Synthèse publiée le : 17/05/2022

SYNTHESE :
Impact des nouvelles lignes directrices OMS pour la qualité de l’air

Le 22 septembre 2021, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) publiait de nouvelles recommandations sur les seuils de concentration des polluants de l’air à respecter pour préserver la santé des populations. Sur la base des cartographies nationales de référence de la pollution de fond développées par l’Ineris, la part de la population française exposée à ces nouveaux seuils a été estimée pour deux années différentes et comparée aux anciens seuils OMS (2005), ainsi qu’aux niveaux réglementaires européens actuellement en vigueur.

 

Le 22 septembre 2021, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a mis à jour ses recommandations sur les seuils de concentration des polluants de l’air à respecter pour préserver la santé des populations [1]. Établies sur la base des dernières données scientifiques disponibles relatives aux effets des polluants atmosphériques sur la santé, elles fixent des valeurs seuils pour les six principaux polluants atmosphériques (le dioxyde d'azote [NO2], les particules [PM10, PM2.5], l'ozone [O3], le dioxyde de soufre [SO2] et le monoxyde de carbone [CO]) qu’il est recommandé de ne pas dépasser pour limiter l’exposition des populations au niveau mondial et protéger leur santé. Elles établissent également des cibles intermédiaires pour permettre une transition graduelle vers ces valeurs seuils.

Les nouvelles lignes directrices de l’OMS constituent une mise à jour des valeurs qui avaient précédemment été établies en 2005. Élaborées par une équipe d'experts internationaux, ces valeurs guides n’ont pas de caractère réglementaire mais fournissent des recommandations de référence à l'adresse des responsables politiques qui doivent opérer des choix en matière de gestion de la qualité de l'air, pouvant ainsi servir de support aux futures normes et réglementations.

L'OMS explique que depuis la dernière édition de ses lignes directrices mondiales en 2005, « la quantité de données factuelles montrant que la pollution atmosphérique a une incidence sur différents aspects de la santé a sensiblement augmenté ». En conséquence, les seuils de référence de concentration des principaux polluants atmosphériques ont été révisés, en particulier pour quatre polluants critiques en Europe et en France : le dioxyde d'azote (NO2), les particules (PM10, PM2.5), et l'ozone (O3).

Les valeurs guides OMS recommandées incluent des indicateurs en moyenne annuelle, c’est-à-dire des valeurs seuils pour les concentrations moyennes calculées sur une année complète, qui sont récapitulées dans le tableau 1. Ces valeurs sont comparées avec les valeurs seuils réglementaires européennes qui doivent être respectées dans chaque pays européen.

Tableau 1. Comparaisons des seuils réglementaires européens (valeurs limites sur les moyennes annuelles de particules et NO2 et valeur cible sur l’ozone) avec les lignes directrices de l’OMS.

 

Ainsi, la valeur annuelle moyenne recommandée par l’OMS pour les particules fines PM2.5 passe de 10 à 5 µg/m3, soit une diminution de moitié de l’objectif santé. Les cibles intermédiaires nouvellement introduites pour les PM2.5 sont, elles, de 35, 25, 15 et 10 µg/m3. La valeur limite réglementaire européenne en moyenne annuelle est actuellement bien supérieure à la valeur guide OMS, avec un seuil à respecter de 25 µg/m3 pour les PM2.5.

La nouvelle valeur de la moyenne annuelle recommandée par l’OMS pour les PM10 est de 15 µg/m3, contre 20 précédemment, avec des cibles intermédiaires de 70, 50, 30 et 20 µg/m3. La valeur limite réglementaire européenne à respecter est quant à elle fixée à 40 µg/m3.

Pour le NO2, la réduction est encore plus drastique : la nouvelle valeur guide OMS se trouve à 10 µg/m3 en moyenne annuelle, contre 40 µg/m3 précédemment, avec des cibles intermédiaires de 40, 30 et 20 µg/m3. Quant à la valeur limite réglementaire européenne à respecter, elle est à nouveau supérieure aux valeurs guides OMS, avec une moyenne annuelle de 40 µg/m3.

Quant à l’ozone, la valeur guide OMS en valeur maximale journalière sur 8 heures a été maintenue à 100 μg/m3 avec deux cibles intermédiaires de 160 et 120 μg/m3, à ne pas dépasser plus de 3-4 jours par an (99e percentile). Au niveau européen, la réglementation impose actuellement de ne pas dépasser plus de 25 jours dans l’année la valeur de 120 µg/m3 en maximum journalier de la moyenne glissante sur 8 heures. Cependant, contrairement aux valeurs réglementaires européennes pour les PM10, PM2.5 et NO2, il ne s’agit pas de valeurs limites mais d’objectifs cibles, ayant un caractère moins contraignant pour les États membres.

Ces nouvelles valeurs guides OMS ont un impact non négligeable sur la population concernée par des niveaux de concentrations de pollution supérieurs aux recommandations. Pour cet article, cet impact a été estimé à partir de la cartothèque mise à disposition par l’Ineris, regroupant les cartes des concentrations et des indicateurs réglementaires sur la France depuis les années 2000 et permettant de mettre en lumière leurs évolutions sur plus de 20 ans [2]. Ces cartographies sont issues de données d’observations (sites de mesures fixes répartis sur le territoire et gérés par les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air) et de modélisation de la qualité de l’air à l’aide du modèle CHIMERE (codéveloppé par l’Ineris et le CNRS). Avec une résolution de 4 km, raffinée à 2 km pour les années postérieures à 2018, ces cartographies représentent finement les niveaux « de fond » mais ne permettent pas une représentation précise des niveaux de pollution à proximité de sources locales spécifiques d’émissions (zones de trafic routier dense, zones industrielles). Un croisement avec des données de population à l’échelle des bâtiments produite par le LCSQA à partir des données foncières MAJIC [3], permet d’estimer la population exposée à des dépassements de seuils pour cette pollution de fond. Plus de détails sur la méthodologie et sur l’exposition aux valeurs réglementaires européennes (valeurs limites ou valeur cible) sont disponibles sur le site de l’Ineris [2], ainsi que dans l’article de Real et al., 2021 [4].

