ANALYSE D'ARTICLE

Verdure ambiante, obésité et activité physique dans une vaste cohorte de femmes aux États-Unis

L’exposition à la verdure est positivement associée au niveau d’activité physique et négativement au risque d’obésité dans cette étude qui participe à combler le besoin d’informations sur les bénéfices d’un environnement verdoyant pour des adultes.

Face au problème majeur de santé publique qu’est devenue l’obésité, les éléments du paysage urbain pouvant inciter la population à accroître son niveau d’activité physique (tels que voies et zones piétonnes, pistes cyclables, parcs et espaces verts) font l’objet d’un intérêt croissant depuis une dizaine d’années. Centrés sur les effets de la verdure environnante (« greenness », se référant habituellement aux espaces verts et de nature en ville), les travaux épidémiologiques sont encore peu nombreux, surtout chez les adultes, et leurs résultats sont hétérogènes. Parmi les rares études ayant considéré à la fois l’obésité et l’activité physique, une enquête de santé nationale au Danemark (plus de 20 000 adultes) montre que les personnes vivant à plus d’1 km d’un espace naturel récréatif (pouvant être un espace vert urbain, une forêt, un parc, mais aussi une plage, un lac ou la mer) sont plus volontiers sédentaires et obèses que celles qui disposent d’une telle ressource à proximité (moins de 300 m) de leur habitation. Dans une autre enquête au Canada (près de 4 000 résidents de 85 quartiers d’Ottawa), la surface verte disponible (en km2 pour 1 000 habitants) n’est pas associée à l’activité physique mais inversement associée à l’obésité chez les femmes, tandis qu’elle est négativement associée à l’activité physique et positivement à l’obésité chez les hommes. Les effets d’autres caractéristiques du quartier (commerces alimentaires, restaurants, sentiment de cohésion sociale, taux de participation aux élections municipales) paraissent dépendants du sexe, dessinant un ensemble complexe dans lequel des facteurs socio-économiques jouent probablement un grand rôle.

Investigation dans la Sister Study

Conçue pour évaluer les facteurs de risque environnementaux et génétiques de cancer du sein, la Sister Study, d’ampleur nationale, a enrôlé plus de 50 000 femmes à risque accru (ayant une sœur atteinte) âgées de 35 à 74 ans entre 2003 et 2009. Un grand nombre de données socio-démographiques et sanitaires a été collecté à l’inclusion, permettant aux auteurs d’identifier les covariables à contrôler pour leurs analyses des effets de l’exposition résidentielle à la verdure sur l’obésité et sur l’activité physique.

L’obésité était définie par un indice de masse corporelle ≥ 30 kg/m2, calculé à partir de mesures objectives de la taille et du poids réalisées par les enquêteurs à domicile. Dans l’échantillon conservé pour les analyses (49 649 participantes avec données complètes), le taux de prévalence de l’obésité était de 29,7 %.

Le niveau d’activité physique avait été évalué par le recueil des activités (sportives, récréatives, liées au travail et à d’autres tâches) pratiquées dans l’année précédant l’inclusion. Les données quantitatives (nombre de mois par an, de jours par semaine et d’heures par jour) ont servi à calculer la dépense énergétique hebdomadaire en metabolic equivalent of task (MET). Les femmes ont été considérées actives au seuil de 67,1 MET-heures par semaine correspondant au tertile supérieur.

L’US National Land Cover Database (NLCD, données 2006 et 2011) a été utilisée pour évaluer l’exposition résidentielle à la verdure. Comme pour l’indice de végétation par différence normalisé (NDVI), la cartographie du territoire repose sur des images satellitaires à haute résolution spatiale (environ 30 m), mais alors que le NDVI (fondé sur la réflectance dans le rouge et le proche infrarouge) fournit une mesure quantitative du couvert végétal, le NLCD est plus qualitatif, reconnaissant 20 types différents de couverts dont sept ont été assemblés en un indicateur d’exposition « Green1 » (trois types de couvert forestier [à dominance déciduale, sempervirente ou mixte], trois types de couvert herbeux [à dominance graminées, carex ou lichen] et le type buissons/arbustes). Deux autres indicateurs ont été construits : « Green2 » et « Imp ». Le premier était une extension de « Green1 », incluant en plus les espaces ouverts, définis comme des zones construites mais avec une surface imperméable inférieure à 20 % (correspondant le plus souvent à des quartiers résidentiels avec maisons, pelouses et plantations à visée esthétique ou récréative). À l’opposé, « Imp » se rapportait aux surfaces imperméables, telles que routes, trottoirs, allées et parkings couverts de matériaux comme l’asphalte, le béton, la brique et la pierre.

L’environnement résidentiel de chaque participante a été caractérisé en termes de proportion de surface de chaque type dans une zone tampon circulaire (centrée sur l’adresse géocodée) de 250 ou 500 m de rayon, représentant un périmètre de proximité (environ 15 min de marche).

Analyses et résultats

Le niveau de verdure environnante est positivement associé à l’activité physique et négativement associé à l’obésité, quels que soient l’indicateur et la zone tampon. En considérant par exemple un rayon de 250 m et en prenant pour référence le tertile inférieur de Green1, la probabilité d’atteindre un niveau d’activité supérieur à 67,1 MET-h/semaine est augmentée de 14 % (odds ratio [OR] = 1,14 [IC95 : 1,08-1,20]) et le risque d’être obèse est diminué de 13 % (OR = 0,87[0,83-0,92]) dans le tertile supérieur. Les résultats correspondants pour Green2 dans un rayon de 500 m sont un OR de 1,17 (1,10-1,23) pour l’activité physique et de 0,83 (0,79-0,87) pour l’obésité. Des relations inverses sont observées avec l’indicateur « Imp ».

Les analyses stratifiées selon le degré d’urbanisation ou le niveau de revenus annuel du foyer indiquent que les bienfaits d’un environnement de proximité verdoyant s’appliquent à la catégorie des zones rurales et petites communes comme à celle des grandes villes et banlieues (les associations étant parfois plus marquées pour ces dernières), ainsi qu’aux quatre catégories de revenus (les associations étant toutefois atténuées dans la dernière).

Une analyse de médiation estime à 32 % la part de la relation entre l’exposition (Green1 dans un rayon de 500 m) et l’obésité attribuable à l’activité physique dans la population totale. Cette relation persiste après prise en compte du rôle médiateur de l’activité physique.

En regard de ses forces, cette étude est limitée par son caractère transversal. La question d’une causalité inverse (dans laquelle les sujets les plus actifs choisiraient de vivre dans un environnement vert) reste posée. Les auteurs reconnaissent par ailleurs l’imperfection de leur métrique d’exposition qui fait l’impasse sur d’importantes caractéristiques des espaces verts (accessibilité, sécurité et qualité) en tant que terrain d’activité physique récréative.

 


Publication analysée :

* Villeneuve PJ1, Jerrett M, Su JG, Weichenthal S, Sandler DP. Association of residential greenness with obesity and physical activity in a US cohort of women. Environ Res 2018 ; 160 : 372-384. doi : 10.1016/j.envres.2017.10.005

1 Department of Health Sciences, Carleton University, Ottawa, Canada.