Pathologies

Allergies

Year Book 2016

Michel Aubier

Service de Pneumologie
Hôpital Bichat
Inserm UMR 1152
Faculté de Médecine Paris Diderot
michel.aubier@wanadoo.fr

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Synthèse publiée le : 01/04/2016

Allergies et Environnement

L’année 2015 a apporté de nouveaux éléments sur l’augmentation des allergies liée au réchauffement climatique ainsi que sur les mécanismes par lesquels les interactions allergènes/polluants sont impliquées dans l’augmentation de la prévalence des allergies respiratoires et de l’asthme en particulier.

 

Les allergies sont en augmentation constante depuis plusieurs décennies. De multiples travaux ont montré le rôle des modifications environnementales dans la genèse de ce phénomène. Parmi celles-ci, le changement climatique et la dégradation de la qualité de l’air ont été incriminés. En 2015, de nouveaux travaux épidémiologiques et expérimentaux ont conforté les nombreuses publications de ces dix dernières années concernant le rôle de ces deux phénomènes dans l’augmentation de l’incidence et de la prévalence des allergies, notamment respiratoires. Des travaux publiés en 2015 ont également apportés un éclairage important sur les mécanismes cellulaires et moléculaires sous-tendant ces allergies.

 

Facteurs de risque et prévention des allergies respiratoires : d’importantes études épidémiologiques publiées en 2014-2015.

Il existe maintenant de nombreux travaux qui suggèrent que la prévalence de l’asthme dans l’enfance entre différents groupes ethniques n’est pas liée à des différences génétiques, mais plutôt à des différences dans l’exposition à des facteurs environnementaux qui sont interdépendants ainsi qu’à des facteurs associés au mode de vie (1).

En Europe de l’ouest, l’asthme de l’enfance est négativement associé avec l’altitude, la variation annuelle de température et l’humidité extérieure relative, ce qui suggère que le changement climatique peut moduler la prévalence de l’asthme.

La pollution de l’air a un effet sur les réponses immunes des patients ayant une maladie allergique. L’exposition à des particules fines (PM2,5 correspondant à des particules dont le diamètre est inférieur à 2,5 m) et à l’ozone sont responsables d’exacerbations d’asthme, de recours aux urgences et d’hospitalisations pour asthme (2). De plus, l’exposition à d’autres polluants tels les hydrocarbures aromatiques polycycliques et le dioxyde d’azote (NO2), peut être responsable d’une diminution de la fonction respiratoire (2). Les enfants apparaissent comme particulièrement vulnérables à ces expositions environnementales qui sont responsables d’altérations du développement pulmonaire et prédisposent à la constitution d’une inflammation des voies aériennes.

Ainsi, une étude récente (3) réalisée en Californie du Sud au cours des deux dernières décennies a montré qu’une diminution de la pollution atmosphérique suite à d’importantes mesures qui ont été prises par les autorités de cet état, a eu un impact positif important sur le développement pulmonaire des enfants vivant dans la zone concernée, et donc sur leur fonction respiratoire. Cette amélioration de la qualité de l’air a été bénéfique pour les enfants des deux sexes, avec un effet plus marqué chez les garçons, l’effet de la diminution du NO2sur la fonction respiratoireétant plus important chez les enfants asthmatiques (3). Un effet bénéfique de la réduction de tous les polluants étudiés NO2, PM2.5 et PM10 sur le développement pulmonaire des jeunes adolescents a été observé. Ceci n’était par contre pas le cas pour la diminution de la pollution à l’ozone. Cette importante étude plaide pour une politique d’amélioration de la qualité de l’air afin de préserver le développement pulmonaire des enfants vivant en zones polluées et probablement diminuer la prévalence des maladies allergiques et de l’asthme en particulier.

 

Polluants atmosphériques et allergies respiratoires : les mécanismes en partie élucidés.

Des altérations de l’immunité innée et adaptative suite à l’exposition à des polluants ont récemment été décrites, notamment au niveau de la signalisation suite à l’activation des « Toll-like récepteurs »[a], de la production des « DAMP’s »[b] et d’une réponse pro-inflammatoire de l’épithélium bronchique (4).

De plus, les polluants peuvent augmenter la production de médiateurs inflammatoires par les cellules TH2, l’IL-17 et les cellules dendritiques, et altérer les fonctions des cellules lymphocytaires T.

