Contaminants

Autres produits chimiques

Olivier Joubert

Institut Jean Lamour
UMR CNRS 7198
Université de Lorraine
CNRS, IJL
Nancy

Volume 20, numéro 2, Mars-Avril 2021

Télécharger le PDF de l'analyse

ANALYSE D'ARTICLE

Translocation des particules ultrafines à travers le placenta,
une revue des résultats obtenus in vitro, ex vivo et in vivo

Les femmes enceintes et les embryons/fœtus en développement constituent une population particulièrement vulnérable, car les nanoparticules (NP) présentes dans la circulation sanguine peuvent atteindre le placenta et éventuellement le fœtus. Une telle exposition in utero pourrait non seulement influencer le développement du fœtus et induire des problèmes durant la grossesse, mais elle pourrait aussi nuire à la santé plus tard dans la vie, car l’étiologie des maladies à l’âge adulte pourrait avoir une origine fœtale.

Cette revue est la première revue systématique synthétisant toute la littérature concernant le transfert materno-fœtal de particules (ultra)fines et de NP dans des modèles in vitro, ex vivo, in vivo, et cliniques. L’examen systématique vise à :

  • évaluer la translocation des particules (ultra)fines et des NP vers et à travers le placenta, dans des modèles in vitro de barrières, ex vivo de perfusion placentaire, des études in vivo et cliniques ;
  • résumer les techniques analytiques exploitées pour déterminer la translocation materno-foetale des NP :
  • identifier les données manquantes et donc les besoins en recherche.

Soixante-treize (73) études sur la translocation placentaire des particules, dont 21 études in vitro/ex vivo, 50 études sur les animaux, et deux études humaines sur le transfert de particules transplacentaires ont été incluses.

Diverses méthodes analytiques ont été utilisées pour quantifier (marquage radioactif, fluorescent, spectrométrie de masse à plasma à couplage inductif [ICP-MS] ou spectroscopie d’émission atomique [-OES], etc.) et/ou visualiser (microscopie confocale, électronique à transmission, ou à balayage, aux rayons X, etc.) le transfert des particules par leur identification dans les tissus pertinents (par exemple, le tissu placentaire ou fœtal). Ces techniques ont été utilisées individuellement ou en combinaison dans 29 études.

Cet examen systématique indique que les particules peuvent traverser le placenta comme observé dans différents modèles :

  • les monocouches et les co-cultures in vitro de différentes cellules placentaires (par exemple, les trophoblastes, les cellules fibroblastiques et les cellules endothéliales) ;
  • les modèles de perfusion placentaire ex vivo ;
  • les modèles in vivo de rongeurs et de lapins ;
  • les modèles cliniques.

Presque tous les types de particules testées, qu’elles soient d’origine ambiante ou artificielle, semblent pouvoir atteindre et/ou franchir la barrière materno-fœtale, certaines simplement à l’état de traces. Le transport transplacentaire des particules est affecté par la taille des particules, la composition chimique des particules, leur dose, leur potentielle dissolution et la modification de surface, ainsi que la voie d’administration des NP et le stade gestationnel du modèle employé.

Les résultats sur le transfert des NP au niveau placentaire doivent cependant être interprétés avec prudence, étant donné les différences entre toutes les études incluses : espèces et complexité du modèle appliqué ainsi que les propriétés des particules et les voies d’exposition aux NP.

On sait peu de choses sur la cinétique et la biodisponibilité des NP. Cela souligne la nécessité de valider des méthodes pour quantifier l’accumulation fœtoplacentaire de faibles quantités de particules.

Il est ainsi indispensable de poursuivre les recherches sur la toxicocinétique des particules au niveau du placenta pour prévoir l’exposition potentielle du fœtus et leurs effets néfastes sur la santé pendant le développement du fœtus, et plus tard dans la vie.

Commentaire

Il faut garder en tête que les particules ultrafines et les NP ne sont pas forcément d’origine anthropique. Elles sont présentes dans l’atmosphère, et ont pour origine la nucléation de gaz, mais aussi l’érosion éolienne, les feux de forêt, etc. On peut également citer des NP biologiques, telles les virus. Ces particules représentent donc pour l’organisme et son système immunitaire une menace « connue ». Néanmoins, l’explosion des nanotechnologies depuis une quinzaine d’années pose différents problèmes. Premièrement, il y a une très grande diversité des NP produites, métalliques, oxydes métalliques ; il existe aussi des dizaines de types de nanotubes de carbone différents, auxquels l’organisme n’a jamais été confronté. Deuxièmement, la quantité des nano-objets produits, bien que certainement inférieure aux prédictions, est en augmentation exponentielle. Ces deux points résument pour les professionnels les dangers dont il faut pouvoir limiter l’exposition au maximum et gérer le risque. Aussi, quid de la population générale qui manipule quotidiennement des objets en contenant (cosmétique, matériels de sport ou électronique, etc.) ? Enfin, posons aussi la question de la fin de vie de tous ces objets. Le relargage de ces différents nano-objets dans l’environnement a forcément un impact écologique.

Pour en revenir à ce travail, l’obtention de résultats substantiels et complémentaires sur les toxicités suite à une exposition prénatale est nécessaire. Il sera pour cela essentiel de tester des doses et des voies d’exposition réalistes (extrapolées à partir d’études sur la population). Le nombre d’études sur le transfert du NP transplacentaire reste limité. Les études en la matière sont primordiales et en particulier sur l’exposition par inhalation, car il s’agit de la principale voie d’exposition environnementale et professionnelle et elle est en grande partie sous-étudiée.


Publication analysée :

* Bongaerts E, Nawrot TS, Van Pee T, Ameloot M, Bové H. Translocation of (ultra)fine particles and nanoparticles across the placenta; a systematic review on the evidence of in vitro, ex vivo, and in vivo studios. Particle and Fibre Toxicology 2020 ; 17: 56. Doi : 10.1186/s12989-020-00386-8.