Le Moal J., Le Tertre A. L’incidence de la puberté précoce centrale idiopathique en France révèle une hétérogénéité géographique importante. BEH. 2018;22-23:464-471.

Publication analysée :

* Ernst A1, Brix N, Braskhøj Lauridsen LL, et al. Exposure to perfluoroalkyl substances during fetal life and pubertal development in boys and girls from the Danish National Birth Cohort. EHP 2019 ; 127(1) : 17004. doi : 10.1289/EHP3567

1 Department of Public Health, Section for Epidemiology, Aarhus University, Aarhus, Danemark