ANALYSE D'ARTICLE

Espaces verts et mortalité : une revue systématique et une méta-analyse des études de cohorte

Des effets mais un manque de données chiffrées robustes

Les espaces verts urbains sont reliés à de multiples bénéfices pour la santé physique et mentale en permettant une activité physique accrue, une restauration de l’attention, un abaissement du stress, et indirectement par les services écosystémiques rendus (amélioration de la qualité de l’air et de l’eau, réduction du bruit, etc.). Ils sont également associés à quelques effets négatifs : exposition accrue aux UV cancérigènes, risques liés à l’activité physique et au contact avec des allergènes ou des vecteurs de maladie tels que les tiques.

La plupart des données épidémiologiques viennent d’études écologiques et transversales – dont les limites sont bien connues –, plutôt que d’études longitudinales. La quantification de l’exposition aux espaces verts est très variée selon les études : présence de verdure au voisinage de l’habitation, distance aux espaces verts, perception, nombre de visites, surface de la canopée, etc., ce qui rend difficile le lien précis avec les effets et donc leur prise en compte par les décideurs et aménageurs de l’espace urbain. Plusieurs études récentes ont cependant utilisé un même indice, le NDVI pour « normalised difference vegetation index », qui estime la densité de végétation à partir d’images satellites ; il varie de 0 (aucune végétation) à 1 (densité maximale possible de végétation).

Une revue systématique et une méta-analyse de grande ampleur

À la différence des deux méta-analyses déjà publiées sur espaces verts et mortalité [1, 2], la présente étude s’est limitée aux études longitudinales, plus robustes, et à celles utilisant le NDVI pour quantifier l’exposition. Par conséquent, seulement neuf études de cohorte englobant 8 millions d’individus adultes dans sept pays (Australie, Canada, Chine, Italie, Espagne, Suisse, États-Unis) ont été retenues des 9 311 études identifiées dans la phase initiale.

Sept études rapportent une relation significative entre l’augmentation de la surface d’espaces verts dans une zone de 500 m autour de l’habitation et la réduction du risque de mortalité, les deux études restantes n’observant pas d’effet. Trois études ont été estimées comme à fort risque de biais. Le rapport de risque (HR) poolé pour la mortalité toutes causes est de 0,96 (IC 95 % : 0,94-0,97) pour chaque incrément de 0,1 point de NDVI, ce qui indique un effet protecteur des espaces verts.

Des limites toujours présentes

Il est cependant difficile d’établir une relation causale, car les liens entre espaces verts et santé sont complexes. L’activité physique est un des déterminants les plus importants associés aux espaces verts, favorisant le sport, le jardinage et les mobilités douces. Elle ne semble cependant pas expliquer en totalité l’effet bénéfique des espaces verts pour la santé. La réduction de la pollution, de la température ambiante ou du bruit entrent aussi en ligne de compte pour une part, ainsi que les théories de réduction du stress et de restauration de l’attention.

Les auteurs sont conscients que le NDVI comporte aussi des limites ; il ne mesure pas par exemple la qualité de l’espace vert ni sa fréquentation.

Des études supplémentaires sont nécessaires sur d’autres populations (les enfants, par exemple), d’autres pays, d’autres effets, tels que la mortalité court terme et la morbidité.

La mise en place de politique favorisant les espaces verts doit aussi prendre en compte les possibles effets négatifs comme la gentrification, qui excluerait encore plus les populations à bas revenus.

Commentaire

Cette étude présente de nombreux points forts. Elle rappelle la complexité et les différents aspects, positifs comme négatifs, de la relation entre la santé des citadins et les espaces verts urbains et les points faibles de la recherche actuelle, notamment le manque de données précises et l’absence de mécanisme démontré. Elle cherche à contourner le défaut du corpus d’études disponibles, essentiellement écologiques et transversales, en ne retenant que les études de cohorte, mais elles sont peu nombreuses et seulement sept rapportent des résultats significatifs. L’estimation de l’exposition aux espaces verts reste un problème central : le choix a été fait dans cet article d’inclure les études utilisant le NDVI qui est en général élaboré à partir d’une image satellite prise à la belle saison, ce qui n’est pas représentatif de la quantité de verdure annuelle ni de la qualité de l’espace (une pelouse, une forêt, des broussailles, etc.) et, de toute façon, ne donne aucune indication de la fréquentation réelle de l’espace par les habitants. Or cette fréquentation est influencée par de nombreux facteurs n’ayant rien à voir avec les espaces verts eux-mêmes mais liés à l’aménagement urbain (accessibilité, relief, éclairage, sécurité, etc.) et aux caractéristiques de la population (sexe, âge, catégorie socio-professionnelle, etc.).

  • [1] Gascon M., Triguero-Mas M., Martínez D. Residential green spaces and mortality: a systematic review. Environ Int. 2016;86:60-67.
  • [2] Twohig-Bennett C., Jones A. The health benefits of the great outdoors: a systematic review and meta-analysis of greenspace exposure and health outcomes. Environ Res. 2018;166:628-637.

Publication analysée :

* David Rojas-Rueda D, Nieuwenhuijsen MJ, Gascon M, Perez-Leon D, Mudu P. Green spaces and mortality: a systematic review and meta-analysis of cohort studies. Lancet Planet Health 2019 ; 3 : 469–77. doi : 10.1016/S2542-5196(19)30215-3

1 Department of Environmental and Radiological Health Sciences, Colorado State University, Fort Collins