ANALYSE D'ARTICLE

Conséquences des incendies de forêt sur différents aspects de la santé, issues de grossesses et besoins de santé des femmes en âge de procréer : revue de la littérature

Cette revue de la littérature suggère qu’en cas d’incendie de forêt, le risque pour la santé des femmes en âge de procréer, des femmes enceintes et des enfants exposés in utero est augmenté, et qu’une prise en charge spécifique s’impose.

Les incendies, qu’ils soient d’origine naturelle ou anthropique, ont façonné le paysage et influencé le biome naturel depuis des millions d’années. Cependant, les incendies de forêt qui ont un effet catastrophique sur l’écosystème et la société humaine ont toujours été rares dans l’histoire. Aujourd’hui, le changement climatique et l’augmentation du nombre d’individus qui vivent à proximité de l’interface entre zones sauvages et zones urbaines contribuent à l’augmentation de la fréquence et de l’intensité de ces incendies de forêt.

De nombreuses études et revues ont été publiées sur les effets de l’exposition aux catastrophes naturelles sur la santé et le bien-être des femmes en âge de procréer et des enfants. Ont été étudiés les effets sur la croissance fœtale et la morbidité maternelle, les effets indésirables sur la santé reproductive des femmes et leur vulnérabilité économique pendant et après la grossesse. D’autres études, enfin, montrent une modification du taux de masculinité dans la descendance des femmes exposées aux catastrophes naturelles.

Parmi les facteurs de risque, les fumées émanant des feux de forêt sont une source de particules fines (PM2,5) à prendre en compte : l’exposition maternelle aux PM2,5 est associée à une diminution du poids de naissance des enfants, à une augmentation des naissances prématurées, au risque de fente palatine du nouveau-né, et enfin à une augmentation du risque de diabète gestationnel.

Pour cette revue de la littérature, les auteurs ont opté pour une méthodologie intégrative inspirée du cadre proposé par Whittemore et Knafl [1]. Ce cadre permet la sélection des articles, l’extraction des données et la synthèse des études qualitatives et quantitatives afin d’obtenir une vision holistique du sujet. Des recherches exhaustives ont été faites dans Scopus (y compris Medline et Embase), CINAHL, PubMed et GoogleScholar et ont permis de faire une première sélection d’études.

Les articles ont ensuite été évalués de manière indépendante par deux experts à l’aide de l’outil d’évaluation critique de Crowe, qui inclut un guide d’utilisation.

Les recherches dans les bases de données ont permis d’identifier 480 publications.

Les titres, les résumés et les textes complets ont été passés en revue, et l’introduction, la conception de l’étude, l’échantillonnage, la collecte des données, les questions d’éthique, les résultats et la discussion ont été pris en compte pour l’attribution d’une note à chaque article. Chaque item a été noté (de 0 à 5), 0 étant la note la plus basse possible et 5 la plus élevée.

Seulement 16 études publiées entre 2012 et 2022 ont été jugées d’une qualité suffisante pour être incluses dans cette revue.

Parmi elles, 13 sont de type quantitatif (10 études de cohorte rétrospectives et les autres de type cas-témoins, croisées ajustées sur le temps, ou longitudinales). Deux ont utilisé des méthodes mixtes, et une étude est qualitative.

Les résultats montrent que l’exposition à des catastrophes de type incendies de forêt peut entraîner des effets, tels que la diminution du poids de naissance et de la durée de la grossesse, pour lesquels le lien de causalité est difficile à établir. Il passe probablement par l’exposition aux PM2,5 et également par le stress maternel avant la naissance. Deux études montrent une incidence modérément accrue de malformations congénitales à la suite d’une exposition in utero aux fumées de feu de forêt. Les malformations concernées sont les fentes labio-palatines, dont l’association avec le stress maternel a été retrouvée dans des études antérieures.

Le moment de l’exposition et la gravité de l’incendie peuvent influer sur la morbidité. Trois études montrent une augmentation de la morbidité liée à la santé mentale avec développement à court terme de symptômes semblables à ceux du stress post-traumatique, mais aussi plus d’accidents de la route.

Une étude a conclu à une augmentation du risque de diabète gestationnel et d’hypertension gravidique chez les mères, tandis qu’une autre montre une différence entre le taux de diabète gestationnel et d’hypertension gestationnelle.

Une étude a montré une réduction de l’allaitement maternel chez les femmes qui ont échappé à un incendie de forêt.

Deux études se sont intéressées au taux de masculinité à la naissance. La première n’a pas trouvé de modification, et la seconde a trouvé une diminution de ce taux chez les femmes exposées après la conception (46,6 %) dans les régions sévèrement touchées.

Il apparaît que les femmes ont un besoin accru de soins et n’y ont pas assez accès à la suite des catastrophes, ce qui induit des sensations de mal-être. Apporter un soutien a un effet protecteur sur la santé mentale des femmes et un effet positif sur la perception du stress subjectif et de la dépression. L’accès à une sage-femme expérimentée et à une continuité des soins peut avoir un effet protecteur sur la santé des enfants, comme sur celle des femmes enceintes exposées.

Pour les femmes enceintes exposées à des incendies de forêt, les interventions de santé publique avec orientation rapide vers des soins de soutien favorisent la résilience personnelle. La continuité des soins et les programmes de santé mentale devraient être développés dans les régions exposées. Plusieurs lacunes persistent dans la littérature existante et il serait bon d’identifier de façon plus systématique et plus détaillée un large éventail de conséquences maternelles, à court et à long termes, éléments nécessaires à l’élaboration d’un plan d’action. L’accès aux services de santé mère-enfant, à la prise en charge psychiatrique et aux structures de santé de la famille doit être facilité.

Les preuves indiquent que l’exposition aux incendies de forêt peut être associée à des changements dans les résultats de la naissance et à une augmentation de la morbidité chez les femmes enceintes et leurs bébés. Ces effets peuvent être réels et avoir des répercussions à long terme et de grande envergure sur la santé publique. Le présent travail peut contribuer à l’élaboration de stratégies cliniques et de santé publique efficaces pour répondre aux besoins des femmes enceintes exposées.

 

Commentaire

Les effets du stress sur les femmes enceintes et leurs enfants à venir ont été bien documentés. Il semble donc plausible que l’exposition de femmes enceintes à un ou des incendies de forêt ait des effets indésirables sur leur grossesse, sur leur santé et celle de leurs enfants. Cette revue de la littérature n’a pu inclure qu’un nombre limité d’études exploitables pour le montrer, mais cela ne doit pas retarder la mise en place d’une prise en charge multidisciplinaire précoce de ces femmes et de ces enfants. Leur santé future en dépend.

 

Référence

1. Whittemore R, Knafl K. The integrative review: updated methodology. J Adv Nurs 2005 ; 52 : 546-53.

 

Publication analysée :
Evans J, Bansal A, Schoenaker DAJM, Cherbuin N, Peek MJ, Davis DL. Birth outcomes, health, and health care needs of childbearing women following wildfire disasters : An integrative, state-of-the-science review. EHP 2022 ; 130(8) : 086001.

Elisabeth Gnansia