Contaminants

Autres produits chimiques

Synthèse publiée le : 29/06/2023

SYNTHÈSE :
Effets des PFAS sur la santé humaine : état des connaissances

Doués d’une forte mobilité et d’une extrême stabilité, certains PFAS se sont répandus dans l’ensemble des milieux naturels de sorte qu’ils imprègnent désormais les humains à différents niveaux. Les effets toxiques des PFAS chez l’animal sont bien établis et les études épidémiologiques commencent à démontrer des effets objectifs sur la santé humaine.


Des substances créées par l’homme : les PFAS, nombreux, persistants et grands voyageurs…

Les substances per et polyfluoroalkylées (PFAS) sont une famille de près de 10 000 composés chimiques exclusivement issus des activités industrielles et dont moins de la moitié d’entre eux sont enregistrés dans le CAS Registry. Ils se caractérisent par une chaîne alkyle hydrophobe totalement (per) ou partiellement (poly) substituée par le fluor et une tête hydrophile de type acide carboxylique, sulfonique ou autres. Cette structure amphipolaire leur confère des propriétés techniques particulières, valorisées dans la fabrication de nombreux produits de consommation (textiles imperméables, revêtements anti-adhésifs, emballages alimentaires, mousses anti-incendies, pièces métalliques, cosmétiques, etc.), mais également, pour les perfluorés, une très grande stabilité thermique et résistance à la dégradation physicochimique et biologique. Par ailleurs, ils peuvent migrer facilement dans l’ensemble des compartiments environnementaux :

  • abiotiques : air (gaz et particules), sols, déchets, eaux de surface, eaux souterraines et eaux marines ;
  • biotiques : végétaux, animaux sauvages et d’élevage ;
  • anthropiques : eau potable, aliments, effluents et boues de stations d’épuration, déchets solides (figure 1).

Figure 1. Répartition des PFAS dans les milieux environnementaux (d’après Panieri et al., 2022).

 

Parmi ces très nombreuses substances, seules quelques-unes, une trentaine tout au plus, font l’objet d’études environnementales, toxicologiques et épidémiologiques. Parmi celles-ci, les perfluorés à longue chaîne (8 C et plus), tels que le PFOA (acide perfluoro-octanoïque) et le PFOS (acide perfluoro-octane sulfonique), ont été produits pour la synthèse de PFAS complexes et polymérisés et sont les composés ultimes de dégradation physicochimique, biologique et métabolique de nombreux polyfluorés. Sont également étudiés d’autres perfluorés à plus longues chaînes tels que les PFNA, PFDA, PFBA, PFHxA, PFHxS et, dans une moindre mesure, les FTOH qui sont des PFAS volatils. Les PFOA et PFOS ont été produits en grandes quantités entre 1940 et 2000, puis rapidement bannis à partir de 2002 pour être remplacés par des substances plus facilement dégradables (PFAS « émergents »), mais ils subsistent encore dans l’environnement et les organismes humains (PFAS « hérités »).


Ils sont désormais partout, jusque dans nos assiettes…

La littérature fait état des concentrations maximales suivantes de PFAS dans les milieux :

  • 20 pg/m3 de PFOA dans la phase particulaire et 100 pg/m3 de FTOH dans la phase gazeuse de l’air extérieur ;
  • 440 pg/m3 de PFOA et PFOS dans la phase particulaire et 50 ng/m3 de FTOH dans la phase gazeuse de l’air intérieur ;
  • 100 ng/kg (matière sèche) dans les sols ;
  • 100 ng/L dans les eaux souterraines en dehors des sites de production et 1 000 fois plus au droit de ces sites ;
  • 100 000 ng/L de PFOA ou PFOS dans les eaux de surface ;
  • 14 ng/L dans les eaux marines à Hong-Kong et Macao ;
  • 1,3 ng/L de PFOA, 2,2 ng/L de PFHxA, 1,8 ng/L de PFHxS et 1,5 ng/L de PFBS dans les eaux de boisson ;
  • 26,7 ng/kg (matière fraîche) de PFOS et 8,6 ng/kg de PFOA dans les fruits.


