ANALYSE D'ARTICLE
Perturbateurs endocriniens dans les poussières intérieures : évolutions spatio-temporelles des concentrations et exposition humaine associée
Chacun est exposé à tout âge à un mélange de substances chimiques présentes dans les poussières sédimentées sur les surfaces dans les environnements intérieurs. L’exposition a lieu via contact cutané, ingestion non intentionnelle après contact main-bouche et inhalation après remise en suspension. Cette revue bibliographique, couvrant la période 2017-2022, propose une analyse des concentrations mesurées dans le monde, de leur évolution temporelle et des évaluations quantitatives des expositions.
Cette revue bibliographique porte sur six groupes de substances chimiques de synthèse connues pour être des perturbateurs endocriniens ou suspectées de l’être, à savoir les phtalates et nouveaux agents plastifiants alternatifs aux phtalates (14 substances), les retardateurs de flamme bromés et phosphorés (16), les bisphénols (7), les substances per- et polyfluoroalkylées ou PFAS (18), les biocides (3) et les additifs des produits de soin corporel, comme les parabènes, le triclosan et les siloxanes (18). Depuis plus d’une dizaine d’années, des études montrent des effets sur la santé humaine de certaines de ces substances. Parallèlement, compte tenu de l’utilisation massive de ces substances dans les matériaux et produits du quotidien et du temps important passé dans les bâtiments, l’environnement intérieur est un contributeur majeur à l’exposition à ces substances, à côté de l’alimentation. Ainsi, les auteurs ont souhaité faire l’état des connaissances internationales les plus récentes (depuis 2017) sur la contamination des poussières sédimentées, réservoirs de ces substances dans les bâtiments, et leur contribution aux expositions humaines. Soixante publications ont été analysées.
Les auteurs démarrent par un bref rappel des méthodes d’analyse des poussières et de calcul des doses d’exposition associées. Les concentrations dans les poussières sont ensuite discutées. Les retardateurs de flamme sont les substances les plus étudiées depuis 2017. Les médianes des concentrations varient de plusieurs ordres de grandeur selon les groupes de substances, celles des phtalates étant les plus élevées (> 100 μg/g), suivies de celles – dans l’ordre décroissant – des plastifiants non-phtalates, des retardateurs de flamme phosphorés, des retardateurs de flamme bromés, des bisphénols et des additifs des produits de soin (concentrations équivalentes), des biocides et des PFAS. Un gradient des concentrations est observé au sein des PFAS, avec des concentrations plus faibles des PFAS « historiques », PFOA (acide perfluorooctanoïque) et PFOS (sulfonate de perfluorooctane), de l’ordre de quelques dizaines de ng/g.
Les différences géographiques et les évolutions temporelles des concentrations et des fréquences de détection selon les pays sont ensuite présentées. À l’exception des retardateurs de flamme bromés dont les concentrations diminuent partout dans le monde, on n’observe pas d’évolution homogène dans l’ensemble des pays pour les autres groupes, les substances détectées et les concentrations variant notamment du fait de réglementations différentes, ou bien insuffisamment d’études ayant été menées pour dégager des évolutions. Dans les pays où l’on observe une diminution des concentrations en DEHP, BDE-209, bisphénol A, PFOA, PFOS et triclosan du fait de réglementations limitant leurs usages, ces substances restent cependant prédominantes dans les poussières au sein de leur groupe respectif (DEHP, BDE-209 et bisphénol A) ou quasiment toujours détectées (PFOA, PFOS et triclosan). Dans les pays où l’on observe une augmentation des concentrations, il s’agit des concentrations en retardateurs de flamme phosphorés, bisphénol S et bisphénol F.
Concernant les expositions, les auteurs rapportent les études, peu nombreuses, ayant mis en évidence des relations entre les concentrations dans les poussières, notamment en phtalates, retardateurs de flamme et bisphénol A, et celles de leurs métabolites urinaires. Ils présentent également les doses journalières d’exposition calculées dans certaines études et leur mise en perspective avec les doses journalières admissibles disponibles pour une exposition par ingestion ; ces dernières ne sont jamais dépassées quelle que soit la classe d’âge, sauf dans trois études portant respectivement sur les expositions des jeunes enfants au tris(2-butoxyéthyl) phosphate au Brésil, aux PFAS en Chine et aux méthyl siloxanes en Chine. En conclusion, les auteurs rappellent que des études ont montré des effets sur la santé à des doses inférieures aux valeurs de référence pour certaines substances comme le bisphénol A et que, même si les doses journalières d’exposition sont inférieures aux doses journalières admissibles pour chaque substance respectivement, l’exposition concomitante à ces substances pose question quant aux effets possibles sur la santé.
Commentaire
Cette revue est intéressante et fournit beaucoup d’informations. Les variabilités spatiales présentées sont des variabilités géographiques et les possibles différences en termes de substances détectées ou de concentrations selon les types de bâtiment ne sont pas développées, sans doute du fait d’un nombre insuffisant d’études par lieu. L’absence de consensus sur le mode de prélèvement des poussières sédimentées dans l’environnement intérieur et sur leur fraction de tamisage avant analyse aurait pu être soulignée par les auteurs car cela peut introduire un biais dans la comparaison des études. Les recherches sont à poursuivre sur cette matrice qui a une contribution importante aux expositions humaines aux substances chimiques.
Publication analysée :
Zhu L, Hajeb P, Fauser P, Vorkamp K. Endocrine disrupting chemicals in indoor dust : A review of temporal and spatial trends, and human exposure. Science of The Total Environment 2023 ; 874 : 162374.
Corinne Mandin