ANALYSE D'ARTICLE

Statut en cuivre de l’organisme maternel et développement neuropsychologique des enfants jusqu’à l’âge scolaire

Participant à combler le manque de connaissance des effets du statut maternel en cuivre sur le développement du cerveau fœtal, cette analyse dans la cohorte de naissances espagnole INMA (Infancia y medio ambiante, environment and childhood) ouvre des pistes pour de futurs travaux.

Présent dans toutes les cellules de l’organisme, le cuivre participe à de nombreux processus biologiques : respiration cellulaire, défense anti-oxydante, formation de tissu conjonctif, synthèse de neurotransmetteurs, etc. La concentration intracellulaire de ce métal de transition par nature très réactif, donc potentiellement toxique, est finement régulée par le jeu de l’absorption digestive, du stockage/relargage hépatique et de l’élimination biliaire. Des anomalies de ce métabolisme entraînant une carence ou une surcharge sévères sont à l’origine de syndromes cliniques complexes à forte expression neurologique, comme dans la maladie de Menkes (défaut d’absorption du cuivre) et celle de Wilson (défaut d’élimination), dues à des mutations génétiques affectant respectivement les transporteurs entérocytaire et hépatique.

Le métabolisme du cuivre est associé à celui du fer – autre élément trace essentiel à faible marge toxique – via la céruloplasmine, la protéine de transport plasmatique du cuivre. Chargée de son ligand, elle développe une activité ferroxidase qui augmente le degré d’oxydation du fer et le rend acceptable par sa propre protéine de transport (la transferrine).

L’importance de l’homéostasie du cuivre pour le bon développement du cerveau fœtal a été mise en évidence expérimentalement (chez le rat), mais les études chez l’homme sont encore très rares. Au sein du projet INMA, les participantes du centre de Valence ont eu une détermination de leur statut en cuivre, ainsi qu’en fer, zinc et sélénium au premier trimestre de la grossesse (échantillon de sérum prélevé à 12,7 semaines d’aménorrhée en moyenne [écart-type : 0,7 semaine]). Les données du sélénium ont servi à une première investigation montrant une relation en U inversé entre les concentrations maternelles et le développement mental et psychomoteur du nourrisson, évalué aux alentours de 12 mois (âge moyen : 12,3 mois [± 0,7]) sur l’échelle de Bayley (Bayley Scales of Infant Development [BSID]). Cette deuxième investigation, focalisée sur le cuivre, intègre l’étape d’évaluation cognitive à l’âge de 5-6 ans (en moyenne 5,8 ans [± 0,16]) sur l’échelle de McCarthy (McCarthy Scales of Children's Abilities [MSCA]).

Principaux résultats

La concentration sérique du cuivre était disponible pour 656 participantes et sa valeur moyenne était de 1 606 μg/l (± 272). L’analyse multivariée met en évidence quatre déterminants des concentrations (associations positives) : l’âge maternel, l’indice de masse corporelle (IMC) de pré-grossesse, la parité et l’âge gestationnel au moment de l’échantillonnage.

La relation entre le statut maternel en cuivre et le développement de l’enfant a été examinée pour les deux composantes du BSID (le score de développement mental et le score psychomoteur) dans une population de 651 enfants, et pour chaque domaine exploré par le MSCA (capacités verbales, visuo-perceptives, numériques, exécutives, motrices et mnésiques) dans une population finale de 490 enfants. La modélisation (modèles additifs généralisés) tenait compte d’un grand nombre de variables dont le sexe de l’enfant, l’âge et l’IMC maternels, la parité, le pays de naissance de la mère, son quotient intellectuel, sa classe sociale, son emploi et son tabagisme durant la grossesse, le niveau d’étude parental le plus élevé, le niveau d’urbanisation résidentiel, l’allaitement et le mode de garde du nourrisson.

L’allure de la relation est généralement en U ou en J (inversés et plus ou moins marqués), sauf pour le score de développement mental à 12 mois et le score verbal à 5-6 ans pour lesquels la relation est dose-linéaire et négative. L’analyse de régression donne un coefficient ß égal à -0,051 (IC95 : -0,102 à -0,001) pour l’association avec le score de développement mental (p = 0,045), et égal à -0,044 (-0,094 à 0,006 ; p = 0,086) pour l’association avec le score verbal.

L’exclusion des naissances prématurées (n = 33) ou de faible poids (n = 35) ne modifie pas les résultats.

Analyses secondaires

Des analyses exploratoires à la recherche d’un effet modificateur du sexe ou du statut maternel en fer, zinc et sélénium ont été réalisées. Les premières suggèrent que le cerveau d’un fœtus masculin pourrait être plus sensible à la toxicité du cuivre : l’association avec le score de développement mental à 12 mois est portée par les résultats chez les garçons (ß = -0,114 [-0,185 à -0,043] versus ß = 0,015 [-0,058 à 0,087] chez les filles ; p [interaction] = 0,040). Un effet modificateur du sexe n’est pas retrouvé au MSCA.

À l’inverse, un effet du statut maternel en fer n’est observé que sur l’évaluation à 5-6 ans : les performances dans tous les domaines sauf la manipulation des nombres et des sous-domaines moteurs et mnésiques (motricité fine et mémoire de travail) sont moins bonnes pour un fer sérique maternel dans le premier tertile (< 938 μg/l) par rapport à une valeur supérieure. Aucun effet significatif du statut en zinc ou en sélénium n’est mis en évidence.

D’autres études du même type sont nécessaires pour confirmer ces résultats et fournir de nouveaux éclairages.


Publication analysée :

* Amoros R1, Murcia M, Gonzalez L, et al. Maternal copper status and neuropsychological development in infants and preschool children. Int J Hyg Environ Health 2019 ; 222 : 503-512. doi: 10.1016/j.ijheh.2019.01.007

1 School of Mathematics, University of Edinburgh, Edimbourg, Royaume-Uni.