ANALYSE D'ARTICLE

Exposition au trafic et syndrome du bâtiment malsain à Pékin

Les résultats de cette enquête auprès d’habitants de Pékin indiquent que l’exposition résidentielle au trafic routier favorise la survenue de symptômes de la liste de ceux du syndrome du bâtiment malsain. Ils engagent à mener des études plus approfondies pour confirmer et mieux estimer l’effet du trafic et de ses composantes bruit et pollution atmosphérique à côté d’autres facteurs, personnels et liés au logement.

The results of this survey of Beijing citizens indicate that residential exposure to road traffic contributes to the onset of symptoms associated with sick building syndrome. They call for more detailed studies to confirm and more accurately estimate the effects of traffic and its accompanying noise and air pollution when added to other personal and housing-related factors.

L’augmentation récente et rapide de l’incidence du syndrome du bâtiment malsain (SBM) en Chine évoque la responsabilité de changements environnementaux et incite à examiner le rôle de l’exposition au trafic routier, qui croît au rythme soutenu de l’urbanisation du pays.

Cette enquête à Pékin est l’un des premiers travaux sur ce sujet.

 

Recueil et traitement des données

L’enquête a été réalisée en marge de la China, Children, Homes and Health (CCHH) study à laquelle participent les écoles maternelles de 11 districts de Pékin. Les enseignants ont distribué des questionnaires aux accompagnateurs des enfants et assuré la collecte des retours. Le taux de participation a été de 65 % (5 487 questionnaires). Les répondants étaient majoritairement des femmes (77 %) et les parents des enfants (94 %), sinon leurs grands-parents.

Le questionnaire interrogeait sur la fréquence, au cours des trois derniers mois, de 12 symptômes du SBM : cinq symptômes généraux (fatigue, sensation de tête lourde, maux de tête, vertiges ou nausées, difficultés de concentration), quatre signes d’irritation des muqueuses (nez bouché ou qui coule, démangeaison des yeux, enrouement ou gorge sèche, toux) et trois symptômes cutanés (peau du visage rouge ou sèche, desquamation ou démangeaisons du cuir chevelu ou des oreilles, sécheresse, rougeur ou démangeaisons des mains). Trois réponses étaient possibles : la plupart du temps, parfois, ou jamais, comptant respectivement pour 2, 1 et 0 points. Trois scores (de symptômes généraux, muqueux et cutanés) ont été établis, la valeur médiane dans la population entière a été déterminée, et les scores individuels ont été classés « bas » s’ils étaient inférieurs à la médiane ou « élevés » s’ils lui étaient supérieurs. La fatigue était le symptôme le plus fréquent (présente la plupart du temps pour 16 % des personnes interrogées et parfois pour 57 %). Respectivement 39,4 %, 35,1 % et 43,4 % des sujets présentaient des scores généraux, muqueux et cutanés élevés.

L’exposition au trafic routier était évaluée par la réponse (oui/non) à la question : « Habitez-vous à moins de 200 m d’une route majeure (autoroute, artère urbaine) ? » La relation entre l’exposition résidentielle au trafic et un score général, muqueux ou cutané élevé a été recherchée par une analyse univariée. L’influence d’autres variables a également été examinée, sur la base des facteurs de risque de SBM ou des facteurs protecteurs rapportés dans la littérature : le sexe, la génération (parents ou grand-parents), l’exposition à la fumée de tabac environnementale, le statut de propriétaire ou de locataire du logement, la date de construction de l’immeuble, l’utilisation d’un système de purification de l’air, et la fréquence d’ouverture des fenêtres en hiver.

 

Facteurs associés au SBM

Le fait de vivre à proximité d’une route majeure apparaît être un facteur de risque de score élevé pour les trois types de symptômes : généraux (odds ratio [OR] = 1,40 [IC95 = 1,24-1,59]), muqueux (OR = 1,46 [1,29-1,66]) et cutanés (OR = 1,48 [1,31- 1,68]). Les associations sont robustes à l’ajustement sur les autres variables : l’analyse multivariée donne des odds ratio égaux à 1,39 (IC95 = 1,21-1,59) pour le score général, 1,48 (1,29-1,70) pour le score muqueux, et 1,42 (1,24-1,63) pour le score cutané.

Un lien entre l’exposition au trafic – à la fois source de pollution de l’air intérieur et de bruit résidentiel – et les symptômes du SBM est plausible. Il nécessite toutefois d’être confirmé par des études dans lesquelles l’exposition est évaluée de manière plus précise et objective, en utilisant par exemple le géocodage des adresses et les bases de données du trafic, à Pékin ou dans d’autres villes chinoises confrontées aux mêmes problèmes liés à l’urbanisation rapide.

Deux autres facteurs de risque, déjà identifiés dans la littérature, sont retrouvés associés aux symptômes du SBM : le sexe féminin et l’exposition à la fumée de tabac. Les associations sont significatives pour les symptômes généraux (OR = 1,44 [1,25-1,65] et 1,13 [1,02-1,25] respectivement) ainsi que pour les symptômes cutanés (OR = 1,38 [1,20-1,58] et 1,20 [1,07-1,33]).

Deux facteurs protecteurs sont mis en évidence : le fait d’être propriétaire de son logement (en accord avec les résultats de précédentes études) et la génération « grands-parents », le risque de score élevé étant diminué pour les trois types de symptômes par rapport à la génération « parents » : OR égaux à 0,37 (IC95 = 0,25-0,54) pour le score général, 0,59 (0,41-0,84) pour le score muqueux, et 0,51 (0,36-0,72) pour le score cutané dans l’analyse multivariée. Les études antérieures n’avaient pas montré d’effet de l’âge, mais le SBM a principalement été étudié chez des personnes en activité professionnelle. Des données plus précises (âge, niveau d’études, de revenus, socioéconomique, statut actif ou retraité, pression psychosociale) seraient nécessaires pour explorer et comprendre l’influence du facteur générationnel.

Concernant les variables propres au logement, l’étude montre une plus forte prévalence de scores de SBM élevés dans les immeubles construits entre 1981 et 2005 par rapport aux immeubles plus récents, ainsi que dans les logements équipés d’un système de purification de l’air. Les personnes souffrant de symptômes de SBM achètent peut-être plus volontiers un tel dispositif, ce que l’enquête ne permet pas d’affirmer, la question de la raison de l’achat n’ayant pas été posée. Une ouverture fréquente (réponse : « toujours ») ou occasionnelle (« parfois ») des fenêtres en hiver réduit le risque par rapport à l’absence d’ouverture des fenêtres (« jamais »). La littérature indique qu’un taux de ventilation faible et des signes d’humidité dans le logement sont des facteurs de risque de SBM. D’un autre côté, l’ouverture des fenêtres laisse entrer les polluants et le bruit générés par le trafic. Son effet nécessite d’être mieux étudié par le recueil de données plus précises sur la fréquence et la durée de l’aération du logement.

 

Laurence Nicolle-Mir

 

Publication analysée :

Li L, Adamkiewicz G, Zhang Y, Spengler J, Qu F, Sundell J. Effect of traffi c exposure on sick building syndrome symptoms among parents/grandparents of preschool children in Beijing, China. PLoS ONE 10(6): e0128767.

Department of Environmental Health, Harvard School of Public Health, Boston, États-Unis.

doi : 10.1371/journal.pone.0128767