Fondements scientifiques
Méthodologie - Exposome
Amélie Crépet
Unité méthodologie et études, direction de l’évaluation des risques, Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail, Maisons-Alfort
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Synthèse publiée le : 01/11/2024
SYNTHÈSE :
Exposome : du concept à l’évaluation des risques sanitaires
L'évaluation des risques sanitaires est un processus scientifique qui vise à quantifier le risque d'un effet néfaste sur la santé résultant de l'exposition de l'humain à des substances chimiques ou des agents microbiologiques ou physiques présents dans les aliments ou l'environnement. L'un des défis actuels est d'intégrer les connaissances issues de l'exposome dans les méthodes d'évaluation des risques pour la santé.
Introduit par Wild [1], l’exposome étudie l’ensemble des facteurs environnementaux rencontrés au cours de la vie et leur impact sur la santé humaine. Depuis l’émergence du concept en 2005, l’exposome a suscité de nombreux travaux de recherche afin de déterminer le rôle des facteurs environnementaux dans le développement des pathologies chroniques qui, au cours des dernières décennies, se sont hissées au premier rang des causes de mortalité dans les pays développés. L’intérêt qui lui est porté a convaincu, au-delà des équipes de recherche, les décideurs publics avec son introduction dans la loi de modernisation du système de santé du 28 janvier 2016.
L'évaluation des risques sanitaires est un processus scientifique qui vise à quantifier le risque d'un effet néfaste sur la santé résultant de l'exposition de l'humain à des substances chimiques ou des agents microbiologiques ou physiques présents dans les aliments ou l'environnement. L’évaluation des risques implique généralement l'identification des facteurs de risque et à l’étude de mesures permettant de diminuer leur impact sur la santé. Aujourd’hui, les risques sont le plus souvent évalués à partir d’une seule source d’exposition (air, eau, alimentation, poussière, médicaments vétérinaires, etc.) et d’une seule voie (ingestion, inhalation, contact cutané) en formulant des hypothèses simplifiées d’exposition dans le temps (exposition constante, ponctuelle, etc.). Ainsi, l'un des défis actuels est d'intégrer les connaissances issues de l'exposome dans les méthodes d'évaluation des risques pour la santé.
Pour cela, l’Anses a missionné un groupe de travail constitué d’experts de son conseil scientifique qui a travaillé à proposer des recommandations pour intégrer l’exposome dans ses activités d’expertises. Ce travail a donné lieu à la publication d’un rapport dans lequel, à partir des enjeux actuels de l’évaluation des risques, sont identifiés les données, les méthodes et les outils développés dans le cadre de l’exposome pouvant être utilisés en évaluation des risques [2]. L’objectif est de proposer une démarche d’évaluation des risques plus globale, qui prend en compte la réalité des expositions en termes de diversité des facteurs et sources d’expositions, dans un contexte social et environnemental particulier, et qui intègre les variabilités interindividuelles et intra-individuelles au cours de la vie. Le rapport s’intéresse à l’ensemble des déterminants de la santé, évalués par l’Anses : agents chimiques, biologiques, physiques, contexte psychosocial, contexte socioéconomique, contraintes organisationnelles, etc. [2]. À noter que les méthodes, données et exemples concernant les substances chimiques sont plus largement représentés du fait que l’approche de l’exposome ait été développée initialement dans ce domaine. Le présent article reprend les éléments clefs du rapport afin d’opérationnaliser l’exposome en évaluation des risques et discuter les changements structurels nécessaires à mettre en place par les agences sanitaires et réglementaires.
Exposome
L’exposome peut être défini comme correspondant à la totalité des expositions néfastes comme bénéfiques à des agents chimiques, biologiques et physiques, en interaction avec l’état physiologique, le milieu de vie et le contexte psychosocial, que connaît un organisme vivant de sa conception jusqu’à la fin de sa vie afin d’expliquer son état de santé [2].
Cette définition intègre les différentes composantes constituant l’exposome : la composante multidimensionnelle relative aux mélanges et aux sources et facteurs d’exposition multiples, qui est représentée par la « totalité des expositions » et la diversité des agents, la composante risques/bénéfices pour la santé, la composante temporelle avec l’étude de l’exposome au cours de la vie, les composantes sociales et environnementales représentées par les « interactions avec le milieu de vie et le contexte psychosocial ». Elle est applicable aux organismes humains comme non humains [3]. Pour ce qui concerne le règne animal et végétal, sera considérée non pas la notion de « contexte psychosocial » mais la prise en compte des notions de bien-être animal, de comportement et de sensibilité spécifique à leur environnement. L’exposome, en complétant les connaissances liées au génome et en travaillant sur les interactions gènes-environnement, contribue ainsi à expliquer l’état de santé des populations [4].
