Milieu de vie

Habitat

YearBook 2022

Fabien Squinazi (1),
Christian Feldmann (2)

1. Médecin biologiste,
Membre du Haut Conseil de la Santé Publique, Paris

2. Ingénieur du Conservatoire national des arts et métiers,
Consultant-REHVA Fellow

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Synthèse publiée le : 17/05/2022

SYNTHESE :
La ventilation des bâtiments en France

Les fines particules virales, émises lors de la parole ou d’un effort respiratoire par une personne infectée par le virus SARS-CoV-2, responsable de la maladie Covid-19, ont mis en exergue le rôle du renouvellement de l’air des locaux. L’apport d’air extérieur permet la dilution et l’élimination de ces particules virales qui restent longtemps en suspension dans l’air. Le rôle de la ventilation dans le bâtiment a ainsi pris une grande importance pour réduire les risques de transmission de virus ou d’autres agents infectieux aéroportés.

Les objectifs de la ventilation des locaux

La ventilation, par le renouvellement de l’air qu’elle génère, a pour objectifs, d’une part de préserver la santé des occupants et de maintenir des conditions propices aux activités, et d’autre part d’assurer la préservation du cadre bâti.

Dans un espace clos comme un logement, un établissement recevant du public ou des locaux tertiaires, l’air se charge de différentes substances liées au métabolisme humain (dioxyde de carbone ou CO2, vapeur d’eau, effluents) et aux émissions du bâti et des activités (utilisation de produits chimiques, produits de combustion, process divers).

La ventilation a pour objet d’introduire dans les locaux un débit d’air extérieur (appelé « air neuf ») suffisant pour maintenir les différents polluants à un niveau de concentration acceptable du point de vue sanitaire. L’intensité de cet apport d’air neuf est caractérisée par le taux de renouvellement d’air ainsi défini : Τ (h-1) = débit d’air neuf (m3/h)/volume du local (m3).

Les systèmes de ventilation

Le cas des locaux d’habitation

Le lien entre la santé des occupants d’un bâtiment d’une part, et la pratique du renouvellement de l’air d’autre part, s’établit progressivement au cours de la première moitié du XXe siècle. La lutte contre les risques d’intoxication au monoxyde de carbone, liés à la mauvaise combustion des appareils de chauffage placés à l’intérieur même des pièces d’habitation, sera l’une des motivations de l’administration à fixer un cadre réglementaire, alors que le renouvellement de l’air était assuré par le défaut d’étanchéité de l’enveloppe du bâtiment et des fenêtres. Le Règlement sanitaire départemental type (RSDT) imposera, dès le 1er avril 1937, de mettre en place une entrée libre de 100 cm2 dans chacune des pièces principales disposant d’un conduit de fumée.

À partir des années 1950, lors de la reconstruction qui suivit la Seconde Guerre mondiale, sera introduite la notion de balayage partiel par une aération générale et permanente. L’aération doit se faire par ouverture des fenêtres, les pièces de service doivent disposer d’un ouvrant donnant sur l’extérieur, d’un orifice d’amenée d’air en partie basse et une évacuation en partie haute.

La réglementation de 1982/1983, toujours en vigueur, interviendra dans le contexte des premières éditions de la réglementation thermique qui suivirent les chocs pétroliers des années 1970. Elle introduira la règle du balayage général et permanent, et fixera des valeurs de débits d’air extrait en fonction du nombre de pièces d’un logement sur la base d’un niveau théorique de productions métaboliques de CO2 et de vapeur d’eau liées à la présence des occupants. Cette démarche qui se fonde sur le souci de minimiser les dépenses d’énergie, mais sans prise en compte de l’état réel de salubrité de l’air intérieur des logements, induira la généralisation de la ventilation mécanique contrôlée par extraction (VMC), tant dans l’habitat individuel que dans l’habitat collectif.

La VMC se décline en trois versions qui dominent le marché de la ventilation depuis quatre décennies :

  • le système d’origine dit « VMC autoréglable » équipé de bouches régulant le débit d’entrée d’air à une valeur constante, quelle que soit la pression exercée par le vent sur la façade du bâtiment ;
  • la VMC simple flux « Hygro A » qui régule le débit d’air extrait en fonction de l’humidité relative régnant dans les pièces de service ;
  • la VMC « Hygro B » dont les bouches d’entrée d’air permettent un contrôle plus fin du débit d’air, en le régulant en fonction des conditions régnant dans les pièces où elles se trouvent installées.

