ANALYSE D'ARTICLE
Absence d’association entre les perturbateurs endocriniens et la fertilité masculine : revue systématique et méta-analyse
Cette revue explore l’association entre l’exposition aux perturbateurs endocriniens (PE) et la fertilité masculine. Une revue systématique a été réalisée et 32 articles ont été sélectionnés. Parmi eux, sept ont été inclus dans la méta-analyse et les résultats montrent un manque de corrélation significative entre les niveaux de polychlorobiphényle 153 (PCB153) ou de bisphénol A (BPA), mesurés respectivement dans le sang ou les urines, et les paramètres mesurant la qualité du sperme ou d’autres performances reproductives.
Certaines familles de perturbateurs endocriniens (PE) comme les phytoestrogènes, dioxines et furanes, plastiques, etc., sont souvent soupçonnés d’induire des effets adverses sur la reproduction, notamment masculine. Dans cette revue, les auteurs se sont attachés à suivre un protocole strict de revue systématique selon les recommandations PRISMA (Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-Analysis). Les critères d’éligibilité des études étaient les suivants :
- infertilité et exposition non intentionnelle à des PE étudiées sur des hommes ;
- comparaison entre des hommes avec un niveau faible ou élevé d’exposition aux PE ;
- analyse de paramètres en lien avec la fertilité : qualité du sperme, taux de fertilisation, taux de grossesse, d’implantation, etc.
Une analyse de la qualité des études sélectionnées a été effectuée à l’aide de l’outil NHLBI-NIH.
Sur les 1 194 articles recensés sur la base du titre et du résumé, 126 correspondaient aux critères d’éligibilité. Parmi eux, 80 ont été exclus après lecture de l’article ; les 32 restants ont donc fait l’objet d’une analyse de leur qualité et, au final, seulement sept ont été retenus pour la méta-analyse. Parmi ces sept, trois concernaient l’exposition au polychlorobiphényle 153 (PCB153) sanguin et quatre au bisphénol A (BPA) urinaire. Les trois études portant sur le PCB153 montraient une association inverse entre la concentration sérique de PCB153 et la qualité du sperme (trois autres études ne montrant pas d’effets du PCB153 n’ont pas été incluses dans la méta-analyse). Les quatre portant sur le BPA urinaire montraient une association inverse avec les paramètres spermatiques, la fragmentation de l’ADN ou les dommages de l’ADN spermatique (deux études ne montraient pas d’effet du BPA et une montrait une association positive avec les dommages à l’ADN ; ces trois études n’ont pas été incluses dans la méta-analyse). D’autres articles portaient sur dix autres familles de PE comme les phtalates, les parabènes, les PCB, les pesticides, les benzophénones, les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), etc., mais ces articles n’ont pas été retenus pour l’analyse quantitative. Aucune association statistiquement significative n’a finalement été retrouvée entre l’exposition au BPA urinaire ni entre l’exposition au PCB153 sanguin et les paramètres spermatiques, sauf une association positive inattendue entre le PCB153 et la concentration spermatique. Une grande disparité entre les études rend toutefois l’interprétation de ces résultats compliquée et il est difficile de tirer des conclusions sur les effets nocifs potentiels des PE sur la fertilité masculine. Les auteurs recommandent donc des investigations supplémentaires.
Commentaire
On peut s’étonner qu’avec autant d’études publiées sur le sujet, seulement sept articles aient été retenus par les auteurs de cette méta-analyse. Le choix fait par les auteurs de suivre un protocole strict de revue systématique assortie d’une analyse de la qualité des études explique certainement l’exclusion d’un nombre aussi important d’études. Par exemple, la liste d’items analysés selon les recommandations PRISMA s’élève à une quarantaine et le score pour évaluer la qualité des études se base sur 12 critères. Il semble ainsi, au vu des données supplémentaires de l’article, que beaucoup d’études aient été exclues car, par exemple, la mesure des composés au niveau urinaire ou sanguin ne portait que sur un seul échantillon prélevé concomitamment à l’analyse de la qualité du sperme, et la mesure des paramètres de fertilité n’était pas faite en aveugle. On peut noter (ou regretter) que la plupart des études épidémiologiques souffrent de ces limitations, ce qui interroge sur l’intérêt d’appliquer des critères d’inclusion aussi stricts avec l’avantage, certes, de ne sélectionner que des études de qualité mais au risque de perdre en sensibilité.
Publication analysée :
Martínez MA, Marquès M, Salas‑Huetos A, et al. Lack of association between endocrine disrupting chemicals and male fertility : a systematic review and meta‑analysis. Environ mental Research 2023 ; 217 : 114942.
Christophe Rousselle