L’étude de l’exposome et de ses effets sur la santé peut être décomposée de manière schématique en quatre modules (figure 1) [2]. Le premier module « écosystème » représente l’environnement dans lequel l’humain évolue en y intégrant la biodiversité. L’environnement d’un individu va définir une part importante de ses expositions. La surveillance des milieux et des organismes vivants qui composent son environnement va donc informer sur la nature et le niveau des expositions et plus largement sur l’état de santé des populations non humaines qui y vivent. Le deuxième module représente l’ensemble des expositions dites « externes », qui sont les différents agents auxquels les individus sont susceptibles d’être exposés et qui sont définis par la nature des agents et leurs sources, leur quantité, l’environnement social, organisationnel et physique, le mode de vie et les activités des individus. Les doses de ces agents peuvent être estimées en combinant les données sur leur quantité dans les différentes sources avec celles sur les habitudes de vie (temps passé en extérieur/intérieur), pratiques sportives, consommation d’aliments, de tabac, d’alcool, l’utilisation d’articles (jouets, habits, meubles), de produits cosmétiques, de produits d’entretien, etc. modulées par son environnement physique, psychosocial, en y intégrant également l’exposition via le travail. L’exposome externe va alors induire la nature et les niveaux de l’exposome interne (troisième module) mesurés par des biomarqueurs d’exposition et d’infection dans les matrices biologiques comme le sang, l’urine, les cheveux, etc. Le passage de l’exposition externe à interne est régulé par le processus infectieux pour les agents biologiques et par la toxicocinétique pour les agents chimiques et physiques. L’exposome externe puis l’exposome interne vont avoir des répercussions sur l’organisme humain en provoquant des réponses biologiques au niveau moléculaire, cellulaire, tissulaire et des organes (quatrième module). Ces réponses peuvent être positives (réparations cellulaires, déclenchement du système immunitaire, etc.) et/ou négatives (stress oxydant, mort cellulaire, etc.). Le caractère positif ou négatif de ces réponses dépend de la durée de l’exposition et de la capacité d’adaptation de l’organisme. L’organisme va réagir différemment en fonction de sa sensibilité et de sa vulnérabilité (génétique, épigénétique, microbiote, stade de vie, etc.), et ces réponses vont dans certains cas se traduire par l’apparition de maladies (quatrième module). Les agents de même nature, par exemple un mélange de substances chimiques ou de nature différente, par exemple un agent chimique et un agent biologique, peuvent combiner leurs effets ou à l’inverse se retrouver en compétition limitant ainsi leur impact global sur la santé. À noter que certains facteurs sont protecteurs pour la santé comme l’accès aux soins, l’activité physique et les apports en nutriments s’ils respectent les doses recommandées. Les composantes décrites ci-avant sont toutes liées entre elles, illustrant la complexité de l’exposome.
Figure 1. Représentation en 4 modules de l’étude de l’exposome et de ses effets sur la santé illustrée par quelques exemples : de l’écosystème, origine des expositions, aux réponses biologiques et effets sur la santé, en passant par les niveaux d’exposition externes et internes. La frise temporelle indique que l’exposome intègre les expositions sur la vie entière.
Recommandations pour une prise en compte de l’exposome en évaluation des risques
Introduction progressive en évaluation des risques
Afin d’enrichir l’évaluation des risques des connaissances issues des recherches sur l’exposome, huit composantes de l’exposome en lien avec l’évaluation des risques ont été explorées et sont représentées dans la figure 2. Pour chacune des composantes, une synthèse du contexte et des principaux enjeux relatifs à l’évaluation des risques a été présentée dans le rapport [2]. Également des exemples sur ce que fait déjà l’Anses par rapport aux enjeux identifiés ont été décrits, et des recommandations à court, moyen et long terme ont été proposées. Les principales recommandations sont reprises dans la section « Intégration de l'exposome en pratique » ci-après.
Figure 2. Composantes de l’exposome à introduire progressivement dans les évaluations des risques (ERS) de demain.
