ANALYSE D'ARTICLE

Effets cardiovasculaires aigus des PM2,5 : focus sur la fraction métallique soluble

Contribuant à l’effort d’identification des composants des PM2,5 responsables de leur toxicité cardiovasculaire, cette étude dans la région métropolitaine d’Atlanta (États-Unis) rapporte une relation entre leur richesse en fer hydrosoluble et le nombre des passages aux urgences.

L’épidémiologie indiquant un impact variable de l’exposition aux particules fines sur la morbi-mortalité cardiovasculaire selon leur composition chimique, l’heure est à la recherche des substances gouvernant les associations observées au sein du mélange complexe de matières organiques et inorganiques des particules. Bien que les composés individuellement désignés diffèrent d’une étude à l’autre, l’ensemble soutient l’implication des fractions carbonée et métallique des PM2,5 dans les événements aigus. Les métaux de transition comme le fer (Fe), le cuivre (Cu), le vanadium (V) et le manganèse (Mn) retiennent particulièrement l’attention en tant que catalyseurs de réactions d’oxydoréduction produisant le radical hydroxyl, espèce réactive de l’oxygène très agressive pour les macromolécules biologiques.

 

Seuls les ions métalliques en solution peuvent participer à ces réactions, or les métaux et métalloïdes contenus dans les particules existent sous diverses formes plus ou moins solubles dans les fluides biologiques. S’il apparaît pertinent de prendre en compte la fraction hydrosoluble, la plus bioaccessible, du contenu métallique des PM2,5 dans les investigations de leurs effets cardiovasculaires aigus, les données adéquates sont rarement disponibles. Les sites de surveillance de la qualité de l’air effectuant la spéciation chimique des particules mesurent en routine les concentrations totales des éléments métalliques, pas leurs concentrations solubles. Sur une dizaine d’études des corrélations entre les admissions hospitalières pour motif cardiovasculaire et les niveaux de concentration des composés métalliques des PM2,5 précédemment publiées, une seule a intégré les concentrations hydrosolubles des Cu, Fe, V, nickel (Ni) et zinc (Zn) directement mesurées pendant une année.

Étude de grande ampleur à Atlanta

Pour cette investigation au sein de l’étude SOPHIA (Study of Particles and Health in Atlanta) en cours, les auteurs ont disposé, selon les polluants, de cinq à 15 années de mesure de leurs concentrations dans l’air ambiant échantillonné à la station centrale d’Atlanta incluse dans le réseau SEARCH (South Eastern Aerosol Research and Characterization Network).

La période d’observation totale allait du 14 août 1998 au 15 décembre 2013 pour le monoxyde de carbone (CO), le dioxyde d’azote (NO2), le dioxyde de soufre (SO2), l’ozone (O3), les PM2,5 et 11 de leurs composants (dont le carbone organique [CO], le carbone élémentaire [CE], les ions sulfates [SO4], nitrates et ammonium contribuant à 80 % de leur masse totale, ainsi que le silicium, le potassium, le calcium, le Zn [total] et le Fe [total et hydrosoluble]). Quinze composés inorganiques supplémentaires des PM2,5 ont été mesurés à partir du 7 avril 2008, dont les fractions hydrosolubles de 11 éléments métalliques (Cu, Ni, Zn, V, chrome, manganèse, arsenic, sélénium, cadmium, baryum et plomb), déterminées quotidiennement jusqu’en 2009, puis un jour sur trois.

Les relations entre les concentrations atmosphériques de chaque polluant et le compte des passages aux urgences pour motif cardiovasculaire dans le noyau des cinq comtés de l’aire urbaine d’Atlanta ont été examinées selon une approche de séries temporelles sans décalage de temps. Les codes diagnostiques considérés (Classification internationale des maladies, version 9) couvraient les cardiopathies ischémiques, les troubles du rythme, l’insuffisance cardiaque, ainsi que les maladies vasculaires périphériques et cérébrovasculaires. Des modèles mono- et bipolluants ont été utilisés, les tendances temporelles et les conditions météorologiques étant également contrôlées. Les associations sont exprimées en termes de rate ratio (RR) par augmentation d’un intervalle interquartile (IIQ) de la concentration des polluants.

Effet apparent du fer soluble

Seuls les jours de mesure de tous les polluants durant la période 2008-2013 ont été retenus (n = 628), ce qui a restreint à 3 303 le nombre de jours analysables pour les polluants quotidiennement mesurés sur la période totale, dont 1 737 jours en saison chaude (mai-octobre) et 1 566 en saison froide (novembre-avril). L’analyse du jeu complet indique des effets du niveau des quatre polluants gazeux, des PM2,5 et de plusieurs de leurs composants : CO, CE, nitrates, calcium, fer total et fer soluble pour lequel l’association est la plus forte (RR [IIQ = 20,46 ng/m3] égal à 1,012 [IC95 : 1,005-1,019]). L’estimation est robuste à l’intégration dans le modèle d’un deuxième polluant quelconque. En revanche, avec un modèle bipolluant tenant compte des concentrations du fer soluble, les effets des autres composants des PM2,5 (incluant le fer total) et de leur concentration massique sont atténués ou annulés. Les analyses séparées selon la saison aboutissent à des résultats similaires : effet prédominant du fer soluble, peu sensible à l’ajustement sur les niveaux des co-polluants, et confondant pour les autres associations, qui sont surtout observées en saison froide.

Parmi les composants des PM2,5 mesurés seulement entre 2008 et 2013, le vanadium hydrosoluble est le seul significativement associé aux urgences cardiovasculaires : RR (IIQ = 0,19 ng/m3) = 1,012 (1-1,025). L’effet estimé du fer soluble sur cette période (RR = 1,014 [0,988-1,041]) est du même ordre que précédemment et peu modifié quand le niveau d’un autre métal est contrôlé.

Origines possibles

Si la combustion de bois et d’hydrocarbures fossiles, l’incinération de déchets et divers processus industriels ou naturels comme l’abrasion de la croûte terrestre sont des sources d’émission de métaux, une récente investigation à Atlanta retient principalement pour le fer hydrosoluble la contribution du trafic routier qui remet en suspension les poussières de route chargées de débris d’usure mécanique (systèmes de freinage en particulier), et celle de sulfates corrosifs dans le mélange des polluants. L’hypothèse d’une attaque acide du métal conduisant à la formation secondaire de particules très fines et hydrosolubles est soutenue par deux données de cette étude. La première est le niveau de corrélation entre les concentrations du fer soluble et celles du fer total (r = 0,64) et du SO4 (r = 0,61) sur l’ensemble de la période d’observation. La seconde est la superposition des tendances évolutives saisonnière et à long terme des concentrations du fer soluble et du SO4, alors que celles du fer total ne dessinent pas de tendance nette. Les concentrations du fer soluble apparaissent calées sur celles du SO4 marquées par des pics estivaux et une diminution régulière à partir de 2008 résultant du contrôle des émissions de SO2 des centrales de production d’électricité à charbon et de leur remplacement progressif par des installations moins polluantes.

Ces données illustrent la manière dont des interactions complexes entre polluants peuvent affecter le niveau de dangerosité des PM2,5 et la nécessité de cibler plusieurs sources pour le réduire.


Publication analysée :

* Ye D1, Klein M, Mulholland JA, et al. Estimating acute cardiovascular effects of ambient PM2.5 metals. Environ Health Perspect 2018 ; 126 : 027007. doi : 10.1289/EHP2182

1 Department of Environmental Health, Rollins School of Public Health, Emory University, Atlanta, États-Unis.