ANALYSE D'ARTICLE

Risque d’interférence entre les implants médicaux et les champs électromagnétiques basses fréquences

Omniprésents dans notre environnement domestique, professionnel et dans les lieux publics, les champs électromagnétiques sont susceptibles d’interférer avec les implants médicaux actifs dont le fonctionnement repose sur une électronique plus ou moins complexe. Cet article présente la problématique concernant les champs électromagnétiques basses fréquences (0-100 kHz).

Electromagnetic fields – present everywhere in our domestic and working environments and in public spaces – are likely to interfere with relatively complex electronic active medical implants. This article present the issue in the case of low-frequency electromagnetic fields (0-100 kHz).

Un nombre croissant de personnes bénéficie d’implants médicaux tels que des stimulateurs cardiaques (pacemakers) et des défibrillateurs – qui sont les dispositifs médicaux actifs implantés (DMAI) les plus répandus – mais aussi des pompes à insuline ou délivrant d’autres médicaments, des implants auditifs et, plus rarement, des neuro- ou myostimulateurs. Ces progrès technologiques permettent aux porteurs d’implants de retrouver une autonomie et une vie active, y compris professionnellement pour certains d’entre eux, et d’évoluer librement dans l’espace privé et public où les sources de champs électromagnétiques (CEM) sont de plus en plus nombreuses et variées.

Quel est le risque d’interférence entre ces champs et les dispositifs médicaux électroniques et quel est le risque subséquent de dysfonctionnement problématique ? Le risque d’interférence est en réalité complexe à analyser, comme l’explique cet article, car il ne dépend pas seulement de l’intensité du champ et de la durée d’exposition, mais aussi de facteurs propres au type d’implant qui lui confèrent une sensibilité variable (dispositif sans sonde ou avec sonde implantée, de mesure ou de stimulation, uni- ou bipolaire) et de ses paramètres de programmation, ainsi que de sa localisation dans le corps et de la morphologie du porteur. Quant à la pertinence clinique d’une interférence électromagnétique, sa traduction en un dysfonctionnement plus ou moins grave, elle dépendra, par exemple pour un pacemaker, du niveau de dépendance du cœur vis-à-vis de l’implant et de sa vulnérabilité à une stimulation asynchrone ou à un rythme de stimulation élevé.

 

La compatibilité électromagnétique

La compatibilité électromagnétique est l’aptitude d’un appareil ou d’un système à fonctionner dans son environnement électromagnétique de façon satisfaisante et sans produire lui-même des perturbations électromagnétiques intolérables pour tout ce qui se trouve dans cet environnement. Tous les appareils mis sur le marché doivent garantir un seuil en deçà duquel une perturbation électromagnétique ne vient pas gêner leur bon fonctionnement. Ce niveau d’immunité est établi par l’étude du fonctionnement de l’appareil dans un milieu présentant un niveau de perturbations donné.

L’évaluation de la possibilité d’un dysfonctionnement du DMAI suit le cheminement physique de l’interférence électromagnétique. La mise en œuvre expérimentale nécessite la définition et la modélisation d’une source d’émission de perturbations (caractérisant l’exposition environnementale), d’un fantôme équivalent du tissu biologique dans lequel le champ pénètre et d’un mode de transfert de l’énergie au récepteur de perturbations (l’appareil « victime ») ou « couplage », qui peut être de type galvanique (par conduction) ou par rayonnement. Le porteur d’implant, en tant que milieu de couplage, est une composante essentielle de l’interaction qui rend ce type d’étude de compatibilité électromagnétique particulière.

 

La difficulté d’appréhender toutes les situations

La diversité des situations dans lesquelles le porteur d’implant peut se trouver et le cumul possible de plusieurs sources de CEM dans son environnement limitent la pertinence d’une approche unique de l’exposition en compatibilité électromagnétique des implants actifs. En pratique, il est impossible de prévoir si une interférence électromagnétique aura lieu étant donné la multitude des cas d’exposition possibles. Les implants cardiaques actuels sont relativement bien protégés contre les effets des CEM courants. Dans l’environnement public, le risque d’interférence est néanmoins possible avec les portiques de surveillance électronique (portiques antivol) généralement composés de bobines générant un champ magnétique dont la fréquence de fonctionnement peut aller de quelques centaines de Hertz à 2,45 GHz pour des champs dont l’amplitude et la forme sont très variés (modulés, pulsés, etc.). La restriction aux niveaux de référence recommandés ne peut pas empêcher que des interférences se produisent en deçà de ces valeurs. Les situations pouvant entraîner un risque d’interférence doivent donc être identifiées afin d’informer le porteur d’implant des précautions à prendre (éviter, par exemple, de stationner auprès d’un portique ou de rester appuyé dessus à la caisse d’un magasin).

Les expositions les plus importantes se rencontrent généralement dans l’environnement professionnel où les champs issus d’installations industrielles sont très variables. Ainsi, les fours à induction utilisés dans les procédés de traitement des métaux fonctionnent dans une bande allant de 50 Hz à quelques MHz, à des niveaux pouvant atteindre 6 mT. Le personnel travaillant au sein d’installations mettant en œuvre des électrolyseurs peut se trouver en présence de champs statiques atteignant 50 mT. Ces procédés mettent en jeu des champs magnétiques d’une intensité supérieure à celle qui est susceptible, a priori, d’engendrer des dysfonctionnements. Après la publication de la directive européenne 2004/40/CE (remplacée par la directive 2013/35/CE), des procédures d’évaluation de risque ont été élaborées pour les porteurs de DMAI en milieu professionnel. Une première norme européenne générique a été publiée en 2010 (CENELEC 2010), qui a engendré d’autres normes spécifiques à chaque type d’implant. La procédure développée dans les normes EN 50527 constitue une base suffi sante pour l’analyse du risque d’interférence, à l’aide de plusieurs outils possibles d’évaluation des interactions électromagnétiques (simulation informatique, simulation expérimentale in vitro ou études cliniques). La possibilité de retour d’un salarié implanté à un poste de travail exposant aux CEM nécessite la collaboration de plusieurs acteurs (médecin du travail, médecin spécialiste, fournisseur du DMAI et organisme de mesure) pour une évaluation des risques associant compétences techniques et médicales.

L’environnement médico-hospitalier, avec ses sources particulières de CEM (bistouri électrique, imagerie par résonance magnétique [IRM], thérapie par stimulation électromagnétique, monitoring, etc.) peut poser des problèmes spécifiques. Les porteurs d’implants ne doivent pas être traités avec des équipements de diathermie à ondes courtes, même si l’implant a été désactivé. La présence d’un implant est considérée comme une contre-indication à l’IRM, mais cette position commence à être remise en cause dans un esprit d’évaluation bénéfice/risque et des pacemakers « IRM compatibles » ont été récemment développés.

Laurence Nicolle-Mir


Publication analysée :

Kourtiche D1, Nadi M, Souques M, Magne I. Implants médicaux et champs électromagnétiques basses fréquences 0-100 KHz. Radioprotection 2014; 49: 241-48.

doi: 10.1051/radiopro/201412

 

1Université de Lorraine-CNRS, UMR 7198, Institut Jean Lamour, Faculté des sciences et technologies, Vandoeuvre, France.