ANALYSE D'ARTICLE

Revue sur le changement climatique et le concept d’« Une seule santé »

De nombreux phénomènes du changement global interagissent avec les effets du changement climatique (CC) : des changements démographiques, sociaux, économiques, environnementaux, les paysages, les vecteurs, les réservoirs, les pathogènes, les maladies de la faune sauvage et domestique ou des plantes, etc. Les auteurs considèrent donc que la santé doit être appréhendée au sein de l’ensemble des systèmes sociaux-écologiques. L’objet de cette revue est (i) de démontrer les avantages de l’approche intégrée « Une seule santé » par rapport aux approches conventionnelles séparées, santé publique et animale, et (ii) d’examiner le potentiel d’adaptation de ce concept aux effets du CC.

Le concept d’« Une seule santé » est défini comme toute valeur ajoutée en termes de vie sauvée, humaine ou animale, de services sociaux ou écosystémiques développés, grâce à une coopération plus étroite entre les secteurs de la santé humaine et animale. Les bénéfices ont été démontrés dans le contrôle de zoonoses, comme la brucellose par exemple, ou le partage d’infrastructures, comme des laboratoires pour les maladies hautement contagieuses. D’autres, non encore évalués, sont attendus, en cas de zoonoses transmises par voie alimentaire, comme les salmonelloses ou les campylobactérioses.

La méthode a consisté en la consultation des bases Web of Science et PubMed de 2007 à nos jours, à partir des titres et des résumés, en utilisant les mots clés « changement climatique » et « Une seule santé ». Vingt-neuf articles ont été sélectionnés.

La valeur ajoutée d’« Une seule santé » pour l’adaptation au CC peut être significative, sans être exhaustive, dans plusieurs secteurs, décrits ci-dessous.

Pour la sécurité alimentaire, plusieurs exemples démontrent les effets du CC étroitement liés au bétail et aux hommes – bouleversement du régime alimentaire, malnutrition, mortalité –, et l’intérêt d’une approche conjointe.

Pour les systèmes d’élevage extensif, le CC avec les sécheresses va augmenter le pastoralisme avec des risques de conflits sociaux. Une des recommandations est de limiter cette pratique aux zones semi-arides non utilisées par d’autres. D’autre part, une stabilisation, voire une réduction, de la consommation de viande de ruminants semble inévitable et pourra de plus être bénéfique à la santé humaine.

Les approches intégrées pour l’eau, l’assainissement environnemental et l’hygiène sont à améliorer dans de nombreux pays mais manquent de moyens. Le CC amène des épisodes plus fréquents de précipitations violentes, d’inondations, de tempêtes qui peuvent entraîner des épidémies. L’émergence de leptospirose a été associée à la survenue d’ouragans et d’inondations. De même, le lien entre diarrhée et CC a été établi dans plusieurs études récentes. Des procédés sécurisés de traitement des excréments humains et animaux réduisent les risques de maladies zoonotiques. Vu les manques de moyens dans certains pays, une approche intégrée des différents experts dans l’assainissement, l’hygiène et l’eau est primordiale en collaboration avec les communautés et les autorités.

La mise en place de systèmes d’intervention-surveillance intégrés régionaux et globaux (SISi) est une des contributions les plus importantes du concept d’« Une seule santé » pour atténuer les effets du CC. Malheureusement, les systèmes de surveillance de santé animale et humaine communiquent mal : confusion entre fièvre de la vallée du Rift et fièvre jaune en Mauritanie, fièvre Q aux Pays-Bas. Certains SISi existent, comme pour le virus de l’encéphalite japonaise en Chine ou la fièvre du Nil occidental en Europe. Ces systèmes bénéficient du développement des nouvelles technologies, des appareils mobiles, des réseaux sociaux et de l’émergence d’une nouvelle discipline : l’infodémiologie. Des coopérations régionales sont nécessaires. Plusieurs réseaux existent déjà, comme le système d’intervention et d’alerte précoces européen (Early Warning and Response System, EWRS).

La formation sur « Une seule santé » est à renforcer pour les communautés médicales et vétérinaires, en particulier, et en formation initiale. Des cours en ligne sont déjà disponibles.

En conclusion, l’approche « Une seule santé », en comparaison aux approches conventionnelles, permet au travers d’une collaboration plus étroite entre les disciplines scientifiques, les politiques et le savoir local de lutter plus efficacement contre les problèmes sanitaires liés au CC, que ce soit au niveau local, national ou global en associant des acteurs non académiques et académiques d’horizons divers.


Publication analysée :

* Jakob Zinsstag, Lisa Crump, Esther Schelling, et al. Climate change and One Health. FEMS Microbiology Letters 2018 ; 365(11) : fny085. doi : 10.1093/femsle/fny085

1 Swiss Tropical and Public Health Insitute, Basel, Switzerland