ANALYSE D'ARTICLE

L’exposome chimique in utero et dans l’enfance : données du projet européen HELIX

Exploitant la base de données unique du projet HELIX (Human Early Life Exposome) qui rassemble six cohortes de naissances européennes, ce travail indique que l’exposome chimique du début de vie est fortement déterminé par le pays de résidence et en discute les raisons possibles. Conformément à l’attendu, les niveaux des biomarqueurs d’exposition de la mère et de l’enfant ne sont corrélés que pour les polluants persistants.

Les auteurs ont constitué une sous-cohorte de 1 301 paires mère-enfant en sélectionnant par randomisation environ 200 paires parmi celles remplissant leurs critères d’inclusion dans chacune des six cohortes d’HELIX : BiB (Born in Bradford, Royaume-Uni), EDEN (Étude des déterminants pré- et postnatals du développement et de la santé de l’enfant, France), INMA (Infancia y medio ambiante, Espagne), MoBa (Norwegian Mother and Child Cohort Study, Norvège), KANC (Kaunas Cohort, Lituanie) et RHEA (Mother-Child Cohort in Crete, Grèce). Quarante-cinq substances ont été prises en compte, dont huit composés organochlorés (OC), deux polybromodiphényléthers (PBDE), cinq composés per (ou poly) fluoroalkylés (PFAS), 14 éléments-traces (toxiques ou essentiels), 10 métabolites des phtalates, sept phénols, six métabolites de pesticides organophosphorés (OP) et la cotinine.

Forces et faiblesses à considérer

Chez l’enfant, la collecte des échantillons biologiques (urine [pour la détermination des phtalates, phénols, OP et cotinine], sang total [éléments-traces], plasma [PFAS], sérum [OC et PBDE]) avait suivi une procédure harmonisée et toutes les analyses ont été réalisées dans le même laboratoire norvégien. La seule variable était l’âge au moment de la collecte, compris entre 6 et 12 ans (l’âge moyen de la sous-cohorte totale était de 8,1 ans ; il allait de 6,4 ans dans la population de KANC à 10,9 ans dans celle d’EDEN). L’inégalité d’âge pouvant expliquer que les niveaux de concentration de certains contaminants soient sensiblement différents d’une cohorte à l’autre, ces différences ont été explorées après ajustement sur l’âge.

S’agissant des données maternelles, les auteurs attirent l’attention sur l’absence de standardisation dans la collecte et le traitement des échantillons. Les cohortes ayant été constituées avant la mise en place d’HELIX, chacune a suivi son propre plan d’étude. L’urine avait été ponctuellement prélevée au cours du premier, deuxième ou troisième trimestre de grossesse, et les prélèvements sanguins avaient été effectués à un âge gestationnel moyen allant de 13,7 (INMA) à 26,6 (BiB) semaines d’aménorrhée. Certains contaminants avaient été mesurés chez la plupart ou toutes les participantes à INMA, EDEN (PFAS, phtalates, phénols) et RHEA (PBDE) incluses dans cette sous-cohorte, et ce sont alors ces données disponibles qui ont été utilisées. Autrement, les auteurs se sont procuré des échantillons dans la biobanque de chaque cohorte et les analyses ont été centralisées dans le même laboratoire. Différentes matrices étaient disponibles (sang total périphérique [BiB, EDEN, KANC, MoBa, RHEA], sang du cordon [INMA], plasma [BiB, INMA, MoBa, RHEA], sérum [BiB, EDEN, INMA, RHEA]) qui ne se prêtaient pas toujours aux déterminations souhaitées. Le nombre d’échantillons analysables allait de 648 pour le PBDE 153 à 1 240 pour quatre PFAS (acide perfluorooctanoïque [PFOA], sulfonate de perfluorooctane [PFOS], acide perfluorononanoïque [PFNA] et sulfate de perfluorohexane [PFHxS]).

Aperçu de l’exposome

D’une manière générale, les résultats montrent que les femmes enceintes comme les enfants sont exposés à un mélange complexe de contaminants environnementaux. Respectivement 35 et 33 substances sur 45 étaient détectables dans plus de 90 % des échantillons maternels et de l’enfant. Chez les mères, les substances présentes aux niveaux de concentration médians les plus élevés étaient le 4,4’dichlorodiphényldichloroéthylène (DDE), le PFOS, le plomb, le monoéthylphtalate (MEP), le méthylparabène (MEPA) et le diméthylphosphate (DMP) respectivement pour les OC, PFAS, éléments-traces, phtalates, phénols et OP. Les contaminants prédominants étaient les mêmes chez les enfants sauf le phtalate (mono-isobutylphtalate [MiBP]) et l’OP (diméthylthiophosphate [DMTP]).

Toutefois, chaque cohorte présentait un profil particulier, les niveaux de concentration médians de certaines substances variant parfois considérablement. Par exemple, celui du polychlorobiphényle (PCB) 180 dans les échantillons maternels allait de 3,55 ng/g de lipide dans la cohorte britannique à 35,4 ng/g dans la cohorte française. Le niveau du MiBP dans les urines des enfants allait de 25 μg/g de créatinine dans la cohorte norvégienne à 76,7 μg/g dans la lituanienne, et ce n’était pas le principal métabolite des phtalates dans la cohorte française (où le MEP prédominait) ni dans la cohorte grecque (mono-2-éthyl-5-carboxypentylphtalate [MECPP]).

Les grandes différences observées, à la fois en termes de composé le plus présent au sein d’une famille chimique et de niveaux de concentration, reflètent des situations d’exposition très variables d’un pays à l’autre. Selon le composé et son caractère persistant ou pas, les facteurs explicatifs sont à rechercher dans deux directions : le mode de vie (en particulier la composition du régime alimentaire et celle du panier des produits de consommation courante, notamment d’hygiène et de soin, ainsi que la qualité de l’air intérieur) et l’évolution de la contamination environnementale, pour laquelle il faut prendre en compte la pollution historique et la réglementation nationale (date d’entrée en vigueur et niveau de protection).

Pour la plupart des polluants persistants, en particulier tous les PCB, le DDE, le PFHxS, le PFOS et le mercure, les coefficients de corrélation entre les concentrations maternelles et de l’enfant sont supérieurs à 0,4, ce qui peut être considéré comme un niveau de corrélation modéré à élevé en tenant compte de l’écart de six à douze ans entre les deux recueils. Une contribution de l’allaitement est soutenue par l’observation des plus forts niveaux de corrélation pour les PCB, le DDE et l’hexachlorobenzène (HCB) dans la cohorte MoBa, l’allaitement prolongé étant une pratique courante en Norvège. Plus généralement, la corrélation mère-enfant pour les polluants persistants peut s’expliquer par des facteurs alimentaires à la fois qualitatifs (relative stabilité du mode d’alimentation dans le temps) et quantitatifs (lente diminution des niveaux de contamination des aliments, en particulier d’origine animale).


Publication analysée :

* Haug LS1, Sakhi AK, Cequier E, et al. In-utero and childhood chemical exposome in six European mother-child cohorts. Environ Int 2018 ; 121 : 751-63. doi : 10.1016/j.envint.2018.09.056

1 Norwegian Institute of Public Health, Oslo, Norvège.