ANALYSE D'ARTICLE

Perception des risques des radiofréquences : nouveaux résultats d’enquête

La dangerosité perçue d’une situation exposant à un champ de radiofréquence est fortement associée à l’importance de l’exposition perçue dans cette enquête auprès de 838 internautes portugais. Cependant, si la puissance du champ et la proximité de la source sont identifiées comme des caractéristiques importantes de l’exposition, qui influencent le risque potentiel pour la santé, d’autres variables comme la taille de l’objet ou le moment de l’exposition semblent plus déterminantes pour la perception du risque.

Perceived danger of exposure to a radio frequency magnetic field is strongly associated with the extent of the perceived exposure in this online survey of 838 Portuguese citizens. However, although the strength of the magnetic field and closeness to the source are seen as important exposure characteristics influencing the potential health risk, other variables such as the size of the object and the time of day of exposure seem to play a bigger role in risk perception.

Poursuivant leur exploration de la perception du risque pour la santé des technologies de communication sans fil [1], les auteurs de cet article présentent de nouveaux résultats issus d’une enquête en ligne réalisée au cours de l’été 2013 au Portugal.

Les réponses de 838 citoyens portugais âgés de 15 à 78 ans ont été analysées. Cet échantillon non représentatif de la population générale se caractérisait par un âge moyen jeune (36 ans), un niveau d’études relativement élevé, une prédominance d’hommes (58 %) et de sujets en activité professionnelle (75 %). Environ 57 % des répondants vivaient dans une grande ville ou sa banlieue, 31 % dans une petite ville et 12 % en zone rurale.

Il était demandé dans un premier temps d’évaluer sur une échelle de 1 (très faible) à 5 (très fort) la puissance du champ électromagnétique de radiofréquence (CEMRF) émis par un routeur WiFi, un téléphone portable, un mât d’antennes relais et un poste de télévision. Des illustrations étaient ensuite proposées dans un ordre aléatoire, qui représentaient une personne dans des situations quotidiennes l’exposant potentiellement à un CEM-RF (près d’un routeur WiFi, d’un mât d’antennes relais sur un toit, en communication avec un téléphone portable, devant un poste de télévision). Le sujet devait évaluer la dangerosité de chaque situation sur une échelle de 1 (pas dangereux) à 5 (très dangereux). Le questionnaire se terminait par une série de propositions relatives aux caractéristiques de l’exposition pouvant influencer le risque. Sept caractéristiques étaient proposées : la durée de l’exposition, la proximité de la source, la fréquence de l’exposition, la puissance du champ, le nombre de sources environnantes, le moment de l’exposition dans la journée et la taille de l’objet émetteur. La formulation était la suivante : « le risque potentiel pour la santé des champs électromagnétiques émis par un téléphone portable, une station de base ou une autre source dépend de […] combien de temps vous êtes exposé, à quelle distance vous vous trouvez [etc.] » le sujet devant à chaque fois indiquer son niveau d’accord, de 1 (pas du tout d’accord) à 5 (tout à fait d’accord).

 

Exposition et risque perçus

Le niveau de danger attribué aux quatre situations présentées est étroitement corrélé au niveau d’intensité du champ attribué à l’objet. Les scores moyens sont ainsi identiques (3,01) pour le téléphone portable, de 3,74 (exposition perçue) et 3,53 (risque perçu) pour l’antenne relais, et respectivement de 2,63 et 2,51 pour le routeur WiFi et de 2,09 et 2,32 pour le poste de télévision, considéré comme un émetteur alors qu’il n’est qu’un récepteur de signal radio via un port antenne. En référence au champ électrique généré par le fonctionnement des appareils dans des conditions normales d’utilisation, l’exposition attribuée au téléphone est sousévaluée alors que celles imputées au routeur WiFi et surtout à l’antenne relais sont surévaluées.

 

Déterminants de la perception du risque

La durée de l’exposition et l’intensité du champ obtiennent les scores moyens les plus élevés (4,54), devant la distance (4,46), la fréquence de l’exposition (4,32) et le nombre de sources (4,13). Des scores comparativement faibles sont attribués à la taille de l’objet (3,24), ainsi qu’au moment de l’exposition (2,01). Ce résultat suggère une relativement bonne connaissance générale des caractéristiques de l’exposition pouvant influencer le risque potentiel des CEM-RF. Néanmoins, des analyses de régression à la recherche des variables prédictrices du niveau de dangerosité attribué aux quatre situations présentées montrent qu’il ne dépend pas du poids accordé à la proximité de la source ni à l’intensité du champ. Le niveau de risque attribué à l’antenne relais est corrélé à la croyance que la taille de l’objet émetteur, la fréquence de l’exposition et le moment de l’exposition déterminent les risques pour la santé d’une exposition aux CEM. Pour le portable, les variables prédictrices du risque perçu sont la durée de l’exposition, la fréquence, le nombre de sources, la taille de l’objet et le moment de l’exposition. Le niveau de risque perçu à proximité d’un routeur WiFi ou d’un poste de télévision dépend du poids accordé au nombre de sources et au moment de l’exposition (ce facteur présent dans les quatre jeux de variables prédictrices pourrait être lié à une impression de plus grande vulnérabilité la nuit pendant le sommeil). Dans tous les cas, les sept caractéristiques de l’exposition n’expliquent qu’environ 10 % de la variance du risque perçu, d’autres déterminants restant à identifier.

Par ailleurs, l’évaluation de la dangerosité des situations présentées n’apparaît pas dépendre de la qualité des connaissances relatives à l’influence des caractéristiques de l’exposition sur le risque potentiel. Les scores sont ainsi comparables pour les quatre situations entre le groupe des 117 sujets considérés comme ayant les meilleures connaissances (scores de 4 ou 5 attribués à la durée de l’exposition, la puissance du champ, la distance de la source, la fréquence de l’exposition et le nombre de sources, et scores de 1 ou 2 attribués à la taille de la source et au moment de l’exposition) et le groupe des 20 sujets considérés comme ayant les moins bonnes connaissances (scores inférieurs à 3 pour les cinq premiers facteurs et supérieurs à 3 pour les deux derniers). La note moyenne attribuée à la dangerosité de la communication avec un portable est de 2,89 dans le premier groupe versus 2,80 dans le second. Les scores respectifs sont de 3,19 et 3,43 pour l’antenne relais, de 2,49 et 2,36 pour le routeur WiFi, et de 2,12 et 2,38 pour la télévision.

Tenant compte des faiblesses de l’étude, ce résultat nécessite d’être vérifié et expliqué. Il ne remet pas en cause le bien-fondé de campagnes d’information et d’efforts pédagogiques pour expliquer, notamment, quels sont les types d’appareils émetteurs, leurs contributions respectives à l’exposition et les facteurs importants tels que la durée de l’exposition et la distance à la source. Il souligne plutôt les limites d’une information factuelle qui ne suffit pas à lever des doutes ancrés ni à combattre de fortes croyances.

 

Laurence Nicolle-Mir

[1]. Environ Risque Sante 2015; 14(5): 286-8.

 
Publication analysée :

Freudenstein F, Correia LM, Oliveira C, Sebastiao D, Wiedemann PM. Exposure knowledge and perception of wireless communication technologies. Int J Environ res Public Health 2015; 12: 14177-91.

Institute for technology assessment and systems analysis, Karlsruhe Institute of Technology, Berlin, Allemagne.

doi: 10.3390/ijerph121114177