ANALYSE D'ARTICLE

Perturbateurs endocriniens dans l’environnement. Étude de leurs effets sur la santé reproductive des femmes et l’endométriose

Cette revue de la littérature fait le point sur les facteurs affectant la santé reproductive des femmes, avec un focus sur ­l’endométriose et ses liens démontrés avec l’exposition aux perturbateurs endocriniens.

Les perturbateurs endocriniens (PE) sont des substances capables d’interagir de diverses façons avec le système endocrinien et d’affecter différents compartiments de l’organisme. La présence de ces substances dans l’environnement peut être détectée dans différents groupes de pesticides, dans des substances industrielles telles que le bisphénol A (BPA), les phtalates et les dioxines. Ils constituent des facteurs de risque pour l’environnement, mais aussi pour la santé humaine, en raison d’une contamination de la chaîne alimentaire, via une accumulation principalement dans les sols et l’eau.

L’appareil reproducteur est la cible principale de la plupart des PE, dont l’omniprésence est considérée comme liée à l’apparition de diverses formes de cancer chez les femmes, en particulier du sein et des ovaires, qui semblent augmenter. Il est probable par ailleurs qu’une exposition du fœtus in utero puisse initier des processus qui conduisent au développement de tumeurs de nombreuses années plus tard. Il existe des « fenêtres critiques » dans le développement du fœtus et du nouveau-né : c’est lorsque l’organisme est particulièrement sensible au rapport œstrogènes/androgènes et aux niveaux de stéroïdes. Certains facteurs influent sur le développement des ovaires et interfèrent avec la migration des cellules germinales au cours du premier trimestre de la grossesse, avec une différenciation en ovocytes au cours des deuxième et troisième trimestres. Cela peut avoir un impact sur la reproduction des décennies plus tard. Des études ont montré que les concentrations urinaires du métabolite phtalate de monoéthyle peuvent entraîner une stérilité et que les niveaux urinaires de ce métabolite sont significativement associés au risque de fausse couche et d’accouchement prématuré.

Les auteurs de cette revue de la littérature ont analysé les données disponibles sur les PE et l’endométriose, en se limitant aux études qui ont évalué les quantités de chaque substance chimique PE chez les femmes.

L’endométriose est une maladie gynécologique caractérisée par une inflammation chronique qui se traduit par la présence de tissu endométrial en dehors de l’utérus. Sa prévalence est difficile à déterminer avec précision, dans la mesure où le diagnostic définitif repose sur la laparoscopie ou une intervention chirurgicale. On estime que l’endométriose touche environ 176 à 200 millions de femmes dans le monde, soit plus de 10 % des femmes en âge de procréer et jusqu’à 40 % des femmes âgées de 18 à 44 ans qui subissent une chirurgie pelvienne. Les symptômes sont multiples : dysménorrhée, douleurs pelviennes, dyspareunie, stérilité et présence d’une masse pelvienne.

Les facteurs de risque sont mal connus, mais les modes de vie qui peuvent augmenter ou diminuer les niveaux d’œstrogènes pourraient en faire partie. Les études suggèrent un risque diminué chez les femmes tabagiques ou qui pratiquent un sport régulier. À l’inverse, le risque semble augmenter avec la consommation de caféine ou de boissons alcoolisées. Les patientes infertiles ne présentent pas de symptômes douloureux et la maladie est découverte lors du bilan d’infertilité. La raison de ces différences dans les manifestations cliniques est encore inconnue.

Outre son impact sur la santé des femmes, l’endométriose est associée à un coût économique important. Bien que l’étiologie reste inconnue, l’hypothèse privilégiée est celle d’une menstruation rétrograde. Lors des règles, des cellules de l’endomètre pourraient adhérer à la muqueuse utérine, pénétrer le mésothélium, développer un réseau vasculaire et se multiplier après avoir pénétré dans la cavité péritonéale. Il existe des éléments de preuve en faveur d’un caractère héréditaire pour cette maladie, avec une héritabilité de 51 %.

L’endomètre est par ailleurs l’une des cibles des PE ; l’endométriose est sous influence œstrogénique et les PE ont une activité œstrogénique reconnue. Le BPA est le premier polluant dont on a montré qu’il modifiait l’activité hormonale, et on a montré que l’exposition prénatale au BPA pouvait induire un phénotype semblable à l’endométriose chez la souris. On pense que l’endométriose est le résultat d’une réponse des cellules immunitaires à une infection combinée au stress oxydant associée aux règles, ce qui entraîne une inflammation chronique et stérile qui favorise la maladie. L’exposition aux PE, tels que le tétrachlorodibenzo-p-dioxine (TCDD), dès le début de la vie peut simuler une infection, entraînant une inflammation persistante et un risque élevé de développement de la maladie.

Les dioxines, le BPA, les phtalates et d’autres perturbateurs endocriniens, comme le dichlorodiphényl-trichloroéthane (DDT), font partie des facteurs de risque indiquant une étiologie environnementale de l’endométriose. Cette revue de la littérature décrit comment les toxines de l’environnement sont associées à une baisse de la fertilité chez les femmes, ainsi qu’à un certain nombre de pathologies de la reproduction, et l’accent est mis sur l’endométriose et ses traitements.

Une raison de plus de promouvoir la lutte contre les PE dans l’environnement.

 

Publication analysée :
Interdonato L, Siracusa R, Fusco R, Cuzzocrea S, Di Paola R. Endocrine disruptor compounds in environment: focus on women’s reproductive health and endometriosis. Int J Mol Sci 2023 ; 24 : 5682.

Elisabeth Gnansia