ANALYSE D'ARTICLE

Exposition aux PM2,5 et hospitalisations pour maladies neurodégénératives dans la cohorte Medicare

Cette étude est la première à rapporter une relation entre l’exposition à long terme aux particules fines PM2,5 et le risque d’une première hospitalisation pour démence, maladie d’Alzheimer ou maladie de Parkinson. Ces résultats préliminaires, potentiellement très impliquants pour la santé publique, demandent à être confirmés par de futurs travaux.

This is the first study to report a relation between long-term exposure to PM2,5 fine particulates and the risk of a first hospitalization for dementia, or Alzheimer or Parkinson diseases. These preliminary results may have important implications for public health and need to be confirmed by further studies.

Après avoir été reliée à la mortalité, ainsi qu’aux événements cardio- et cérébrovasculaires et au cancer du poumon, l’exposition chronique aux PM2,5 fait désormais l’objet d’études dans le champ des maladies neurodégénératives. Si la littérature épidémiologique est encore peu fournie, des données toxicologiques montrant des effets neuro-inflammatoires et pro-oxydants de la pollution atmosphérique appuient l’hypothèse de son rôle dans le développement de pathologies telles que les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.

C’est plus précisément l’effet de l’exposition aux PM2,5 sur la progression de ces maladies qui a été examiné dans cette vaste étude étatsunienne. Les événements sanitaires retenus étaient la première admission à l’hôpital pour démence, maladie d’Alzheimer ou maladie de Parkinson, signant une aggravation dans leur cours évolutif. La population incluse était celle des bénéficiaires du système d’assurance-santé Medicare (destiné aux personnes de plus de 65 ans) résidant dans 50 villes de 12 États du nord-est. Cette cohorte ouverte de plus de 9,8 millions d’assurés était caractérisée par un âge moyen de 75,6 ans, une proportion de femmes de 57,3 % et une proportion de sujets Blancs de 80,4 %. Elle a été suivie de 1999 à 2010, période pendant laquelle 203 463 admissions pour démence, 266 725 pour maladie d’Alzheimer et 119 425 pour maladie de Parkinson ont été enregistrées, ces pathologies, codées selon la Classification internationale des maladies (CIM-9), figurant comme motif principal ou secondaire de l’hospitalisation.

 

Approche statistique

Les auteurs ont employé une méthode qu’ils avaient précédemment utilisée pour étudier la relation entre les fluctuations annuelles des concentrations de PM2,5 et celles de la mortalité à partir des données de nombreuses villes, qui permet d’éliminer l’influence potentiellement confondante de facteurs et tendances à long terme variables d’une ville à l’autre.

Dans un premier temps, les relations entre la concentration moyenne annuelle des PM2,5 (calculée à partir des données de surveillance de la qualité de l’air de l’Agence de protection de l’environnement) et chacun des trois événements considérés ont été estimées indépendamment pour chaque ville. Les modèles étaient ajustés sur l’année calendaire, ainsi que sur des covariables sanitaires individuelles (hospitalisations pour insuffisance cardiaque, infarctus du myocarde, bronchopneumopathie chronique obstructive, diabète, et, pour tous ces motifs nombre de jours en unité de soins intensifs pris comme indicateur de gravité). En l’absence d’informations socio-économiques à l’échelon individuel, les codes postaux indiqués sur les fichiers Medicare ont été utilisés pour ajuster les analyses sur le revenu médian du quartier de résidence. Par ailleurs, les modèles étaient stratifiés par âge (intervalles d’un an), sexe, origine ethnique et année de suivi. Dans un second temps, une méta-analyse des estimations propres à chaque ville a été réalisée à l’aide d’un modèle à effets aléatoires.

 

Estimation de l’effet de l’exposition aux PM2,5

Les résultats sont exprimés en hazard ratio (HR) pour une augmentation d’1 μg/m3 de la concentration annuelle des PM2,5, qui était en moyenne de 12 μg/m3 (écart-type : 1,6 μg/m3, intervalle interquartile : 3,8 μg/m3).

Des associations significatives sont mises en évidence pour les trois critères sanitaires : HR égal à 1,08 (IC95 : 1,05-1,11) pour la démence, à 1,15 (IC95 : 1,11-1,19) pour la maladie d’Alzheimer, et à 1,08 (IC95 : 1,04-1,12) pour la maladie de Parkinson. L’effet de l’exposition aux PM2,5 ne dépend pas du sexe, la plus grande différence (non significative) observée entre les hommes et les femmes portant sur les admissions pour maladie d’Alzheimer : HR égal à 1,16 (1,12-1,21) dans la population masculine et à 1,14 (IC95 : 1,10-1,18) dans la population féminine.

Lorsque la concentration de PM2,5 est traitée comme une variable catégorielle (répartition par quartiles), sa relation avec les trois événements apparaît linéaire, les hazard ratio augmentant graduellement du premier au dernier quartile. Par ailleurs, en choisissant un incrément de 5 μg/m3 à la place d’1 μg/m3, l’effet de l’augmentation de la concentration des PM2,5 se renforce : HR égal à 1,46 (1,29-1,66) pour la démence, à 2 (1,70-2,35) pour la maladie d’Alzheimer, et à 1,44 (1,22-1,70) pour la maladie de Parkinson.

Les informations relatives aux antécédents d’hospitalisation avant l’inscription à Medicare n’étant pas disponibles, certains sujets avaient pu être précédemment hospitalisés pour l’un des trois motifs considérés. Afin de recentrer la population sur les cas incidents, les auteurs ont répété leurs analyses en excluant les admissions ayant eu lieu au cours des deux premières années du suivi. Les résultats sont robustes à cette analyse de sensibilité : le hazard ratio d’admission pour démence pour une augmentation d’1 μg/m3 de la concentration des PM2,5 est égal à 1,07 (1,04-1,11) et les estimations correspondantes pour les maladies d’Alzheimer et de Parkinson sont 1,15 (1,10-1,19) et 1,07 (1,03-1,11).

La vérification de ces résultats est nécessaire étant donné leurs retentissements potentiels et les limites de cette première investigation. Les auteurs relèvent notamment la possibilité d’erreurs ou d’imprécisions quant aux motifs d’admission et l’indisponibilité de données individuelles qui nécessiteraient d’être prises en compte (en particulier le tabagisme, le mode de vie, la mobilité et le temps passé à l’extérieur).

 

Laurence Nicolle-Mir

 

Publication analysée :

Kioumourtzoglou MA, Schwartz J, Weisskopf M et al. Long-term PM2,5 exposure and neurological hospital admissions in the northeastern United States. Environ Health Perspect 2016; 124: 23-9.

Department of Environmental Health, Harvard T.H. Chan School of Public Health, Boston, États-Unis.

doi: 10.1289/ehp.1408973