Milieu de vie

Pollution atmosphérique

Elisabeth Gnansia

Présidente de la Société francophone de santé environnement (SFSE)
Retraitée de l'Anses
(Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation et du travail)
Paris

Volume 20, numéro 4, Juillet-Août 2021

Télécharger le PDF de l'analyse

ANALYSE D'ARTICLE

Exposition aux polluants de l’air
et risque de malformations congénitales :
revue de la littérature et méta-analyse

Contrairement à d’autres facteurs de risque, infectieux par exemple, l’exposition à la pollution de l’air ne peut pas être évitée, et elle doit être étudiée comme un facteur de risque préoccupant. Il existe maintenant des arguments solides en faveur d’une association significative entre le risque de naissance prématurée, de petit poids de naissance et de mortalité infantile, et une exposition prénatale à des polluants tels que le monoxyde de carbone, le dioxyde de soufre et les particules fines. Cependant au cours des années 2010, des études ont aussi suggéré que des polluants atmosphériques pourraient avoir un rôle dans la survenue d’anomalies congénitales, ce qui constitue un enjeu de santé publique considérable. Les malformations sont l’une des principales causes de mortalité infantile, en particulier dans les pays développés (l’Organisation mondiale de la santé [OMS] estime le taux de mortalité par malformation congénitale à 63/100 000 individus) et elles ont, par ailleurs, des conséquences sanitaires et sociales considérables pour les enfants vivants. Dans plus de la moitié des cas, on ne connaît pas les causes de survenue des malformations congénitales, et on admet que la plupart d’entre elles sont multifactorielles, l’environnement ayant une part variable dans leur étiologie. Après les cardiopathies congénitales, les malformations les plus fréquemment rapportées sont celles du système nerveux central, notamment les défauts de fermeture du tube neural.

On manque encore de preuves en ce qui concerne la nature des malformations causalement liées à la pollution atmosphérique, mais les études se sont multipliées au cours de la dernière décennie, ce qui a motivé cette revue systématique des études épidémiologiques publiées et la méta-analyse réalisée pour plusieurs associations spécifiques entre polluants atmosphériques et anomalies congénitales.

Méthodes

Les mots-clés utilisés pour l’extraction d’articles des bases de données biomédicales et des bases de données générales ont donné 17 000 articles en langue anglaise, dont 16 600 ont été éliminés sur leur seul titre d’emblée. Sur les 400 articles éligibles, 339 ont été exclus sur lecture du résumé (il s’agissait de malformations animales ou de pathologie non malformative), et sur les 61 restants, 35 ont été éliminés parce qu’ils décrivaient des études transversales (seules les études de cohorte, ou cas-témoins, ou de type écologique ont été incluses), ou des malformations ne figurant pas dans la liste des malformations publiée par l’OMS ou les Centers for Diseases Control d’Atlanta. Vingt-six études épidémiologiques ont donc été analysées pour la relation entre le risque de malformations congénitales et les concentrations de polluants atmosphériques. Un des auteurs a extrait les données, et deux autres en ont vérifié la précision. Il fallait évaluer de manière indépendante la qualité de chaque étude et sa pertinence. Les désaccords, le cas échéant, ont été analysés conjointement par les trois évaluateurs.

Les nouveau-nés, les nourrissons et les enfants de moins de 5 ans étaient dits « participants ». Ils étaient dits « exposés » lorsque l’exposition aux polluants atmosphériques in utero a été évaluée au quartile le plus élevé pour les polluants mesurés selon des catégories (variables discontinues), et pour les polluants constituant des variables continues lorsque leur valeur dépassait une valeur seuil (1 μg/m3 pour le dioxyde de soufre [SO2], 10 ppb pour le dioxyde d’azote [NO2], 10 μg/m3 pour les PM10 et les oxydes d’azote [Nox], 10 ppb pour l’ozone [O3], 1 ppm pour le monoxyde de carbone [CO], 5 μg/m3 pour les PM2,5, la fumée noire, les particules totales en suspension [PTS] et le benzène).

Si une association était observée entre une anomalie donnée et un groupe de polluants atmosphériques dans au moins trois études, une méta-analyse était effectuée.

Résultats

Une méta-analyse a été faite pour deux polluants associés à des malformations : le NO2 et les PM2,5. Des associations statistiquement significatives ont été trouvées pour le risque de :

  • sténose valvulaire pulmonaire : OR (odds ratio) = 1,74 pour le NO2 et 1,42 pour les PM2,5 ;
  • tétralogie de Fallot : OR = 1,52 pour les PM2,5 ;
  • communication interventriculaire : OR = 1,15 pour le SO2 ;
  • fentes faciales : OR = 1,27.

Il existe des arguments en faveur d’un effet des polluants de l’air ambiant sur la survenue de certaines malformations congénitales. Une amélioration de la description des cas pour une meilleure répartition en catégories, ainsi que des méthodes d’exposition plus précises et un meilleur contrôle des facteurs de confusion, amélioreront dans le futur la connaissance de ces facteurs de risque.

Commentaire

Dans plus de 60 % des cas, lorsqu’un enfant naît porteur de malformation(s), on n’en comprend pas la cause, pas plus que les facteurs favorisants. Après avoir éliminé les facteurs génétiques, les expositions médicamenteuses in utero, les maladies maternelles chroniques (comme le diabète), on recherche tout naturellement des facteurs de risque environnementaux, et en particulier la pollution de l’air. Dans cette étude, les associations qui se révèlent significatives concernent des cardiopathies et des fentes faciales, deux catégories de malformations pour lesquelles on sait qu’il existe une interaction de facteurs de risque génétiques et environnementaux. C’est donc vers la recherche de gènes de prédisposition à ces malformations qu’il faut orienter les recherches ultérieures.


Publication analysée :

* Ravindra K, Chanana N, Mor S. Exposure to air pollutants and risk of congenital anomalies: A systematic review and metaanalysis. Sci Total Environ 2021 ; 765 : 142772. Doi : 10.1016/j.scitotenv.2020.142772.