Milieu de vie

Pollution atmosphérique

Valérie Pernelet-Joly

Chef d'unité d'évaluation des risques sanitaires liés à l'air
Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire, de l'alimentation et du travail)
Maisons-Alfort

Volume 20, numéro 3, Mai-Juin 2021

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ANALYSE D'ARTICLE

Pollution de l’air, activité physique et santé :
cartographie des interactions

Cinq grands domaines de recherche sur les liens entre la pollution de l’air et l’activité physique ont été identifiés dans la revue :

  • l’impact de l’exposition à la pollution atmosphérique sur le comportement vis-à-vis de l’activité physique ;
  • l’exposition à la pollution de l’air lors de la pratique d’une activité physique ;
  • les effets à court terme ;
  • les effets à long terme sur la santé de l’exposition à la pollution atmosphérique lors de la pratique d’une activité physique ;
  • et les modélisations qui ont quantifié l’effet combiné de la pollution atmosphérique et de l’activité physique.

La pollution de l’air a un impact sur le comportement des individus vis-à-vis de l’activité physique : une méta-analyse d’études américaines révèle qu’une augmentation d’un μg.m-3 de la concentration de PM2,5 était associée à une augmentation de l’inactivité physique de 1,1 % chez les adultes (les participants aux études, en particulier ceux souffrant de maladies respiratoires, déclarant eux-mêmes une réduction des activités de plein air pour atténuer les effets néfastes de la pollution atmosphérique). D’après des études en Chine, la baisse de la qualité globale de l’air et l’augmentation de la concentration de particules fines (PM2,5) ont été associées à une réduction de la durée quotidienne/hebdomadaire des loisirs en plein air et/ou de la mobilité active comme la marche, la course à pied et le vélo. Lors d’épisodes journaliers de pollution relayés par différents supports médiatiques, différentes études (aux États-Unis, en Australie, en Chine) ont révélé des changements de comportement : report d’activités sportives de plein air, diminution de la pratique du vélo, diminution de la fréquentation de parcs et espaces verts de proximité.

Les études portant sur les différents modes de transport montrent globalement que les piétons et les cyclistes sont moins exposés à la pollution que les voyageurs à bord de voitures ou de bus (en lien avec des polluants tels que les particules fines, carbone suie, monoxyde de carbone et particules ultrafines), mais des disparités existent entre les études. Concernant l’exposition à la pollution en lien avec les trajets empruntés, dans l’ensemble, les études suggèrent qu’il vaut mieux emprunter un itinéraire plus long mais moins pollué qu’un itinéraire plus court avec une pollution atmosphérique plus élevée. À l’opposé, très peu d’études concernent des lieux d’activité physique et de loisir et la pollution de l’air qui s’y trouve. Seuls deux apparaissent plus particulièrement documentés : les patinoires et les piscines. Concernant l’étude de dose inhalée de polluant durant une activité physique, seuls des études relatives aux modes de transport s’y sont intéressées et montrent que malgré des niveaux d’exposition à la pollution moindres dans les modes actifs, une fois les taux d’inhalation pris en compte, la marche et le vélo sont clairement désavantagés par comparaison à d’autres modes de déplacement.

Trop peu d’études se sont intéressées aux effets combinés à court terme de la pollution de l’air et de l’activité physique sur la santé dans des situations réelles. Les auteurs indiquent qu’il n’est pas encore possible de tirer des conclusions fondées sur des preuves. Seuls quelques éléments suggèrent que les effets à court terme (quelques heures à quelques jours) de l’activité physique sur la santé peuvent être plus faibles, voire inexistants, aux niveaux de pollution les plus élevés. À long terme, les résultats des études sont mitigés. Plusieurs études suggèrent qu’il n’y a pas d’interaction entre la pollution de l’air et l’activité physique sur différents indicateurs sanitaires tels que la mortalité, l’incidence de l’asthme, la bronchopneumopathie chronique obstructive et les marqueurs de l’inflammation systémique. Ces études concernent cependant des environnements peu à moyennement pollués. Quelques études suggèrent que l’activité physique peut avoir un effet bénéfique en protégeant des effets néfastes de la pollution atmosphérique sur la mortalité prématurée et la fonction pulmonaire réduite. Toutes ces études indiquent que les bénéfices à long terme de l’activité physique dans les zones urbaines restent supérieurs aux risques liés à une exposition excessive à la pollution de l’air pendant l’activité physique. Cependant, deux études chez les enfants, toutes deux dans des contextes de pollution atmosphérique relativement élevée (l’une en Californie du Sud avec une problématique liée à l’ozone et l’autre à Séoul avec une pollution aux particules fines) suggèrent que l’activité physique dans des zones à forte pollution atmosphérique peut exacerber le risque d’asthme [1] et réduire les bénéfices liés à l’exercice en termes d’aptitude cardiaque [2], par rapport à l’exercice dans des zones où la pollution atmosphérique est plus faible.

Enfin, les modélisations de santé publique disponibles montrent que les avantages pour la santé de l’activité physique l’emportent généralement sur les risques liés à la pollution de l’air lors du passage à la marche, au vélo et aux transports publics dans les pays à revenu élevé.

Cet article est particulièrement bien structuré et intéressant. Il révèle des interactions entre pollution atmosphérique et activité physique peu étudiées et soulève des questionnements qui mériteraient des investigations complémentaires afin de ne pas limiter les connaissances sur les interactions entre pollution et activité physique à la seule étude des mobilités actives : d’autres lieux de pratiques d’activité physique (salles de sport, gymnase, etc.), d’autres polluants que les particules fines, d’autres pays que les pays développés, et des populations sensibles doivent désormais faire l’objet d’explorations pour caractériser les interactions entre pollution atmosphérique et activité physique.

  • [1] McConnell R., Berhane K., Gilliland F. Asthma in exercising children exposed to ozone: a cohort study. Lancet. 2002;359:386-391.
  • [2] Yu I.T., Wong T.W., Liu H.J. Impact of air pollution on cardiopulmonary fitness in schoolchildren. J Occup Environ Med. 2004;46:946-952.

Publication analysée :

* Tainio M, Andersen ZJ, Nieuwenhuijsen MJ, et al. Air pollution, physical activity and health: A mapping review of the evidence. Environment International 2021 ; 147 : 105954. Doi : 10.1016/j.envint.2020.105954