Pathologies

Troubles de la reproduction et du développement

Elisabeth Gnansia

Présidente de la Société francophone de santé environnement (SFSE)
Retraitée de l'Anses
(Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation et du travail)
Paris

Volume 20, numéro 6, Novembre-Décembre 2021

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ANALYSE D'ARTICLE

Association entre exposition maternelle
aux substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées
et risque d’issue de grossesse indésirable :
revue systématique et méta-analyse

Contexte

Les substances perfluoroalkylées et polyfluoroalkylées (PFAS) sont largement utilisées dans les produits de consommation en raison de leurs propriétés amphiphiles : elles comprennent à la fois un groupe hydrophile et un groupe hydrophobe (chaîne de carbone fluorée). Les PFAS, en particulier le sulfonate de perfluoro-octane (PFOS) et l’acide perfluoro-octanoïque (PFOA), sont ubiquitaires, bioaccumulables et persistants dans l’environnement. Ils peuvent se propager sur de longues distances et ces polluants organiques sont reconnus comme des perturbateurs endocriniens (PE). Les études de biosurveillance indiquent une exposition généralisée de la population à ces substances, détectées dans quasiment tous les échantillons sanguins analysés. Des études épidémiologiques suggèrent une association entre exposition maternelle aux PFAS et issue de grossesse indésirable, mais les arguments ne sont pas convergents, et les preuves d’une association causale manquent. L’objectif de cette revue de la littérature avec méta-analyse est de tester cette association.

Méthode

Vingt et une études sur ce sujet, publiées avant 2020, ont été identifiées après recherche dans trois bases de données ; parmi elles, cinq études cas-témoins et 16 études de cohortes. La qualité, l’hétérogénéité et la possibilité de biais de publication des études incluses ont été évaluées par l’échelle de Newcastle-Ottawa, la statistique Q et le test de Begg, respectivement. Les odds ratios (OR) regroupés avec des intervalles de confiance (IC) de 95 % ont été obtenus au moyen de modèles de méta-analyse à effets aléatoires.

Résultats

L’exposition maternelle au PFOS pourrait être associée à une augmentation du risque de naissance prématurée (OR = 1,20 ; IC 95 % : 1,04-1,38). Les OR groupés suggèrent également une association entre exposition maternelle à l’acide perfluorononanoïque (PFNA) et une augmentation du risque de fausse couche (OR = 1,48 ; IC 95 % : 0,92-2,38) avec une évidente hétérogénéité (I2 = 93,9 ; p < 0,01). Aucune association significative n’a été trouvée entre les autres PFAS et les événements indésirables, tels que fausse couche, mortinatalité et naissance prématurée. Les analyses en sous-groupes montrent que les études portant sur la relation entre exposition maternelle aux PFAS et fausse couche ont été menées essentiellement dans des pays développés.

Toutes les études incluses ont été considérées comme de bonne qualité, cependant dans trois des quatre études cas-témoins, les cas n’ont pas été sélectionnés de manière aléatoire et dans deux études le taux de non-réponse n’a pas été indiqué. En ce qui concerne les seize études de cohortes, douze n’ont pas obtenu le score maximal parce qu’elles n’ont pas décrit précisément la source de la population non exposée, ou parce que l’évaluation des résultats manquait de rigueur. Pour réduire l’impact de ces défauts, les résultats des études ont été ajustés pour contrôler d’importants facteurs de confusion, tels que l’âge maternel, le niveau d’étude et la profession de la mère.

Conclusion

La méta-analyse indique que l’exposition maternelle aux PFOS pourrait augmenter le risque de naissance prématurée. Pour les autres associations testées, les résultats des études incluses ne convergent pas et les effets des PFOS sur la grossesse restent donc incertains. D’autres études portant sur des échantillons de taille suffisante sont nécessaires pour vérifier ces résultats.

Commentaire

Une seule méta-analyse publiée a évalué les effets de l’exposition in utero aux PFAS. Elle portait sur le risque de survenue chez l’enfant de syndrome d’hyperactivité-déficit d’attention [1]. Le travail présenté est la première revue systématique de la littérature avec méta-analyse sur le thème des effets des PFAS pendant la grossesse sur le risque de fausse couche, de mortinatalité ou de naissance prématurée. Les études ont été sélectionnées, entre autres critères, sur la précision et la sensibilité des méthodes de mesure des polluants dans les échantillons biologiques. L’âge de la grossesse lors du prélèvement importe également, et c’était avant 12 semaines dans toutes les études. D’autres critères de sélection permettent de considérer cette méta-analyse comme correctement menée, mais les résultats restent peu probants. Le nombre encore insuffisant d’études publiées peut expliquer ce résultat, mais d’autres difficultés inhérentes à ce type d’études sont à souligner, en particulier lorsqu’il s’agit d’évaluer le risque de fausse couche, quand on sait qu’une part importante de ces événements reste non détectée par les questionnaires. Le caractère ubiquitaire des polluants étudiés rend enfin très incertaines les comparaisons entre individus exposés et non exposés.

  • [1] Forns J., Verner M.A., Iszatt N. Early life exposure to perfluoroalkyl substances (PFAS) and ADHD: a meta-analysis of nine european population-based studies. Environ Health Perspect. 2020;128:57002.

Publication analysée :

* Deji Z, Liu P, Wang X, Zhang X, Luo Y, Huang Z. Association between maternal exposure to perfluoroalkyl and polyfluoroalkyl substances and risks of adverse pregnancy outcomes: A systematic review and meta-analysis. Sci Total Environ 2021 ; 783 : 146984. Doi : 10.1016/j.scitotenv.2021.146984.