Ils finissent par nous imprégner durablement

Les circonstances d’exposition humaine, par les unités de production ou d’utilisation de PFAS et des milieux qu’ils contaminent, sont par conséquent très diverses : poussières inhalées ou ingérées, sols, eaux potables, produits alimentaires contaminés à la source ou indirectement par les emballages, produits d’hygiène ou cosmétiques, allaitement du nourrisson (113 ng/L de PFOS et 63 ng/L de PFOA dans le lait maternel), etc. Parmi les différents âges de la vie, les nourrissons, les jeunes enfants et les enfants montrent des niveaux moyens d’exposition respectivement 5, 3 et 1,5 fois plus élevés que les adultes et adolescents. Par ailleurs, si le PFOS domine l’exposition des jeunes enfants jusqu’aux adultes, les nourrissons sont principalement exposés au PFNA par les aliments pour bébés.

Une fois ingérés, les PFAS sont absorbés par le tractus gastro-intestinal et passent dans le sang où ils montrent une forte affinité avec les protéines sériques, puis sont distribués dans divers organes mais plus particulièrement dans le foie et les reins, avant d’être éliminés par les urines. Le niveau d’exposition et d’imprégnation des individus aux PFAS se mesure donc de façon fiable par leur concentration dans le sérum ou le plasma sanguin. On constate que cette imprégnation a baissé pour le PFOA et le PFOS depuis la diminution et l’arrêt de leur production au début des années 2000. Au cours de la dernière décennie, il a été montré que :

  • chez les adultes européens, les concentrations sériques moyennes les plus élevées sont les suivantes : PFOS (7,5 ng/mL), PFHxS (4,9 ng/mL), PFOA (2,1 ng/mL), PFNA (0,74 ng/mL) ;
  • chez les enfants européens, les concentrations sériques moyennes les plus élevées sont les suivantes : PFOA (3,3 ng/mL), PFOS (3,3 ng/mL), PFNA (0,92 ng/mL), PFHxS (0,56 ng/mL).


Des mécanismes d’action connus chez l’animal, mais moins établis chez l’homme

Le mécanisme biochimique d’action toxique des PFAS le plus observé chez l’animal est la prolifération des peroxysomes par activation d’un récepteur cellulaire (PPAR-α) qui serait a priori peu actif chez l’homme. Parmi les autres mécanismes possibles, sont fréquemment citées l’augmentation du stress oxydatif, l’inhibition de la communication intercellulaire et l’altération de la fonction mitochondriale.


Effets toxiques par exposition chronique chez l’animal

Effets non cancérigènes

Les effets démontrés chez l’animal suite à une exposition chronique expérimentale par voie orale affectent principalement :

  • le foie : augmentation du poids due à une accumulation de graisse, diminution du cholestérol et des triglycérides ;
  • le système immunitaire : atrophie du thymus et de la rate, altération des lymphocytes thymiques et spléniques et réponse déficiente aux antigènes T-dépendants.

Effets cancérigènes

Les effets mutagènes ou génotoxiques des PFAS n’ont pas été démontrés mais il est rapporté que les PFOA et PFOS pourraient être des promoteurs de tumeurs du foie.

Les cancers développés suite à l’exposition au PFOA sont principalement des adénomes du foie, des testicules et du pancréas. Le PFOS provoque également des cancers hépatocellulaires chez les rats.

Effets sur la reproduction et le développement

Les principaux effets développementaux du PFOA observés sur les portées des souris exposées en période de gestation comprennent : pertes prénatales, réduction du poids et de la viabilité des portées, altérations neurodéveloppementales, retards et altérations du développement osseux et retards dans la différenciation des glandes mammaires, dans l’ouverture des yeux et du vagin et de la première ovulation.

L’exposition exclusive par lactation au PFOA montre une diminution significative de la croissance post-natale.

L’exposition au PFOA de rats adultes peut provoquer des altérations des tissus testiculaires et ovariens.