Un article particulièrement intéressant (5) suggère que l’exposition à des particules Diesel (DEP) est responsable d’une accumulation de cellules spécifiques d’allergènes TH2/TH17 dans le poumon et donc de la potentialisation de la réponse secondaire à l’allergène et du développement de l’asthme allergique. Cette étude qui a été réalisée sur 578 enfants de la cohorte Cincinnati Childhood Allergy and Air Pollution Study, âgés de 1 à 4 ans avec au moins un prick test[c] positif et qui avait un asthme diagnostiqué à l’âge de 7ans a clairement démontrée que la coexposition à des DEP et HDM (House Dust Mite) résulte en une augmentation de l’accumulation dans le poumon de cellules mémoires TH2 et TH17 spécifiques de l’allergène HDM. Cette accumulation dans le poumon potentialise les réponses inflammatoires et allergiques secondaires à une deuxième exposition à l’allergène, promouvant ainsi le développement d’un asthme.

Ce mécanisme pourrait contribuer à l’augmentation de la prévalence de l’asthme allergique observée chez les enfants qui ont une exposition précoce à des niveaux élevés de DEP issue du la circulation routière.

 

La pollution biologique revisitée

L’augmentation de la température, de l’humidité et de la concentration en CO2 de l’atmosphère favorise la croissance des plantes et, par conséquent la production de pollen. La période de pollinisation est ainsi prolongée et les petits grains de pollen produits sont plus allergisants (6).

Le rôle des lipides dans le processus allergisant a été récemment décrit. De nombreux allergènes comme les pollens, HDM, les phanères d’animaux et les cafards contiennent des sites de ligands pour les lipides qui augmentent la réponse allergisante TH2 (2).

La caractérisation des allergènes et leur potentiel allergisant par le biais de mécanismes différents de la voie classique des IgE est une des voies de recherche importante pour la compréhension des mécanismes de la réaction inflammatoire allergique et sa prévention.

 

Conclusion

Les travaux récents publiés en 2014-2015 confirment le rôle de l’environnement dans l’aggravation des maladies allergiques respiratoires. Elles mettent également en lumière au niveau moléculaire des mécanismes qui pourraient expliquer le rôle des polluants atmosphériques dans la genèse des maladies allergiques. De plus en plus de données montrent également qu’une diminution de la pollution atmosphérique, notamment particulaire, a des effets bénéfiques sur le développement et la fonction pulmonaire chez l’enfant

 

Liens d’intérêt en rapport avec le texte publié

 Essais cliniques :

  •      stallergènes (mécanismes de la désensibilisation), investigateur principal
  •      étude clinique ALK, co-investigateur

Interventions ponctuelles :

  •      congrès CPLF 2016 et conseils pour Stallergènes

 

 

Références

  1. Deasly R, Semprini A, Mitchell EA. Risk factors for asthma ; is prevention possible ? Lancet 2015; 386 : 1075-1084
  2. Peden DB, Bush RK. Advances in environmental and occupational disorders in 2014. J of Allergy and Clin Immunol 2015 ; 136 : 866-871.
  3. Gauderman WJ, Urman R, Avol E et al. Association of improved air quality with lung development in children. N Engl J Med 2015 ; 372 : 905-913.
  4. Miller R, Peden DB. Environmental effects of immune responses in patients with atopy and asthma. J Allergy Clin Immunol 2014 ; 134 : 1001-1008.
  5. Brandt EB, Biagini Myers JM, Acciani TH et al. Exposure to allergen and diesel exhaust particles potentiates secondary allergen-specific memory responses, promoting asthma susceptibility. J allergy Clin Immunol 2015 ; 136 : 295-303.
  6. PashleyCH, Satchwell J, Edwards RE. Ragweed pollen : is clilate change creating a new aeroallergen problem in the UK ? Clin ExpAllergy 2015 : 45 : 1262-1265
Notes

[a] Les Toll-like récepteurs sont activés par des protéines virales et impliqués dans le déclenchement de l’immunité innée

[b] Les DAMP’s (pour Damage-Associated Molecular Patterns) sont des molécules « danger » qui activent notamment les récepteurs Toll.

[c] Le prick test est un test cutané permettant de déterminer la sensibilisation d’un individu à un allergène