Synthèse publiée le : 01/04/2016

Pollution atmosphérique et santé

La pollution atmosphérique, toujours un problème important de santé publique

La pollution de l’air constitue toujours une préoccupation importante pour la santé publique. L’année 2015 a été marquée par plusieurs événements remarquables. Ainsi pour la première fois lors de la 68e Assemblée mondiale de la santé qui s’est tenue en mai 2015, a été abordée la problématique des conséquences sanitaires de la qualité de l’air. Elle s’est conclue par l’adoption d’une résolution coparrainée par la France qui vise à inciter les États à agir efficacement pour réduire la pollution de l’air. Ils doivent faire prendre conscience que lutter contre la pollution de l’air permettrait de sauver des vies et de réduire les dépenses de santé.

L’année 2015 a aussi été marquée par la tenue de la COP21 à Paris. L’accord conclu fait référence à la santé ce qui constitue un réel tournant en reconnaissant l’impact du changement climatique sur la santé. Ceci fait écho à l’appel lancé en octobre par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en faveur d’une intervention d’urgence pour protéger la santé face au changement climatique. Dans le domaine de la qualité de l’air, il y a un réel co-bénéfice attendu : la réduction de certains polluants à courte durée de vie (le carbone-suie constituant les particules, l’ozone, etc.) impliqués dans le réchauffement climatique permettrait également de réduire le nombre de décès par cancers, affections respiratoires et maladies cardiovasculaires imputables à la pollution atmosphérique et qui s’élève aujourd’hui à plus de 7 millions de décès anticipés à l’échelle mondiale (OMS).

Afin de tenir compte des dernières avancées de la recherche, l’OMS a lancé en 2015 un programme de révision des valeurs guides de la qualité de l’air extérieur. La recherche est en effet toujours très active dans le domaine des effets sur la santé des polluants atmosphériques. Quelques exemples des thèmes étudiés vont suivre dont certains sont illustrés par les « Brèves » publiées dans Environnement, Risques et Santé (ERS) en 2015. Les travaux de recherche visent à progresser sur l’identification de marqueurs d’exposition, des composés/sources les plus impliqués dans les effets sanitaires ainsi que la mise en évidence d’effets extra-pulmonaires et notamment dans des populations sensibles comme les personnes âgées.

 

Quel biomarqueur d’exposition aux particules ?

Dans un souci de renforcer les associations observées en épidémiologie entre les effets sanitaires et l’exposition aux particules (PM), la possibilité de disposer de biomarqueurs d’exposition[a] pour une meilleure évaluation de l’exposition personnelle reste une préoccupation. La mesure de la charge en carbone dans les macrophages[b] recueillis dans des crachats est une piste évoquée et testée depuis plusieurs années et qui a fait l’objet d’une revue critique pour faire le point sur les limites techniques, l’application et la validité [1]. Basée sur la biopersistance[c] de la composante carbonée des PM issues des processus de combustion, la mesure de la charge en carbone se fait par visualisation en microscopie optique. Elle pourrait constituer un biomarqueur d’exposition cumulée complémentaire d’autres biomarqueurs urinaires comme le 1-nitropyrène ou la 8-Oxo-2'-deoxyguanosine (8-oxodG) produit de l’oxydation de l’ADN qui rendent compte d’une exposition récente. L’analyse sur crachats est moins invasive, moins coûteuse et plus rapide que celle des lavages broncho-alvéolaires mais ne permet pas d’échantillonner le compartiment le plus distal de l’appareil respiratoire où se trouvent les PM les plus fines. De plus la variabilité dans la production du crachat et les difficultés méthodologiques pour déterminer la charge et la nature des particules intracellulaires nécessitent des recherches complémentaires pour rendre cette approche applicable.

Les difficultés de cette approche prennent un éclairage particulier à la lecture d’un article récent qui a démontré la présence de nanotubes de carbone[d] dans les lavages broncho-alvéolaires d’enfants parisiens souffrant d’asthme [2]. Il souligne que la caractérisation des objets carbonés présents dans les macrophages nécessite la mise en œuvre de techniques analytiques très poussées non réalisables en routine. Elle ne peut donc reposer uniquement sur la microscopie optique.

L’utilisation d’un biomarqueur d’exposition basé sur la charge en carbone focalise sur l’implication de la composante carbonée dans les effets sanitaires mais amène à se questionner sur les autres composés potentiellement responsables des effets sanitaires.

Quels composants/sources de PM sont responsables des effets sanitaires ?

À ce jour, on dispose de nombreuses études épidémiologiques et expérimentales qui soutiennent que les PM aux concentrations ambiantes ont des effets significatifs à court et long terme sur la santé. Par contre la compréhension des composés et sources de PM responsables des effets sanitaires reste une question clé et de plus en plus de recherches visent à apporter des éléments de réponse comme celle de Bell présentée dans ERS en 2015 [3]. Il montre pour une population de personnes âgées, un lien entre l’hospitalisation pour effets cardiovasculaires et l’exposition à court terme aux PM2.5 ainsi que 3 composants de ces particules : le carbone suie, le calcium et le vanadium[e].