Ces huit composantes de l’exposome peuvent être intégrées progressivement dans les activités d’évaluation des risques. Le choix des composantes à introduire se fait en fonction de la question posée, des données et méthodes disponibles et du calendrier associé. Comme présenté dans la figure 3, il est conseillé de considérer par ordre de priorité : la composante multisources et multivoies des expositions, les mélanges de substances, les facteurs multiples (chimiques, biologiques, organisationnels, physiques, psychologiques, etc.), la dimension temporelle des expositions, les évaluations risques/bénéfices, les aspects sociaux, géographiques et l’éco-exposome. Plus le nombre de modules augmente, plus le niveau de prise en compte des composantes de l’exposome est important et est associé à un niveau de complexité et de prise en compte de la réalité des expositions grandissant.
Figure 3. Schématisation d’une introduction des différentes composantes de l’exposome dans les évaluations des risques sanitaires. Les modules représentent les composantes de l’exposome et sont ajoutés en fonction de la question posée.
Intégration de l’exposome en pratique
Les recommandations principales pouvant contribuer à réussir la prise en compte de l’exposome en évaluation des risques sont décrites ci-après selon quatre axes : les données, les méthodes, le travail pluridisciplinaire et la formation.
Organiser, mettre à disposition et analyser les données
L’étude de l’exposome fait appel à l’utilisation et à la combinaison de données de diverses natures : données de santé, données toxicologiques, données de concentrations dans les matrices biologiques, l’alimentation, les produits de consommation et l’environnement, données sur les habitudes et conditions de vie et de travail, etc. Leur accessibilité, leur collecte, leur interopérabilité, leur gestion et leur analyse jouent donc un rôle central. Les enjeux, afin de faciliter l’utilisation de ces données à des fins de recherche, d'expertise et de communication, peuvent être structurés autour des quatre principes FAIR (findable, accessible, interoperable, reusable) [5]. Il s’agira alors de développer la communication et la mise à disposition des données produites et gérées par les équipes de recherches et les agences sanitaires en France, contribuer à la standardisation des données ainsi que des méthodes et des outils permettant leur recueil et leur stockage au niveau national (plateformes d’épidémiosurveillance, France exposome1, GD4H2, infrastructure CALIS3, grandes cohortes comme Constances4, E4N-E3N5, I-share6, Psy-COHorte7, etc.), européen (EIRENE8, PARC9, etc.) et international (Cifocos10). Il est également nécessaire de développer des méthodes basées sur l'intelligence artificielle pour la cartographie, l'exploration, l’interopérabilité et l'analyse combinée des données. Ces actions doivent être renforcées notamment par l’intégration dans les agences sanitaires de ressources humaines compétentes en informatique, en gestion et en science de la donnée. En plus des données déjà existantes, il est important de compléter les connaissances actuelles en mettant en place des grandes enquêtes mesurant à la fois les expositions dans les matrices biologiques, les concentrations dans les différentes sources et collectant les facteurs d’exposition avec un focus particulier sur les comportements spécifiques (végétarisme, fortes consommations, addictions, etc.), les populations sensibles (femmes enceintes, enfants, etc.), les contaminations locales et les aspects sociaux et culturels. Enfin, il est nécessaire de veiller à la gestion durable des données en minimisant leur empreinte environnementale.
Développer des méthodes et outils opérationnels
Afin de proposer une approche exposome, il est nécessaire de développer une approche intégrée de l’évaluation des risques permettant de tenir compte des dimensions multisources, multivoies, multisubstances et multifactorielles des risques. Pour cela, il s’agira entre autres de développer une stratégie d’évaluation des risques liés aux mélanges de substances chimiques provenant de sources diverses, en priorisant les mélanges en fonction des questions réglementaires, des co-expositions et du mode d’action ou des effets spécifiques de leurs constituants [6-9]. Le recours aux nouvelles méthodes analytiques et aux approches intégrées en matière d’essais et d’évaluation de la toxicité (IATA11) permettra de quantifier les coexpositions et leurs effets sur la santé. Le développement de mesures spatiales et temporelles des expositions contribuera à l’intégration de la variabilité des expositions au cours d’une vie, leur occurrence, leur durée et leur répartition géographique. Il est également nécessaire d’améliorer la prise en compte des populations sensibles, des différentes voies d’exposition et des données d’imprégnation dans les méthodes permettant d’établir les valeurs de référence. Combiner les expositions professionnelles et celles de la vie quotidienne quand les expositions associées sont susceptibles de contribuer significativement au risque, permettra une vision plus globale des sources et voies d’exposition afin de proposer des actions de gestion adaptées. Afin d’intégrer l’ensemble des données et information disponibles, il est nécessaire de développer des algorithmes de combinaisons de données hétérogènes et de modélisation de la toxicocinétique (modèles PBK) en intégrant de manière quantitative les incertitudes associées [10-13]. Enfin, mieux intégrer les signaux environnementaux dans l’évaluation de l’exposition humaine et les interactions trophiques et comportementales entre espèces permettra de mieux anticiper certains risques. L’intégration de ses nouvelles méthodes dans des outils opérationnels internes, comme le logiciel Anses RSexpo ou le réseau de logiciels (ParcToolBox) développé dans le projet PARC, facilitera l’utilisation au quotidien de ces méthodes et des données associées par les évaluateurs des risques.
