ANALYSE D'ARTICLE

Exposition professionnelle au champ magnétique d’extrêmement basse fréquence et sclérose latérale amyotrophique

Les auteurs de cette revue actualisée des études ayant examiné la relation entre l’exposition professionnelle au champ magnétique d’extrêmement basse fréquence et le risque de sclérose latérale amyotrophique mettent en avant la nécessité d’évaluer précisément l’exposition, en tenant compte de l’histoire professionnelle complète, pour que les connaissances avancent.

Environ 90 % des cas de sclérose latérale amyotrophique (SLA) sont sporadiques (le reste répondant à une mutation génétique), ce qui suggère un rôle potentiellement important de facteurs environnementaux qu’il reste à identifier pour accéder à la prévention de cette maladie neurodégénérative rare mais incurable.

L’intérêt porté à l’exposition professionnelle à un champ magnétique d’extrêmement basse fréquence (CM-ELF) découle des investigations relatives aux traumatismes électriques. Mais au-delà de l’observation d’une association entre le risque de SLA et un « métier dans l’électricité », aucune des cinq revues de la littérature publiées entre 2003 et 2013 n’a pu incriminer ou disculper formellement l’exposition au champ magnétique qui peut être difficile à distinguer de l’exposition au risque de choc électrique, à d’autres phénomènes électriques ou à des agents chimiques également présents dans l’environnement professionnel. Les auteurs d’articles de revue relèvent par ailleurs l’hétérogénéité des études et postulent que sa cause principale est la diversité des méthodes utilisées pour évaluer l’exposition.

Trois vastes études cas-témoins (réalisées en Suède, aux Pays-Bas et aux États-Unis), ainsi que deux études de cohortes professionnelles (en Suisse et au Danemark) ont été publiées depuis la dernière méta-analyse [1]. Elles ont été considérées pour cette mise à jour, avec 15 études antérieures publiées en langue anglaise dans des revues à comité de lecture, identifiées par une recherche dans Embase et Medline, ainsi que dans la base de données « EMF-portal », arrêtée au 10 mai 2017.

Méta-analyses

Onze études rapportaient des estimations du risque de SLA en lien avec l’exposition au CM-ELF généralement évaluée par une matrice emploi-exposition (huit études), sinon sur la base des intitulés de postes et de l’avis d’hygiénistes industriels. Lorsque plusieurs résultats étaient présentés pour différents niveaux d’exposition, une méta-analyse interne a été effectuée pour produire une seule estimation par rapport au groupe de référence (risque relatif [RR] au niveau d’exposition le plus élevé versus le plus faible ou pour toute exposition versus l’absence d’exposition). La méta-analyse de ces résultats individuels aboutit à un RR combiné égal à 1,14 (IC95 : 1-1,3). L’hétérogénéité est élevée (I2 = 74,9 %).

Quatre de ces études avaient également utilisé le critère d’un travail exposant à l’électricité. Leurs estimations combinées à celles de trois autres investigations du risque de SLA chez des sujets ayant travaillé dans l’électricité donnent un méta RR égal à 1,41 (1,05-1,92) avec un I2 égal à 70,4 %.

Cinq études se référaient au métier mentionné sur le certificat de décès. Leur méta-analyse est négative (RR = 1,07 [0,96-1,21]), comme celle de deux études dans lesquelles l’exposition professionnelle aux CM-ELF avait été auto-évaluée (entretien/questionnaire : RR = 1,09 [0,51-2,32]). Pour les auteurs, les études de ce type, utilisant des sources d’informations ne permettant pas de classer correctement les sujets quant à l’exposition, devraient être écartées des futures méta-analyses.

Importance de la qualité de l’évaluation de l’exposition

Six des 11 études les plus informatives (fondées sur une matrice emploi-exposition ou l’expertise d’un hygiéniste) avaient considéré la totalité de l’histoire professionnelle des sujets. Les cinq autres avaient utilisé des données ponctuelles (comme l’activité déclarée dans le cadre du recensement de la population) recueillies à trois reprises maximum au cours de la période d’observation.

Un excès de risque de SLA associé à l’exposition au CEM-ELF n’est observé que dans le premier groupe (RR = 1,19 [1,03-1,37] versus 1,08 [0,90-1,29] en cas d’informations partielles sur le passé professionnel). Il en est de même quand l’analyse prend en compte à la fois l’intensité et la durée de l’exposition (RR = 1,89 [1,31-2,73] sans hétérogénéité [I2 = 0 %] dans le premier groupe versus 1,08 [0,75-1,57] avec une hétérogénéité importante [I2 = 76,4 %] dans le second). La représentation en funnel plot est asymétrique, suggérant un biais de publication, uniquement dans le second groupe (p [test d’Egger] = 0,03).

Le risque d’erreur de classement affectant les études basées sur des données ponctuelles dépend de la probabilité de changement d’activité entre deux recueils d’informations. Celle-ci est plus importante dans les études en population générale que dans les cohortes industrielles, et particulièrement basse dans les entreprises du service public (parmi les études incluses dans cette revue, moins de 3 % des employés de la compagnie ferroviaire suisse et environ 1 % des employés de la compagnie d’électricité danoise avaient changé de travail durant la période d’observation). En cohérence avec la stabilité professionnelle et la qualité de l’évaluation de l’exposition, la méta-analyse des études dans des cohortes industrielles identifie un excès de risque de SLA associé à l’exposition (RR = 1,79 [1,19-2,69] ; I2 = 0 %) contrairement à la méta-analyse des études en population générale (RR = 1,20 [0,81-1,77] ; I2 = 79 %).

En revanche, les résultats des analyses stratifiées selon la source d’information utilisée pour identifier la SLA (diagnostic médical dans six études, certificat de décès dans 14 études) sont comparables, indiquant que les données d’incidence ou de mortalité peuvent être indifféremment employées pour cette maladie généralement rapidement progressive et bien déclarée au décès.

L’évaluation de l’exposition doit encore progresser en termes de mesure quantitative, de prise en compte de la durée d’exposition et de recherche d’une fenêtre d’exposition pertinente d’un point de vue étiologique. La littérature actuellement disponible ne permet pas de trancher la question de la responsabilité du CEM-ELF ou d’un autre facteur de risque dans l’association observée.

  • [1] Environ Risque Sante 2014 ; 13 : 7-8.

Publication analysée :

* Huss A1, Peters S, Vermeulen R. Occupational exposure to extremely low-frequency magnetic fields and the risk of ALS: a systematic review and meta-analysis. Bioelectromagnetics 2018 ; 39 : 156-163. doi : 10.1002/bem.22104

1 Institute for Risk Assessment Sciences, Utrecht University, Utrecht, Pays-Bas.