D’autres solutions sont également disponibles :

  • la ventilation double-flux qui implique un double réseau de conduits, l’un pour l’amenée d’air neuf, l’autre pour la reprise et l’extraction de l’air ayant circulé dans les locaux. Ce système permet la filtration de l’air neuf et, par la mise en place d’un échangeur, la récupération de chaleur sur l’air extrait. Il reste cependant peu développé en France ;
  • la ventilation mécanique contrôlée par insufflation (VMCI), introduite sur le marché depuis le milieu des années 1980 permet d’assurer la modulation des débits tout en assurant la filtration de l’air neuf. Elle s’est développée dans l’habitat neuf dans les territoires où les hivers sont plus tempérés (zone climatique H2) et dans les territoires du pourtour méditerranéen (zone climatique H3), la réglementation de 1982 n’autorisant pas son utilisation dans les territoires où les températures hivernales sont les plus froides (zone climatique H1). Cependant l’évolution du cadre réglementaire initiée dans un premier temps par l’arrêté du 29 juillet 2019 ouvrant des possibilités d’expérimentation sans limite de nombre de ce procédé dans les zones H1a (ex. : Île-de-France) H1b (ex. : Alsace) et H1c (ex. : Auvergne-Rhône-Alpes), puis introduisant la notion de « solutions d’effet équivalent »dans le nouveau livre 1er du Code de la construction et de l’habitation, devrait permettre d’étendre son utilisation dans toutes les zones du territoire métropolitain.

Les bâtiments autres que les locaux d’habitation

Les exigences concernant ces bâtiments relèvent de deux dispositifs réglementaires distincts : le Code du travail et le Règlement sanitaire départemental. Cette situation conduit à une interprétation difficile du fait d’exigences différenciées selon que, à l’intérieur d’un même type de local, cohabitent des occupants salariés et des occupants non salariés.

Les bâtiments « anciens », c’est-à-dire ceux construits jusqu’à la fin des années 1970 environ, ne disposent pas d’un système spécifique de ventilation. Le renouvellement de l’air est obtenu par l’ouverture des fenêtres, ce qui est notamment le cas des établissements scolaires. Dans les années 1980, les grands bâtiments sont fréquemment équipés de systèmes de ventilation de type double-flux souvent associés à un système de climatisation « tout-air » assurant le chauffage des locaux l’hiver et leur refroidissement en été. Les bâtiments de petites surfaces, en cas de rénovation notamment, sont équipés de systèmes de ventilation soit de type VMC simple flux en extraction, soit en ventilation double-flux avec ou sans récupération de chaleur. La ventilation mécanique contrôlée par insufflation trouve dans ce type d’établissements (écoles et crèches notamment) de nouveaux champs d’application.

Les exigences et recommandations en matière de qualité de l’air intérieur

Le cadre réglementaire concernant la qualité de l’air intérieur reste encore très peu contraignant en France.

Le Règlement sanitaire département type (RSDT)

La concentration en CO2 dans l’air intérieur, une molécule produite par la respiration humaine, est l’un des critères qui fondent la réglementation en matière de renouvellement de l’air des locaux. L’article 64 des Annexes du RSDT prescrit, pour les bâtiments non résidentiels, un seuil en CO2 de 1 000 ppm dans des conditions habituelles d’occupation, avec une tolérance à 1 300 ppm dans les locaux où il est interdit de fumer, sans fondement sanitaire explicite de ces deux valeurs.

Le Code de l’environnement

La loi Grenelle 2 a rendu obligatoire la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans certains établissements recevant un public sensible (articles L. 221-8 et R. 221-30 et suivants du Code de l’environnement). Sont concernés notamment les bâtiments accueillant des enfants mineurs : crèches et haltes-garderies, écoles maternelles et élémentaires, collèges et lycées.

Le dispositif réglementaire encadrant la surveillance de la qualité de l’air intérieur dans ces établissements comporte : (1) une évaluation des moyens d’aération qui peut être effectuée par les services techniques de l’établissement et au choix (2) une autoévaluation de la qualité de l’air intérieur à l’aide d’un guide pratique ou une campagne de mesures de polluants (formaldéhyde, benzène, CO2 pour évaluer le confinement des locaux, et éventuellement perchloréthylène pour les établissements contigus à un pressing) par un organisme accrédité.

Le Plan national santé environnement 4 (PNSE4)

Le PNSE4 (action 14 : Améliorer la qualité de l’air intérieur au-delà des actions à la source sur les produits ménagers et les biocides) préconise un nouveau dispositif de surveillance des établissements accueillant des populations sensibles, afin de permettre une amélioration continue de la qualité de l’air intérieur et faciliter son appropriation par les acteurs concernés. Il s’appuiera sur : (1) l’évaluation annuelle et simple des moyens d’aération, par les gestionnaires de bâtiment, accompagnée de conseils d’entretiens, (2) la réalisation d’un autodiagnostic régulier de la qualité de l’air intérieur à répéter au cours du temps, et (3) de mesures des polluants réglementaires (formaldéhyde, benzène, CO2, perchloréthylène pour les établissements contigus à un pressing) obligatoires réalisées à certains « moments clés de la vie » des bâtiments par un organisme accrédité (construction et aménagements ou rénovations majeurs, travaux de modification de la structure du bâtiment). Il pourrait être ajouté des modifications d’usages ou d’activités sur un bâtiment en exploitation.

