ANALYSE D'ARTICLE

Lien entre exposition pré- ou postnatale aux pesticides et obésité

Contexte

L’obésité a été définie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2014 comme une maladie chronique aux proportions épidémiques mondiales. Environ 13 % de la population mondiale actuelle est obèse, et depuis quelques années, la prévalence mondiale du surpoids et de l’obésité chez l’adulte et l’enfant a considérablement augmenté. Le mécanisme d’apparition de l’obésité est classiquement celui d’un déséquilibre entre les apports énergétiques et les dépenses. Cependant, il existe d’autres facteurs de risque, en particulier environnementaux, au premier rang desquels l’exposition à des produits chimiques comme les pesticides. Ils constituent un groupe hétérogène de composés qui sont libérés dans l’environnement au cours des activités agricoles pour lutter contre les parasites ou pour la chloration de l’eau. Ces produits chimiques sont des facteurs de risque de maladies liées à l’obésité, et les études les concernant utilisent souvent le concept d’exposome. Les pesticides pourraient agir comme des perturbateurs endocriniens (PE) susceptibles d’interférer avec l’activité hormonale et donc de perturber divers mécanismes de contrôle du poids.

Objectif

L’objectif principal de l’étude présentée, menée par des auteurs de plusieurs universités espagnoles, était de faire une revue systématique de la littérature concernant la recherche d’association entre exposition pré- et postnatale aux pesticides et obésité de l’enfant.

Méthodes

En tout, 25 études épidémiologiques et neuf études expérimentales publiées entre 2005 et 2021, en anglais, ont été analysées. L’exposition prénatale, périnatale et postnatale aux organophosphorés, aux organochlorés, aux pyréthrinoïdes, aux néonicotinoïdes et aux carbamates, ainsi que l’exposition combinée à ces pesticides a été examinée. Afin de sélectionner les études à analyser, un protocole de revue de la littérature a été élaboré, selon la méthode PRISMA-P (Preferred Reporting Items for Systematic Review and Meta-Analysis Protocols). Pour l’espèce humaine, les études de cohorte et des études transversales ont été retenues. Les études expérimentales analysées portaient sur les rongeurs, considérés comme de bons modèles pour reproduire le syndrome métabolique humain par des régimes riches en glucides et en graisses. Au vu de l’hétérogénéité entre les études humaines et animales, il n’a pas été possible de faire une méta-analyse. Il s’agit donc d’une revue descriptive et critique suivant un protocole précis, la sélection des articles ayant été faite par deux examinateurs qui ont ensuite recherché un consensus après discussion avec l’ensemble des auteurs. Des méthodes de recherche de biais ont été appliquées, et finalement le résultat est une interprétation qualitative et une analyse narrative de la littérature.

Résultats

Au total, 247 références ont été passées en revue et 116 articles ont été retenus pour lecture intégrale. Parmi ces derniers, les revues et les articles qui ne répondaient pas aux critères d’inclusion ont été supprimés. Enfin, neuf études animales (sept chez le rat et deux chez la souris) et 25 études humaines (23 cohortes et deux plans expérimentaux croisés) ont été incluses. Parmi les études humaines, trois ne concernaient que le sexe masculin et huit les deux sexes. Les autres études n’ont pas précisé le sexe des enfants dans les résultats. Les mesures anthropométriques étaient effectuées par des cliniciens, telles que le poids de naissance, l’indice de masse corporelle ou les mesures de l’adiposité comme l’accumulation de graisse corporelle ou la circonférence abdominale. De plus, d’autres paramètres liés à l’obésité ou au syndrome métabolique, tels que la leptine, l’IGF (insulin growth factor), l’insuline ou l’adiponectine, ont été mesurés au cours des premières années de vie.

Pour les études expérimentales, trois publications concernaient des mâles et six des groupes mixtes. La taille de l’échantillon par groupe variait de quatre à dix animaux. Sept études ont concerné des insecticides. Une étude a utilisé des herbicides (atrazine), une autre un fongicide (vinclozoline). Six études ont administré les produits par gavage et trois en sous-cutané.

Les pesticides les plus fréquemment analysés étaient les organochlorés (dichlorodiphényldichloroéthylène [DDE], dichlorodiphényltrichloroéthane [DDT]) et leurs métabolites, p,p0-DDE/p,p0-DDD et p,p0-DDT, l’hexachlorobenzène, et l’hexachlorocyclohexane. Le chlordécone a été mesuré dans une étude. D’autres pesticides comme les dichlorophénols et les pyréthrinoïdes ont été mesurés chacun dans une étude. Des organophosphorés ont été détectés par six métabolites non spécifiques et la somme de ces composés (métabolites du diéthylphosphate et du diméthylphosphate). L’exposition prénatale aux pesticides a été évaluée par la recherche de biomarqueurs dans le sang maternel pendant la grossesse dans le sang, dans les urines ou les deux. Certaines études ont mesuré l’exposition aux pesticides à l’accouchement dans le sang du cordon ou le sang maternel. L’exposition postnatale aux pesticides a été mesurée dans le sang, le lait maternel ou les urines.

Cette revue ne met pas clairement en évidence d’effet de l’exposition aux pesticides sur le poids. Les résultats sont contradictoires tant dans l’espèce humaine que chez les animaux de laboratoire, où les résultats dépendent de nombreux facteurs, notamment de la dose et de la voie d’administration, du sexe, de la durée du traitement et de l’espèce.

Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour progresser dans l’évaluation de l’impact des effets combinés de différents pesticides sur la santé humaine.

Commentaire

La multiplicité des pesticides étudiés, les différents protocoles inclus dans cette revue, et le fait d’inclure des études animales et humaines font qu’il n’est pas possible de conclure à l’existence claire d’une association entre exposition pré- ou postnatale et obésité des sujets. Les auteurs indiquent dans l’introduction que les études examinées se prêtent bien au travail sur la notion d’exposome, mais on ne retrouve pas cette notion dans la suite de l’article, sauf dans la conclusion, où on lit que ce domaine de recherche pourrait bénéficier de l’application de méthodes exposomiques qui permettraient d’obtenir des vues plus intégrées sur les effets combinés de multiples expositions à un phénotype particulier. Sans surprise, ils indiquent que d’autres recherches sont nécessaires pour mieux comprendre si les expositions répétées dans le temps ou les expositions à court terme aux pesticides pendant les périodes critiques du développement sont les plus importantes.


Publication analysée :

* Pinos H, Carrillo B, Merchán A, et al. Relationship between prenatal or postnatal exposure to pesticides and obesity: a systematic review. Int J Environ Res Public Health 2021 ; 18 : 7170. Doi : 10.3390/ijerph18137170.