Effets toxiques par exposition chronique chez l’homme

Effets non cancérigènes

La connaissance des effets chez l’homme est basée sur des études épidémiologiques transversales avec des niveaux de PFAS relativement élevés (professionnels, riverains d’installations), qui permettent de suggérer des associations exposition-réponse sans formellement établir de liens de causalité. On distingue ainsi :

  • des effets avec association relativement solide (grand nombre d’études) : hypertension et prééclampsie induites par la grossesse, augmentation des enzymes hépatiques dans le sérum, augmentation des lipides sériques, diminution de la réponse aux vaccins, augmentation des dermatites atopiques et infections respiratoires basses chez les enfants ;
  • des effets avec association plus ténue à cause du faible nombre d’études ou de l’incohérence des résultats : arthrite osseuse des femmes de moins de 50 ans, ostéoporose chez les jeunes hommes, diminution du taux de filtration glomérulaire et augmentation du niveau d’acide urique dans le sérum ;
  • des effets avec association hypothétique (résultats non confirmés par d’autres études) : augmentation des risques de bronchite chronique, augmentation du risque de maladies cardiaques et diminution des taux d’hormones thyroïdiennes.

Effets cancérigènes

Le CIRC a classé en 2016 le PFOA comme cancérigène possible chez l’homme (groupe 2B), et l’US-EPA a conclu la même année que les PFOA et PFOS présentaient des arguments suggestifs mais non conclusifs de cancérogénicité chez l’homme.

L’évaluation du CIRC considère comme crédible l’association avec l’apparition de cancer des reins et des testicules montrée dans trois études chez les professionnels fortement exposés au PFOA (350 ng/L sérum contre 4 ng/L en population générale dans l’étude la plus récente).

Effets sur la reproduction et le développement

Parmi les nombreuses études épidémiologiques consacrées aux effets reproductifs des PFAS, certaines ont suggéré les effets suivants : diminution de la mobilité spermatique, (légère) diminution du poids à la naissance et augmentation du risque de ménopause précoce.

Valeurs toxicologiques de référence

Jusqu’à présent, 20 valeurs toxicologiques de référence (VTR) au total ont été élaborées pour les PFOA, PFOS, PFHxS, PFBuS, PFBA, PFHxA et la somme PFOA + PFNA + PFOS + PFHxS, applicables aux effets non cancérigènes subchroniques et chroniques par exposition orale, parmi lesquelles seules trois VTR ont été construites à partir d’une étude épidémiologique. Une seule VTR pour des effets sans seuil est disponible, dérivée d’une étude animale.

Il est remarquable que certaines VTR sont inférieures aux valeurs d’exposition moyennes des Européens, notamment des nourrissons.


Conclusion

Du fait de l’intérêt récent pour les PFAS, leurs effets sanitaires chez l’humain ne sont pas encore très solidement établis. De plus, ils ne sont étudiés que pour quelques substances par rapport aux milliers de PFAS produits. Cependant, suffisamment d’éléments confirment la réalité de ces effets, même à doses très faibles telles que celles qui imprègnent une grande partie des individus des pays industrialisés.


Bibliographie

Synthèse publiée le : 17/05/2022

SYNTHESE :
Exposition de la population française
par les métaux et métalloïdes :
résultats de l’étude Esteban 2014-2016

Clémence Fillol
Amivi Oleko

Santé publique France, Direction Santé environnement travail, Saint-Maurice

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Synthèse publiée le : 15/06/2020

Synthèse :
Les effets du plomb sur la santé

Fabien Squinazi

Médecin biologiste
Ancien Directeur du Laboratoire d’hygiène de la ville de Paris Membre du Haut Conseil de la santé publique

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Synthèse publiée le : 13/05/2019

Synthèse : Composés organiques semi-volatils en mélanges et santé

Philippe Glorennec

Univ Rennes,
Inserm, EHESP,
Irset (Institut de recherche en santé, environnement et travail),
Rennes

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