Renforcer la transversalité et le travail pluridisciplinaire
L’exposome étant par nature systémique, il se constitue de différentes composantes pouvant être étudiées par des disciplines variées, faisant appel à des approches et techniques très diverses, dont certaines sont déjà employées dans l’évaluation des risques alors que d’autres ne le sont pas encore. L’évaluation des risques est aujourd’hui menée de manière compartimentée en ne traitant qu’une source, qu’une voie et qu’un type d’agent à la fois. Ainsi, les unités des agences sanitaires sont généralement organisées par source d’exposition (alimentation, eau, air) ou par type d’agents (chimiques, biologiques, physiques, etc.) et regroupées par domaine (environnement, alimentation, travail, etc.). Afin de permettre un traitement des questions posées par une approche exposome, il est donc nécessaire de renforcer la transversalité au sein des agences sanitaires. De plus, le processus de traitement des saisines doit évoluer, notamment en introduisant lors de la phase de planification de l’expertise, une étape initiale afin de statuer sur la pertinence et la faisabilité de traiter la question posée par une approche exposome [2]. De manière générale, il est nécessaire de consolider les collaborations et projets pluridisciplinaires entre épidémiologie et toxicologie, entre exposome humain et éco-exposome, entre évaluateur des risques pour la population générale et la population des travailleurs. Renforcer les synergies entre les Agences sanitaires nationales et régionales (ARS), les collectivités locales et les parties prenantes (ONG, associations) permettra également de mieux tenir compte des spécificités géographiques, culturelles et sociales dans les évaluations des expositions et dans les propositions de mesures de gestion.
Former les évaluateurs des risques actuels et futurs
Renforcer la prise en compte de l’exposome dans les travaux des agences sanitaires nécessite une phase d'acculturation du personnel et des membres des comités d'experts et des groupes de travail. Des présentations, des formations spécifiques et des ateliers pourront être proposés. L'implication du personnel des agences dans des projets de recherche liés à l'exposome est également recommandée, afin de contribuer à la formation du personnel sur ce sujet. Enfin, l'intégration de nouvelles compétences, notamment en écologie, l'écotoxicologie, les mathématiques, l'intelligence artificielle, la modélisation spatiale, les sciences sociales dans les panels des comités d'experts permettrait de renforcer les compétences sur certaines composantes.
Vers un changement structurel
Ce travail initié par l’Anses pour opérationnaliser la science de l’exposome dans les activités d’une agence sanitaire présente un caractère stratégique et pionnier aux niveaux national et européen. Les recommandations proposées s’adressent à l’ensemble des acteurs impliqués dans l’évaluation des risques : chercheurs, évaluateurs, experts, producteurs de données, et à ceux qui mettent en œuvre les mesures de gestion associées : parties prenantes, acteurs sur le terrain, financeurs, gestionnaires, etc. La prise en compte de l’exposome en évaluation des risques, en proposant une approche globale qui tient compte de la complexité des expositions et de leurs effets combinés sur la santé, permet de mieux répondre aux enjeux scientifiques et questions sociétales actuels. Cette intégration nécessite une évolution progressive des pratiques ainsi que des changements structurels au niveau de l’organisation des agences sanitaires et des agences réglementaires.
