ANALYSE D'ARTICLE

Développement des nouveau-nés exposés à la marijuana in utero. Revue systématique et méta-analyse

Contexte

La légalisation de la marijuana à visée récréative dans certains pays pourrait faire augmenter sa consommation pendant la grossesse. Par ailleurs, les études montrent que 34 à 60 % des personnes qui consomment de la marijuana continuent à le faire pendant la grossesse. Or, certaines études tendent à montrer des effets indésirables de cette consommation sur le développement du nouveau-né, mais tous les résultats ne vont pas tous dans le même sens.

Les effets sur le nouveau-né sont plausibles pour différentes raisons. D’une part, la molécule psychoactive présente dans le cannabis, appelée Δ9-tétrahydro-cannabinol, traverse le placenta et peut être retrouvée chez l’adulte pendant 30 jours après la consommation. Par ailleurs, les récepteurs aux cannabinoïdes sont présents dans le système nerveux central d’un fœtus en développement dès le début du deuxième trimestre. Cela explique que le cannabis peut induire des effets sur le cortex préfrontal du fœtus et, théoriquement, des effets sur son développement et son fonctionnement.

Objectif

Évaluer les données disponibles sur les caractéristiques des nouveau-nés exposés à la marijuana in utero.

Méthodes

Une extraction des bases de données PubMed, Medline, ClinicalTrials.gov, Cochrane, Scopus et Web of Science a été effectuée, et les données accumulées entre la création de chaque base de données et le 16 août 2021 ont été analysées.

Sélection des études

Ont été incluses toutes les études interventionnelles et observationnelles incluant des femmes enceintes exposées pendant leur grossesse à la marijuana comparées à des femmes non exposées, à condition que ces études comportent des résultats sur la santé des nouveau-nés.

Extraction et synthèse des données

Les fiches descriptives de chaque étude ont été établies conformément aux « Preferred Reporting Items for Systematic Reviews and Meta-analyses Guideline ». Les données ont été extraites par deux auteurs, et ont été regroupées à l’aide d’un modèle à effets aléatoires sous forme de différence de moyenne ou de rapport de risque (RR) avec intervalle de confiance (IC) à 95 %. Les données ont été analysées entre août et septembre 2021.

Tous les résultats ont été obtenus et rapportés avant la collecte des données utilisées pour la méta-analyse. On a recherché pour les nouveau-nés :

  • le taux de poids de naissance inférieurs à 2 500 g ;
  • le taux de retards de croissance intra-utérins (RCIU), définis comme suit : poids inférieur au cinquième percentile du poids fœtal pour l’âge gestationnel ;
  • le taux d’accouchements prématurés (définis comme étant survenus avant 37 semaines d’aménorrhée) ;
  • l’âge gestationnel au moment de l’accouchement ;
  • le poids de naissance ;
  • la notion de transfert en unité de soins intensifs ;
  • le score d’Apgar à 1 minute, à 5 minutes ;
  • le taux de score d’Apgar inférieur à 7, à 5 minutes ;
  • le périmètre crânien ;
  • la taille.

Résultats

L’analyse de 16 études incluant au total 59 138 patients montre une augmentation significative de sept types d’effets indésirables chez les femmes qui avaient consommé de la marijuana pendant leur grossesse en comparaison de celles qui n’en avaient pas consommé.

Il s’agissait notamment d’un risque accru de petit poids de naissance (inférieur à 2 500 g), (RR : 2,06 [IC 95 % : 1,25 à 3,42] ; p = 0,005), de RCIU (RR : 1,61 [IC 95 % : 1,44 à 1,79] ; p < 0,001), d’accouchement prématuré (RR : 1,28 [IC 95 % : 1,16 à 1,42] ; p < 0,001) et de transfert en unité de soins intensifs (RR : 1,38 [IC 95 % : 1,18 à 1,62] ; p < 0,001), ainsi qu’une diminution du poids moyen à la naissance (différence moyenne – 112,30 g [IC 95 % : – 167,19 à – 57,41] ; p < 0,001), du score d’Apgar à 1 minute (différence moyenne – 0,26 [IC 95 % : – 0,43 à – 0,09] ; p = 0,002), et du périmètre crânien (différence moyenne – 0,34 cm [IC 95 % : – 0,63 à – 0,06] ; p = 0,02).

Conclusions et intérêt de l’étude

Cette étude montre que les femmes exposées à la marijuana pendant la grossesse présentent un risque significativement accru pour le développement du nouveau-né. On peut penser que des campagnes de sensibilisation à ces risques pourraient permettre la diminution de la consommation de marijuana par les femmes enceintes et l’amélioration de la santé des enfants.

Commentaire

Les campagnes récentes en faveur de la légalisation de la vente de cannabis comportent un risque important, celui de faire croire à l’innocuité de ce produit. Si, comme le disent les auteurs de cet article en introduction, les études sur les effets de la consommation de marijuana pendant la grossesse ne sont pas toutes convergentes, la majorité d’entre elles, et cette méta-analyse le prouve, montre des effets indésirables sur l’enfant en développement. Aucun niveau de consommation de cannabis durant la grossesse et l’allaitement n’est sans risque. Des travaux récents ont étudié l’effet conjoint du tabac et de la marijuana in utero sur les nouveau-nés devenus adultes, et ils ont montré chez eux un risque important de transfert intergénérationnel du risque de consommation de substances et de dépendance, avec ses conséquences sur les risques accrus de violence des adolescents et d’échec scolaire. Ces résultats doivent conduire à des campagnes de sensibilisation des femmes enceintes et allaitantes.


Publication analysée :

Analyse de l’article : Birth outcomes of neonates exposed to marijuana in utero. A systematic review and meta-analysis.

Marchand G, Masoud AT, Govindan M, et al. Birth outcomes of neonates exposed to marijuana in utero. A systematic review and meta-analysis. JAMA Network Open 2022 ; 5 : e2145653. Doi : 10.1001/ jamanetworkopen.2021.45653.