Le PNSE4 préconise également d’intégrer, lors du diagnostic de performance énergétique d’un bien en vente ou en location, une information sur les conditions d’aération et de ventilation. Il propose de rendre obligatoire, pour le maître d’ouvrage de bâtiments neufs, la vérification des installations de ventilation, selon des vérifications visuelles et des mesures (débits ou pressions d’air), opérées à la réception du bâtiment (protocole « Promevent »), dans le cadre d’un autocontrôle ou par une tierce partie.

Les protocoles proposés par l’Alliance HQE-GBC

L’Alliance HQE-GBC met à disposition plusieurs documents pour aider les acteurs à évaluer la qualité de l’air intérieur des bâtiments neufs ou rénovés, à réception ou en exploitation. La qualité de l‘air intérieur à réception est déterminée par la mesure de sept polluants ayant une valeur de référence sanitaire, au moment du transfert de propriété au maître d’ouvrage et avant que les occupants n’intègrent le bâtiment. Dans le contexte d’une surveillance régulière des bâtiments durant leur phase de vie, six paramètres sont mesurés et comparés à des valeurs de référence permettant de détecter d’éventuels dysfonctionnements techniques du bâtiment en exploitation. Une note de cadrage sur la place des capteurs de mesure en continu lors de la réception ou l’exploitation d’un bâtiment vient compléter cette documentation.

La vérification des systèmes de ventilation dans l’habitat neuf

Pour répondre aux très nombreuses non-conformités d’installation observées dans les logements neufs, la très récente réglementation RE2020 a introduit, depuis le 1er janvier 2022, une obligation de vérification des installations de ventilation de type VMC par extraction et double flux pour les bâtiments neufs d’habitation (maisons individuelles et logements collectifs). Les exigences de base restent cependant celles de l’arrêté du 24 mars 1982 modifié, déjà cité plus haut.

La maintenance des installations de ventilation

Le Règlement sanitaire départemental type donne des prescriptions relatives aux installations de ventilation et à leur fonctionnement (article 65) :

  • l’encrassement des filtres doit pouvoir être contrôlé en permanence ; les filtres doivent être remplacés ou nettoyés en temps utile ;
  • tous les dispositifs de traitement, autres que ceux destinés à la filtration, au chauffage, au refroidissement, à l’humidification, à la déshumidification, doivent faire l’objet d’un examen par l’autorité compétente ;
  • le circuit d’amenée d’air doit être nettoyé avant la mise en service surtout s’il peut y avoir présence de gravats et d’humidité. Il est ensuite maintenu en bon état de propreté.

Le Code du travail demande un contrôle périodique des installations à l’initiative de l’employeur. Au moins une fois par an, les opérations suivantes doivent être effectuées par un organisme de contrôle agréé et leurs résultats portés sur le dossier de maintenance :

  • contrôle du débit global minimal d’air neuf de l’installation ;
  • examen de l’état des éléments de l’installation et plus particulièrement de la présence et de la conformité des filtres de rechange par rapport à la fourniture initiale ;
  • examen de l’état des systèmes de traitement de l’air ;
  • contrôle des pressions statiques ou des vitesses d’air aux points caractéristiques des installations.

La ventilation et le risque infectieux aéroporté

La norme NF EN 16798-1 (2019) sur la performance énergétique et la ventilation des bâtiments décrit le mode d’établissement des paramètres d’entrée relatifs à l’ambiance intérieure (ambiance thermique, qualité de l’air intérieur, ventilation, éclairage et acoustique) pour la conception des systèmes du bâtiment et les calculs de la performance énergétique. Cette norme utilise le concept de « valeur guide » de substances sensibles pour définir le débit de ventilation à retenir pour le dimensionnement d’une installation de ventilation.

Les travaux de recherche sur la crise sanitaire ont mis en évidence la relation étroite entre taux de renouvellement de l’air dans un local et risque infectieux aéroporté. Certaines instances internationales, comme REHVA (Fédération européenne des associations de chauffage, ventilation et conditionnement d’air), préconiseraient le surdimensionnement des installations de ventilation afin d’accroître, en cas de nécessité, les débits de ventilation pour réduire le risque infectieux aéroporté.

 

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