L’identification des composés responsables doit non seulement permettre une meilleure compréhension des mécanismes impliqués dans l’apparition des effets respiratoires et cardiovasculaires mais aussi permettre de proposer des métriques plus adaptées que la masse globale qui est celle actuellement utilisée dans la réglementation mais qui ne reflète pas la composition des particules et donc leur potentielle dangerosité. Parallèlement il importe de progresser sur les événements en amont à savoir l’identification des sources sur lesquelles agir pour réduire les émissions, mais aussi sur la compréhension des processus de chimie atmosphérique pour l’élaboration de modèles prédictifs des processus de vieillissement des aérosols tenant compte de l’ensemble des polluants émis (particulaires et gazeux) et des conditions météorologiques. Des interrogations se font jour sur le rôle des particules émises par l’agriculture qui sont constituées de nitrate d’ammonium et de sulfates. Alors que des études épidémiologiques montrent des associations entre ces composés et des effets sanitaires, la plausibilité biologique n’est pas confortée par les études toxicologiques.

Dans l’état actuel des connaissances, il n’est pas possible d’exclure avec certitude une source, un composé ou une classe de taille spécifique comme étant un contributeur possible aux effets des PM à court et long terme. Dans ce contexte a émergé l’idée d’une nouvelle métrique plus intégrative et basée sur les connaissances des mécanismes de toxicité des particules. Il s’agit de la mesure du potentiel oxydant qui rend compte de la capacité des particules à produire des oxydants du fait de leur composition en métaux, composés organiques ou encore de leur taille [4]. Mais compte tenu du nombre limité d’études conduites à ce jour utilisant cette nouvelle métrique, les résultats sont contradictoires et il n’est pas possible à ce stade de tirer des conclusions définitives sur l’intérêt ou non de cette nouvelle approche.

 

Pollution et populations vulnérables : les personnes âgées et la survenue d’effets extra-pulmonaires.

Nos sociétés se caractérisent par un vieillissement de la population. La pollution atmosphérique constitue un facteur de risque susceptible d’exacerber des pathologies existantes ou d’altérer l’état de santé des personnes âgées dont les capacités à faire face aux agressions est réduite par le déclin progressif des fonctions biologiques. Une revue publiée en 2015 tente de faire le point sur les polluants les plus critiques pour les personnes âgées en termes de morbidité et mortalité pour causes cardiorespiratoires [5]. Elle souligne que les personnes âgées seraient plus vulnérables aux particules qu’aux autres polluants à court terme. L’exposition chronique augmente l’incidence des pathologies inflammatoires chroniques comme la broncho-pneumopathie obstructive, l’asthme et les bronchites chroniques. Mais les travaux les plus récents tels que ceux rapportés en 2015 dans ERS soulignent la possibilité de survenue d’autres effets sanitaires. Ainsi Ailshire et Crimmins [6]ont montré une relation entre des atteintes de la fonction cognitive des personnes âgées et les concentrations de particules fines. Ces effets pourraient résulter d’une inflammation du tissu cérébral voire d’une translocation des particules les plus fines comme cela a été démontré expérimentalement pour les nanoparticules manufacturées[f]. L’établissement du lien causal entre l’exposition aux particules fines et l’altération des fonctions cognitives nécessitera des recherches expérimentales approfondies et des études épidémiologiques plus nombreuses et plus abouties.

 

Références

[1] Bai Y, Brugha RE, Jacobs L, Grigg J, Nawrot TS, Nemery B. Carbon loading in airway macrophages as a biomarker for individual exposure to particulate matter air pollution - A critical review. Environ Int. 2015;74:32-41.

[2] Kolosnjaj-Tabia J, Justb J, Hartmanc KB, Laoudib Y, Boudjemaad S, Alloyeaue D, et al. Anthropogenic Carbon Nanotubes Found in the Airways of Parisian Children EBioMedicine 2015; 2:1697–1704

[3] Bell ML, Ebisu K, Leaderer BP, Gent JF, Lee HJ, Koutrakis P, et al. Associations of PM2,5 constituents and sources with hospital admissions : analysis of four counties in Connecticut and Massachusetts for persons ≥ 65 years of age. Environ Health Perspect2014; 122: 138-44.

[4] Kelly FJ andFussell JC. Linking ambient particulate matter pollution effects with oxidative biology and immune responses. Ann N Y Acad Sci. 2015;1340:84-94.

[5] Simoni M, Baldacci S, Maio S, Cerrai S, Sarno G, Viegi G. Adverse effects of outdoor pollution in the elderly. J Thorac Dis. 2015 ; 7:34-45.

[6] Ailshire J, Crimmins EM. Fine particulate matter air pollution and cognitive function among older US adults. Am J Epidemiol 2014; 180: 359-66.

 

Notes

[a] Biomarqueur d’exposition : une substance chimique ou ses produits de dégradation présents dans un organisme permettant de mettre en évidence une exposition actuelle ou passée à cette substance.

[b] Cellule du système immunitaire qui a pour fonction de phagocyter les débris cellulaires et les pathogènes.

[c] Composé qui ne peut être métabolisé et éliminé de l’organisme.

[d] Feuillet de graphène enroulé sur lui-même pour former un tube creux de grande résistance et dureté

[e] La combustion d'hydrocarbures en est une source importante de ce métal blanc, brillant, dur et ductile

[f] Matériaux fabriqués par l’homme dont au moins une dimension est inférieure à 100 nm