Opérationnaliser l’intégration de l’exposome en évaluation des risques nécessite des moyens plus importants en termes de données, de temps et de ressources humaines pouvant être en partie compensés par une meilleure organisation des données et le développement d’outils opérationnels d’évaluation intégrée des risques. De plus, la mise en place d’une pratique systématique des principes FAIR dans les activités de développement de méthodes et d’outils, dans les travaux de recherche et de référence, dans la contribution à la surveillance et à la vigilance, permettrait d’optimiser la gestion, l’organisation, la collecte et l’analyse des données générées et utilisées par les agences sanitaires. La montée en compétences des équipes de coordination et les membres des collectifs d’expertise par la mise en œuvre de formations adaptées, la participation des équipes à des projets de recherche pluridisciplinaires et la consolidation de l’organisation du travail en transversalité, faciliterait l’intégration de l’exposome dans les activités de l’Anses. Le renforcement des collaborations de l’Agence avec ses partenaires nationaux, européens et internationaux sur cette thématique est également nécessaire. Une part de ces évolutions est déjà en cours avec le traitement transversal de deux saisines actuelles sur les concentrations en PFAS dans l’environnement, l’alimentation et les produits de consommation courante et l’évaluation et l’agrégation des différentes sources d’exposition au cadmium pour expliquer les concentrations urinaires en France. L’Anses s’implique aussi dans des programmes de recherche sur l’exposome (Athlete12, IHEN13), contribue aux initiatives nationales et européennes sur les maladies infectieuses dans le cadre « One Health », participe au groupe de recherche et d’expertise sur l’exposome (GREEX14) et coordonne le progamme PARC.
Les difficultés associées à l’accroissement de la complexité et des moyens nécessaires pour intégrer les composantes de l’exposome doivent être relativisées par les avantages apportés en évaluation des risques et de manière plus globale pour la santé. Plus les composantes de l’exposome vont être prises en compte, plus l’évaluation des risques sanitaires qui en découle va s’approcher de la réalité des expositions et des risques, en réduisant une part des incertitudes et en proposant une approche plus intégrative. Cette approche plus globale permet également d’identifier les sources, les substances et les populations prioritaires, et ainsi d’orienter les mesures de gestion. L’exposome prenant aussi en compte les spécificités individuelles, géographiques et sociales, permet également de contribuer à élaborer une santé publique avec des mesures de prévention plus personnalisées, mieux ciblées et plus égalitaires, pour une politique de santé publique proactive plutôt que réactive.
Au-delà de l’évaluation des risques, les questionnements que soulève l’exposome entrent dans des domaines (éthiques, scientifiques, juridiques, etc.) qui dépassent largement le champ de l’expertise. Ainsi, les paradigmes et la structuration de la gestion des risques doivent également évoluer. Comme les agences sanitaires, les agences réglementaires européennes sont structurées par source d’exposition (alimentation, eau, air), par type d’agents (chimiques, biologiques, physiques, etc.) et regroupées par domaine (environnement, alimentation, travail, etc.). Elles doivent être en capacités de développer la transversalité au sein de leur agence et les collaborations entre les agences. Cette transversalité est en cours de développement et de discussion dans le cadre du « one substance, one assessment package15 », en lien avec la stratégie européenne en matière de substances chimiques pour le développement durable16. Des tâches importantes sont en cours d’(ré)attribution entre les quatre agences de l'Union européenne, notamment la gestion des données d’imprégnation, afin de garantir des évaluations cohérentes et transparentes des substances chimiques utilisées dans des produits tels que les dispositifs médicaux, les jouets, les denrées alimentaires, les pesticides et les biocides.
La prise en compte de l’exposome et de ses composantes est un investissement sur l’avenir, qui en faisant évoluer l’évaluation des risques vers des approches plus intégratives permettra d’identifier les principaux facteurs de risque des maladies actuelles pour proposer des mesures de prévention et de gestion plus efficaces.
Remerciements
Merci aux contributeurs du rapport ANSES sur l’intégration de l’exposome dans les activités de l’ANSES : Philippe Quénel, Jeanne Garric, Alain Kaufmann, Jean-Marc Bonmatin, Pascale Duché, Aurélie Mathieu, Madeline Carsique, Julien Jean, Pascal Sanders, Jean-Pierre Cravedi, Matthieu Schuler et Robert Barouki.
Références
[1] Wild C. Complementing the genome with an "exposome": the outstanding challenge of environmental exposure measurement in molecular epidemiology. Cancer Epidemiol Biomarkers Prev2005 ; 14 : 1847‑50.
[2] Anses. Opinion and Report on Integration of the exposome in ANSES’s activities. Maisons-Alfort, France : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, 2023. (ANSES Opinion). Report No. : 2022-METH-0197.
