ANALYSE D'ARTICLE

Exposition prénatale aux phtalates, vulnérabilité génétique via le stress oxydant et développement neurologique précoce de l’enfant

Contexte

L’exposition aux phtalates pendant la période prénatale pourrait affecter le développement cérébral du fœtus par différents mécanismes physiopathologiques, et en particulier via un stress oxydant. Cependant, les résultats des cohortes de naissances qui permettent de tester ce mécanisme sont contradictoires.

L’étude présentée vise à rechercher, d’une part, des interactions entre le niveau d’exposition maternelle aux phtalates pendant la grossesse, la vulnérabilité génétique du nourrisson vis-à-vis du stress oxydant et le neurodéveloppement de l’enfant et, d’autre part, les effets d’expositions combinées aux divers oxydants possibles.

Méthodes

Entre juin 2010 et juin 2013, une cohorte de 1 074 paires mère-enfant a été constituée dans l’État de Victoria, en Australie. Dix des grossesses étaient gémellaires. Ont été exclues les naissances avant 32 semaines et les cas de maladies sévères de la mère ou de l’enfant.

Un questionnaire complet a été administré aux parents, et des mesures cliniques et biologiques ont été collectées en période prénatale et à la naissance, puis lorsque l’enfant était âgé de 4 semaines, 3, 6, 9, 12 et 18 mois, et enfin lorsqu’il avait atteint 2 et 4 ans.

Les urines des 1 064 femmes recrutées en cours de grossesse ont été recueillies à 36 semaines d’aménorrhée et les concentrations en métabolites des phtalates ont été mesurées. Par ailleurs, un score génétique non pondéré pour le stress oxydant a été établi en utilisant une approche de gènes candidats. Enfin, le développement cognitif à l’âge de 2 ans a été évalué à l’aide du test BAYLEY-III (n = 678).

Les parents ont rempli des questionnaires destinés à rechercher chez leurs enfants des troubles du spectre autistique (TSA) et à rechercher des signes d’inattention ou de manque d’attention (n = 791).

Les questionnaires ont permis de recueillir plus de 1 500 mesures concernant les nourrissons, les mères et les pères [1]. À 2 et 4 ans, 810 et 847 enfants ont été examinés, avec des mesures concernant le neurodéveloppement pour 678 et 791 respectivement.

Les analyses ont été menées avec des régressions linéaires et logistiques multiples.

Résultats

Des TSA ont été diagnostiqués par un médecin dans 1,4 % des cas, et des signes de TSA dans 4,9 % des cas.

Des valeurs augmentées pour les phtalates maternels en période prénatale et pour les scores génétiques de stress oxydant ont été corrélées à l’observation de TSA chez l’enfant plus grand.

L’étude de cette cohorte de naissances a permis d’évaluer à la fois les polymorphismes génétiques correspondant à une vulnérabilité au stress oxydant, mais aussi l’impact de facteurs environnementaux oxydants tels que les phtalates. Des niveaux de phtalates prénataux plus élevés et un score génétique de stress oxydant augmenté chez le nourrisson ont été corrélés à un doublement du risque de TSA. Les mêmes facteurs de risque ont été associés à un retard du développement cognitif et au syndrome de déficit de l’attention/hyperactivité (TDAH).

D’autres facteurs oxydants présumés, comme l’exposition prénatale au tabac, induisent un risque encore accru.

Les expositions combinées ont des effets plus sévères, ce qui souligne la nécessité de réévaluer les recommandations actuelles et la réglementation en ce qui concerne l’exposition maternelle aux phtalates pendant la grossesse.

Commentaire

Cette étude est un exemple de plus de la recherche d’interactions entre facteurs génétiques et environnementaux sur le développement de l’enfant.

Parmi les limites de cette étude, il faut souligner que le score utilisé comme indicateur de vulnérabilité génétique au stress oxydant n’est pas validé. Par ailleurs, le diagnostic de TSA est porté dans très peu de cas (1,4 %), à partir d’un examen médical. Il y a en revanche beaucoup plus de cas de simples composantes du spectre autistique (4,9 %), mais ces signes sont basés sur les déclarations des parents et souvent associés à des niveaux socioéconomiques faibles. Par ailleurs, l’évaluation de ce développement a été faite huit fois entre la naissance et 4 ans pour chaque enfant. Or, arrêter le suivi des enfants à 4 ans fait courir le risque de manquer des diagnostics de troubles neurologiques. Ces limites réduisent la fiabilité des résultats, mais cette étude a des résultats convergents avec d’autres études antérieures, et justifie l’application du principe de précaution, à savoir limiter l’exposition aux phtalates des femmes enceintes et des jeunes enfants.

  • [1] Vuillermin P., Saffery R., Allen K.J. Cohort profile: The Barwon Infant Study. Int J Epidemiol. 2015;44:1148-1160. 4

Publication analysée :

* Ponsonby AL, Symeonides C, Saffery R, et al. BIS Investigator Group. Prenatal phthalate exposure, oxidative stress-related genetic vulnerability and early life neurodevelopment: A birth cohort study. Neurotoxicology 2020 ; 80 : 20-28. Doi : 10.1016/j.neuro.2020.05.006.