ANALYSE D'ARTICLE

Exposition prénatale à différents polluants atmosphériques et asthme infantile : revue de la littérature

À ce stade, la littérature épidémiologique suggère une association entre l’exposition prénatale à quelques polluants – le dioxyde d’azote, les particules PM10 et le dioxyde de soufre – et le développement d’un asthme dans l’enfance. De nouvelles études de bonne qualité sont attendues pour l’enrichir. Les auteurs de cet article soulignent la nécessité d’un effort d’harmonisation des méthodes.

Selon une enquête dans la sous-population de l’English Longitudinal Study on Aging née entre 1945 et 1955, l’incidence de l’asthme infantile (jusqu’à l’âge de 15 ans) a été respectivement près de 8 et 20 fois plus élevée chez les Londoniens à naître et dans leur première année de vie au moment du grand smog (5-9 décembre 1952), que dans un groupe témoin constitué de sujets aux mêmes stades de développement mais n’habitant pas Londres et de Londoniens conçus et nés bien avant ou après l’événement. Toutefois, seul l’excès de risque associé à l’exposition postnatale était significatif (19,87 [IC95 : 3,37-36,38] versus 7,91 [-2,39-18,20] pour l’exposition prénatale) dans ce contexte particulier d’intense pic de pollution mal caractérisée.

D’une manière générale, s’il est admis que la pollution atmosphérique peut exacerber un asthme pré-existant, la responsabilité de l’exposition postnatale, et encore plus prénatale, dans la survenue d’un asthme n’est pas établie. Les investigations concernant la période de vie in utero ont surtout porté sur le tabagisme de la mère et la pollution de l’air intérieur (fumées de combustion, moisissures, allergènes). Les études ayant considéré d’autres polluants ont été rassemblées et passées en revue pour un premier état des lieux des connaissances.

Études incluses

Une recherche via PubMed et Web of Science (limitée aux publications en anglais) effectuée le 6 juin 2017 a permis d’identifier 18 études (14 cohortes de naissances, deux analyses cas-témoins dans des cohortes et deux études transversales) ayant examiné la relation entre l’asthme ou le sifflement respiratoire chez des enfants de 0 à 10 ans et l’exposition maternelle aux oxydes d’azote (dioxyde [NO2] : six études ; monoxyde [NO] : n = 2 ; oxydes [NOx] : n = 1), aux hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP : n = 7), aux particules (PM2,5 : n = 6 et PM10 : n = 4), au dioxyde de soufre (SO2 : n = 4), au carbone-suie (n = 3), à l’ozone (O3 : n = 2) et au monoxyde de carbone (CO : n = 2). Neuf études avaient été conduites en Amérique du Nord, sept en Europe et deux en Chine. Il s’agissait de travaux récents : cinq avaient été publiés entre 2004 et 2010 et 13 postérieurement.

La fenêtre considérée était généralement toute la durée de la grossesse, l’exposition étant estimée sur la base des concentrations atmosphériques modélisées à l’adresse résidentielle. Des modèles de type Land-use regression (LUR) avaient le plus souvent été utilisés, sinon des modèles d’interpolation spatiale par Inverse Distance Weighted method (IDW) ou des modèles de dispersion. Les études focalisées sur les HAP se distinguaient par l’utilisation de capteurs individuels (cinq études) ou d’échantillons biologiques (urines, sang du cordon). Des capteurs avaient également été utilisés dans deux études pour mesurer l’exposition aux PM2,5.

Les auteurs ont appliqué la grille CASP (Critical Appraisal Skills Programme) pour évaluer la qualité méthodologique de ces travaux, en particulier la probabilité de biais de sélection et de classement, ainsi que la prise en compte des facteurs de confusion potentiels. Les principales faiblesses identifiées étaient l’imprécision de la mesure de l’exposition, l’incertitude du diagnostic (des questionnaires avaient été utilisés dans 15 études pour identifier l’asthme ou le sifflement, seules trois études s’appuyaient sur des sources médicales ou hospitalières), et l’absence d’ajustement sur des facteurs importants comme les antécédents familiaux d’asthme et l’exposition à la fumée de tabac environnementale.

Analyses groupées

Les auteurs ont regroupé les données disponibles pour chaque association polluant-critère sanitaire afin d’en évaluer le niveau de preuve. Lorsque le nombre d’estimations quantitatives était suffisant et que la comparabilité le permettait, des méta-analyses ont été réalisées avec un modèle à effets aléatoires. L’hétérogénéité a été mesurée (I2) et ses causes possibles (méthode d’évaluation de l’exposition, âge des enfants, taille de la population, zone géographique, etc.) ont été recherchées.

Des sept études ayant examiné l’effet de l’exposition prénatale aux HAP, six rapportaient des résultats sur le sifflement chez des enfants âgés de 1 à 6 ans. Leur hétérogénéité est faible (I2 = 7,8 %) et l’odds ratio (OR) combiné est égal à 1,04 (IC95 : 0,94-1,15). L’estimation est proche (OR = 1,05 [0,97-1,13] ; I2 = 17 %) à partir des quatre études fondées sur les données de capteurs individuels.

La méta-analyse de deux études de cohortes espagnoles ayant exploré la relation entre l’exposition prénatale au NO2 (modèle LUR) et le sifflement à l’âge de 12 à 18 mois est en faveur d’une association significative (OR = 1,04 [1,01-1,07] ; I2 = 0 %). Il en est de même pour l’asthme, sur la base de quatre études (OR = 1,07 [1,01-1,14]), mais l’hétérogénéité est très importante (I2 = 85 %), ce qui peut en partie s’expliquer par la diversité des modèles utilisés (LUR ou IDW) pour estimer l’exposition. Par ailleurs, le NO2 n’est qu’un indicateur de la pollution au sein d’un mélange variable en termes de composition et de toxicité dans l’espace et le temps. L’exclusion d’une étude ayant évalué l’incidence de l’asthme chez des enfants âgés de 6 à 10 ans renforce l’association dans la tranche d’âge 0-5 ans (OR = 1,12 [1,04-1,19] ; I2 = 84 %) dans laquelle le diagnostic est toutefois moins certain.

La méta-analyse de quatre études rapportant les effets de l’exposition prénatale au SO2 sur l’asthme aboutit à un résultat non significatif (OR = 1,02 [0,98-1,07] ; I2 = 62,8 %), qui le devient alors que l’hétérogénéité disparaît (OR = 1,03 [1,02-1,05] ; I2 = 0 %) après exclusion de l’étude chez des enfants de 6 à 10 ans. L’exposition prénatale aux PM10 apparaît également augmenter le risque d’asthme infantile selon les résultats d’une méta-analyse de quatre études avec une hétérogénéité intermédiaire : OR = 1,08 (1,05-1,12) ; I2 = 30,4 %. Les méta-analyses des données concernant les PM2,5 ne sont pas indicatives d’une association avec l’asthme (OR = 1 à partir de trois études avec une forte hétérogénéité [70,7 %]) ou le sifflement (OR = 1,4 [0,97-2,03] ; I2 = 37,6 %, deux études). Les conditions d’une méta-analyse n’étaient pas réunies pour le carbone-suie, l’O3 et le CO.


Publication analysée :

* Hehua Z1, Qing C, Shanyan G, Qijun W, Yuhong Z. The impact of prenatal exposure to air pollution on childhood wheezing and asthma: a systematic review. Environmental Research 2017 ; 159 : 519–530. doi : 10.1016/j.envres.2017.08.038

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