[3] Scholz S, Nichols JW, Escher BI, et al. The Eco-Exposome Concept: Supporting an Integrated Assessment of Mixtures of Environmental Chemicals. Environ Toxicol Chem 2022 ; 41 : 30‑45.
[4] Barouki R, Audouze K, Coumoul X, Demenais F, Gauguier D. Integration of the human exposome with the human genome to advance medicine. Biochimie 2018 ; 152 : 155‑8.
[5] Wilkinson MD, Dumontier M, Aalbersberg IJ, et al. The FAIR Guiding Principles for scientific data management and stewardship. Sci Data 2016 ; 3 : 160018.
[6] EFSA, More SJ, Bampidis V, Benford D, et al. Guidance on harmonised methodologies for human health, animal health and ecological risk assessment of combined exposure to multiple chemicals. EFSA J 2019 ; 17 : e05634.
[7] EFSA, More SJ, Bampidis V, Benford D, et al. Guidance document on Scientific criteria for grouping chemicals into assessment groups for human risk assessment of combined exposure to multiple chemicals. EFSA J 2021 ; 19 : e07033 : https://data.europa.eu/doi/10.2903/j.efsa.2021.7033.
[8] Crépet A, Vanacker M, Sprong C, et al. Selecting mixtures on the basis of dietary exposure and hazard data: application to pesticide exposure in the European population in relation to steatosis. Int J Hyg Environ Health 2019 ; 222 : 291‑306.
[9] Crépet A, Vasseur P, Jean J, et al. Integrating Selection and Risk Assessment of Chemical Mixtures: A Novel Approach Applied to a Breast Milk Survey. Environ Health Perspect 2022 ; 130 : 35001.
[10] Vanacker M, Tressou J, Perouel G, Glorennec P, Crépet A. Combining data from heterogeneous surveys for aggregate exposure: Application to children exposure to lead in France. Environmental Research 2020 ; 182 : 109069.
[11] Vanacker M, Quindroit P, Angeli K, et al. Aggregate and cumulative chronic risk assessment for pyrethroids in the French adult population. Food Chem Toxicol 2020 ; 143 : 111519.
[12] Paini A, Tan YM V, Sachana M E, et al. Gaining acceptance in next generation PBK modelling approaches for regulatory assessments - An OECD international effort. Comput Toxicol 2021 ; 18 : 100163.
[13] Anses. Prise en compte de l’incertitude en évaluation des risques : revue de la littérature et recommandations pour l’Anses [Internet]. Maisons-Alfort, France : Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail; 2016. (Avis de l’Anses. Rapport d’expertise collective). Report No. : saisine n°2015-SA-0090 : https://www.anses.fr/fr/system/files/AUTRE2015SA0090Ra.pdf
1 Accueil | France Exposome (france-exposome.org).
2 Green Data for Health, Green Data for Health | Accueil (ecologie.gouv.fr).
4 Cohorte épidémiologique de consultants des Centres d'examens de santé (CES) de la Sécurité sociale.
5 Étude épidémiologique auprès de femmes de l’éducation nationale (E3N) et de leurs enfants E3N-E4N : trois générations pour explorer ce qui influence notre santé · Inserm, La science pour la santé.
6 Internet-based Students HeaAlth Research Enterprise, Accueil - I-Share.
7 Cohortes en psychiatrie, ffm – psy-cohorte – Programme dédié à la création d’une cohorte nationale sur les troubles bipolaires et la schizophrénie.
8 Environmental Exposure Assessment Research Infrastructure, EIRENE RI | ESFRI Roadmap 2021.
9 Partnership for the Assessment of Risks from Chemicals | Parc (eu-parc.eu).
10 WHO | Food Safety Collaborative Platform.
11 Integrated Approaches to Testing and Assessment (IATA) - OECD.
12 Home - Athlete (athleteproject.eu).
13 IHEN - The International Human Exposome Network.
15 One substance, one assessment' chemicals assessment reform (europa.eu).
Synthèse publiée le : 01/04/2016
Exposome
Paul Quindroit
Frédéric-Yves Bois
Céline Brochot
Ineris
DRC/VIVA/METO
Parc ALATA
BP2
60550 Verneuil en Halatte
France
paul.quindroit-etudiant@ineris.fr
frederic.bois@ineris.fr
celine.brochot@ineris.fr