ANALYSE D'ARTICLE

Les facteurs de risque d’obésité infantile : un vaste champ d’investigation

Passant en revue les récents travaux sur les causes possibles de l’augmentation de la prévalence de l’obésité infantile, les auteurs de cet article relèvent des progrès dans plusieurs domaines. Mais les études restent trop focalisées sur l’impact d’éléments isolés de l’environnement de vie de l’enfant. La recherche doit s’ouvrir aux interactions complexes entre facteurs de multiple nature, envisagés ici sous deux catégories : les « stresseurs » chimiques et non chimiques.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) évaluait à 40 millions le nombre d’enfants d’âge préscolaire en surpoids ou obèses en 2008. Vingt millions de plus étaient attendus à l’horizon 2020. Aux États-Unis d’où provient cet article, la prévalence de l’obésité chez les enfants et les adolescents était de 17 % en 2012, deux fois plus élevée qu’il y a 30 ans.

À quoi est due cette « épidémie » d’obésité infantile et comment l’enrayer ?

L’accumulation de masse grasse semble résulter de l’interaction de nombreux facteurs, génétiques, métaboliques, comportementaux et environnementaux. Plaidant pour un engagement multisectoriel (santé, éducation, agriculture, commerce, industrie, finance, etc.), l’Organisation des Nations unies (ONU) estime que le problème de l’obésité infantile ne peut être résolu que par une combinaison d’interventions adaptée à la zone géographique et à la population cible. Il s’agit de considérer l’enfant dans son lieu de vie, là où il grandit, joue et apprend. Là où s’exercent de multiples influences qui peuvent altérer son bien-être et sa santé.

Une myriade de « stresseurs » peut être envisagée. Les auteurs de cette revue de la littérature épidémiologique récente (234 articles en langue anglaise publiés dans des revues à comité de lecture entre janvier 2004 et juillet 2014) ont choisi de distinguer les stresseurs chimiques qui ont récemment fait irruption dans ce domaine de recherche (le terme d’« obésogène » date de 2006) de tous les autres, relevant des comportements individuels et des facteurs familiaux, sociaux et communautaires. Au-delà d’un panorama des facteurs étudiés, l’article s’attache à la façon dont les travaux ont été menés, examinant leur adéquation avec la conception holistique actuelle de l’obésité.

Aperçu d’ensemble

Deux-tiers des publications sélectionnées traitent d’autres sujets que l’exposition à des agents chimiques potentiellement obésogènes.

L’étude de la relation entre l’obésité infantile et l’alimentation a bénéficié d’efforts de recherche selon plusieurs axes incluant la prise en compte de la période prénatale (alimentation maternelle), de l’influence des publicités, du type de restauration de proximité et de la consommation de produits particuliers (boissons sucrées, plats industriels et autre « junk food »). Le rôle de l’activité est également mieux exploré, en prenant en compte le sexe de l’enfant, son environnement domestique et résidentiel, des critères socio-économiques, les incitations sociales et l’usage des produits technologiques. La recherche intègre un troisième facteur important pour la santé de l’enfant, qui influence le risque d’obésité : le sommeil. Renvoyant au matériel supplémentaire qui présente les résultats de toutes les études considérées, les auteurs en tirent la conclusion que ni l’augmentation des apports caloriques, ni la diminution du niveau d’activité physique ou de la durée du sommeil ne peuvent, à elles seules, expliquer l’augmentation de la prévalence de l’obésité infantile.

L’article expose ensuite les recherches sur l’influence de facteurs socio-économiques, psychosociaux, ainsi que des expositions pré- ou postnatales que l’enfant ne peut éviter, principalement le tabagisme parental. Comme pour l’alimentation, l’activité et le sommeil, la littérature contient, pour chaque « stresseur » familial et social, des études montrant qu’il est associé au risque d’obésité, mais aussi des travaux apportant des éléments contradictoires. Par exemple, les études dans des populations d’Amérique du Nord et d’Europe établissent une relation inverse entre le niveau socio-économique et l’obésité, qui s’explique par un meilleur accès des enfants des milieux favorisés à une alimentation saine et à des activités physiques de loisir attractives. Cette relation n’est pas évidente dans deux études brésiliennes : elle dépend du sexe pour l’une, tandis que l’autre ayant suivi des enfants jusqu’à l’âge de 15 ans montre que le surpoids tend à être plus répandu dans les deux sexes chez les enfants des quartiers riches.

La contribution de l’environnement bâti et naturel est généralement examinée sous l’angle des facteurs favorables ou défavorables à l’activité physique (récréative ou sur le trajet domicile-école) et à des choix alimentaires sains. Les travaux récents prennent en compte les infrastructures, les distances et la sécurité (réelles ou perçues), et parfois ce qui est proposé dans l’établissement scolaire. Là encore, certaines études rapportent des résultats qui contredisent ou tempèrent la tendance dominante, indiquant la complexité du sujet de recherche et empêchant une conclusion générale, sinon qu’il est illusoire d’attendre qu’émerge un unique responsable de « l’épidémie » d’obésité infantile.

Focus sur les obésogènes

L’hypothèse d’un environnement chimique obésogène est née de travaux de laboratoire qui produisent des résultats (y compris transgénérationnels) dans des délais relativement rapides. En regard, les études prospectives spécifiquement conçues pour prouver ou réfuter le lien de cause à effet entre une exposition chimique pré- ou postnatale et l’obésité infantile débutent. Dans l’immédiat, ce sont essentiellement des analyses transversales qui fournissent des informations partielles.

La question des obésogènes englobe celles des fenêtres de sensibilité au cours du développement de l’individu et des impacts sur sa vie ultérieure d’expositions très précoces. Elle recouvre également la notion d’exposition cumulée à des substances présentes dans plusieurs milieux environnementaux, qui agissent sur une voie métabolique commune. Elle porte le développement de nouvelles méthodes de recherche, mais fait encore l’objet de désaccords au sein de la communauté scientifique quant à l’attention qui doit être portée à diverses familles chimiques, incluant les retardateurs de flamme, les polychlorobiphényles, les composés perfluorés, les pesticides, le bisphénol A, les phtalates, les métaux et les mélanges de polluants atmosphériques. L’article résume les données des études relatives aux quatre dernières catégories, qui sont les plus indicatives d’un lien avec l’obésité, le reste étant traité en matériel supplémentaire.

Les auteurs insistent sur la nécessité d’examiner l’influence de l’exposition à des agents chimiques au plus près des conditions de vie réelles de l’enfant. À ce titre, ils soulignent l’intérêt de trois cohortes de naissances (CHAMACOS aux États-Unis [Californie], la cohorte nationale danoise et celle d’Ulm en Allemagne) qui ont intégré l’exposition à de nombreux facteurs (incluant : alimentation, activité, temps passé devant la télévision et fumée de tabac environnementale) et tenu compte de covariables socio-économiques, ainsi que du poids de naissance et de la mère. Mais elles présentent une limite commune : seule l’exposition prénatale aux agents chimiques considérés (polluants organiques persistants ou bisphénol A) a été mesurée (sang maternel ou du cordon) ; l’exposition durant l’enfance aurait mérité un suivi.


Publication analysée :

* Lichtveld K1, Thomas K, Tulve NS. Chemical and non-chemical stressors affecting childhood obesity: a systematic scoping review. J Exp Sci Environ Epidemiol 2018 ; 28 : 1-12. doi : 10.1038/jes.2017.18

1 ORISE Post-Doctoral Participant, U.S. Environmental Protection Agency, Office of Research and Development, National Exposure Research Laboratory, Research Triangle Park, États-Unis.