ANALYSE D'ARTICLE

Impact de l’exposition aux PM2,5 sur les capacités cognitives des enfants de l’étude BREATHE

Étoffant les connaissances relatives à l’effet de la pollution atmosphérique sur le développement cognitif, cette investigation dans la Brain development and air pollution ultrafine particles in school children (BREATHE) study est l’une des plus vastes à ce jour. Axée sur deux fonctions essentielles évaluées à l’âge de 7 à 10 ans – l’attention et la mémoire de travail –, elle décrit l’impact de l’exposition aux particules fines pour différentes fenêtres dans les deux sexes.

Cette publication suit celles d’autres travaux dans la même population d’enfants scolarisés à Barcelone (Espagne) indiquant que l’exposition aux polluants du trafic à l’école (39 établissements participent au projet BREATHE) affecte la mémoire de travail et l’attention des élèves.

Les deux sont fondamentales pour le développement cognitif. La mémoire de travail, qui se réfère à la capacité à retenir l’information le temps de la manipuler, est notamment sollicitée pour le raisonnement, le calcul et la compréhension écrite et orale. Elle a été évaluée par le test « n-back » (sur ordinateur) qui consiste à présenter des stimuli successifs au sujet (par exemple un groupe de lettres), celui-ci devant appuyer sur un bouton quand un stimulus déjà présenté (« n » étapes auparavant) s’affiche à l’écran. Plus la « détectabilité » est élevée (d’ = proportion normalisée de cibles correctement identifiées moins celle des reconnaissances erronées), meilleure est la performance.

L’attention est une fonction complexe associant vigilance, capacité de concentration sélective et contrôle de soi, requise pour la mémorisation et les fonctions exécutives. Elle a été évaluée par l’Attentional Network Test (ANT), également sur ordinateur, dans lequel le sujet doit cliquer sur la flèche droite ou gauche pour indiquer la direction d’un élément cible central entouré d’éléments distracteurs (flankers) pointant dans la même direction que la cible (flankers congruents) ou à l’opposé (incongruents). L’affichage de la tâche peut être précédé d’un signal ayant valeur d’alerte (imminence de l’apparition) ou d’indication sur la partie de l’écran à fixer (quatre combinaisons possibles, d’aucun stimulus aux deux en même temps). Deux scores ont été établis : l’un de maintien de l’attention (sur la base de la rapidité des réponses et de leur exactitude tout au long de l’épreuve), l’autre de détection et résolution des conflits (« score de conflit » : temps de réaction médian [à travers les quatre conditions de notification] en situation de flankers incongruents moins ce même temps en situation de flankers congruents). Plus le score de conflit (exprimé en millisecondes) est élevé, moins bonne est la performance.

Cet aspect important de l’attention n’avait pas été évalué pour les précédentes analyses, qui étaient de nature transversale (exposition et performances mesurées simultanément), omettant l’influence de l’exposition ayant eu lieu à des étapes cruciales du développement cérébral (période prénatale et premières années de vie). Pour cette nouvelle analyse, les auteurs ont reconstitué l’histoire de l’exposition résidentielle aux PM2,5 en utilisant les données du modèle land-use regression développé pour Barcelone dans le cadre du projet ESCAPE (European study of cohorts for air pollution effects).

Influence de l’exposition sur les performances

Les résultats des tests administrés à l’âge de 7 à 10 ans (en moyenne 8,5 ± 0,9 ans) ont été examinés en relation avec l’exposition prénatale, ainsi que l’exposition dans l’enfance établie pour chaque année individuellement, de la première à la septième année de vie. La concentration annuelle moyenne des PM2,5 a été calculée en tenant compte d’événements familiaux intercurrents tels qu’un déménagement ou une séparation des parents entraînant la résidence alternée de l’enfant. L’exposition a pu être déterminée pour 2 221 enfants représentant 76 % de la population totale de BREATHE (n = 2 897) et le biais de sélection potentiel a été contrôlé (pondération par l’inverse de la probabilité de participation).

Dans l’échantillon total, l’exposition in utero avait été légèrement plus faible (concentration moyenne des PM2,5 : 16,5 ± 3 μg/m3) que l’exposition pendant l’enfance (moyenne des sept années : 16,8 ± 2,9 μg/m3). L’augmentation d’un intervalle interquartile (IIQ) de la concentration des PM2,5 est inversement associée à la mémoire de travail pour toutes les fenêtres d’exposition considérées, avec un impact plus marqué des périodes récentes (cinquième, sixième et septième années de vie). La stratification selon le sexe indique une vulnérabilité particulière des garçons : en considérant l’exposition « vie entière » (de la conception à la septième année de vie), l’augmentation d’un IIQ de la concentration des PM2,5 (3,11 μg/m3) est associée à une diminution de 6,16 points du score de détectabilité (IC95 : -10,63 à -1,68), alors qu’elle n’influence pas les performances des filles (ß = 1,28 [-3,04 à 5,60], modèle ajusté sur l’âge, le niveau d’études de la mère et le statut socio-économique au niveau du quartier).

Quelle que soit la fenêtre considérée, l’exposition résidentielle aux PM2,5 n’apparaît pas altérer le maintien de l’attention. En revanche, une relation est observée dans les deux sexes entre l’exposition à partir de la quatrième année et le score de conflit. L’impact d’une augmentation d’un IIQ de l’exposition « vie entière » est statistiquement significatif chez les garçons : + 2,20 ms (0,28-4,12) versus + 1,84 ms (- 0,16 à 3,83) chez les filles.

Les analyses avec un modèle à effets retardés distribués (distributed lag model) à la place du modèle linéaire à effets mixtes confirment un impact de l’exposition récente aux PM2,5 sur la mémoire de travail chez les garçons et sur le score de conflit dans les deux sexes. Suggérant que la possibilité, pour un individu, d’exprimer son plein potentiel de développement pourrait être entravée par la pollution atmosphérique, ces résultats incitent à poursuivre les investigations.


Publication analysée :

* Rivas I1, Basagaña X, Cirach M, et al. Association between early life exposure to air pollution and working memory and attention. Environ Health Perspect 2019 ; 127(5) : 57002. doi : 10.1289/EHP3169

1 ISGlobal (Barcelona Institute for Global Health), Barcelone, Espagne.