Il devient dès lors possible de dupliquer ces calculs d’exposition à la pollution de fond en utilisant les valeurs guides OMS proposées en 2005 ou révisées en 2021. Cet exercice a été fait pour l’année 2010 et l’année 2019 (voir Tableau 2), mais les résultats sont ici détaillés pour l’année 2019 uniquement.

Il est à noter que pour les particules et le NO2, les seuils réglementaires européens en moyenne annuelle sont respectés pour l’ensemble de la population (hors zone de proximité), et seules les valeurs cibles d’ozone sont dépassées[1]. Les valeurs limites PM10 et NO2 basées sur le nombre de dépassements journaliers (PM10) ou horaires (NO2) n’ont pas été étudiées ici.

En 2019, 28 % de la population était exposée à une moyenne annuelle de PM2.5 supérieure à 10 µg/m3, valeur guide OMS proposée en 2005. Avec les nouvelles valeurs guides proposées en 2021, c’est la totalité de la population qui aurait été exposée en 2019 à une moyenne annuelle de PM2.5 supérieure à 5 µg/m3.

Pour les PM10, la proportion de français concernés par un dépassement de la valeur guide annuelle de 20 µg/m3 (OMS 2005) était de 4 % contre 66 % pour la nouvelle valeur guide de 15 µg/m3. Quant au NO2, l’ancienne valeur guide de l’OMS de 40 µg/m3 (équivalent à la valeur limite réglementaire européenne) n’était jamais atteinte, alors qu’avec un seuil à 10 µg/m3, c’est 78 % de la population qui est exposée à des concentrations supérieures à la nouvelle valeur guide OMS 2021.

Les résultats relatifs aux maxima journaliers d’ozone montrent que l’ensemble de la population sur le territoire français est concerné par un dépassement de la valeur guide OMS, soit 100 µg/m3 plus de 3-4 jours par an, tandis que 17 % seulement de la population est exposée à un dépassement du seuil réglementaire européen (valeur cible pour l’ozone), soit 120 µg/m3 plus de 25 jours par an.

Cette évolution des recommandations est révélatrice de l’amélioration des connaissances sur les effets néfastes des polluants sur la santé et souligne l’importance de la lutte contre la pollution atmosphérique, mais ne signifie pas que la qualité de l’air se dégrade. Au contraire, l’étude rétrospective de l’exposition des populations à la pollution de l’air depuis une vingtaine d’années [2], permet de mettre en évidence une tendance à la baisse pour les concentrations annuelles des particules (PM10 et PM2.5) et du NO2. Par exemple, en 2010, 100 % de la population était exposée à des concentrations dépassant les nouveaux seuils OMS en moyenne annuelle pour le NO2 et les PM10, alors qu’en 2019 c’est respectivement 78 et 66 % de la population qui est concernée.

La figure 1 illustre ainsi l’évolution des concentrations moyennes annuelles de PM2.5 entre 2010 et 2019 vis-à-vis du seuil réglementaire européen et des nouveaux et anciens seuils OMS (avec seuils intermédiaires). Constatons que les efforts réalisés au niveau national ont permis une réduction des concentrations annuelles de PM2.5 sur l’ensemble du territoire, ce qui est encourageant.

 

Figure 1. Concentrations moyennes annuelles de PM2.5 en dépassement du seuil réglementaire européen ou des recommandations et valeurs intermédiaires proposées par l’OMS en 2021. a. : année 2010, b. : année 2019.

A contrario, les tendances d’ozone sont plutôt à la hausse. En 2010, 89 % de la population était exposée plus de 3-4 jours par an à des concentrations d’ozone supérieures à 100 µg/m3 en moyenne maximale journalière. C’est 11 % de moins qu’en 2019 où, comme indiqué plus tôt, l’ensemble du territoire était concerné. Il est difficile de comparer directement les concentrations d’ozone de plusieurs années, du fait de la forte variabilité annuelle liée aux changements de conditions météorologiques (en particulier l’ensoleillement), mais sur ces 20 dernières années, la tendance montre que les concentrations moyennes d’ozone augmentent alors que l’amplitude des pics diminue [2]. Ces tendances sont généralement attribuées à deux phénomènes distincts :

  • une diminution des concentrations de précurseurs de l’ozone (NOx et composés organiques volatils) expliquant une baisse des pics ;
  • une augmentation des niveaux d’ozone en moyenne liée au transport intercontinental de la pollution et aux concentrations qui tendent à augmenter dans les grandes villes, du fait de la baisse du phénomène de titration (consommation d’ozone lorsque les concentrations de NOx sont très importantes).

Un facteur climatique est aussi à craindre pour les décennies à venir, avec une augmentation des vagues de chaleur qui favorisera la formation d’ozone, mais il est encore difficile dans les tendances récentes de conclure quant à l’importance de ce facteur.

Le tableau 2reprend les résultats de population exposée à des dépassements des seuils pour les quatre polluants (PM2.5, PM10, NO2 et ozone), pour les années 2010 et 2019.

 

* Maximum journalier de la moyenne glissante sur 8 heures.

Tableau 2. Pourcentage de la population (France métropolitaine) concernée par un dépassement des valeurs seuils de concentrationsen moyenne annuelle en 2010 et en 2019.

 

La disponibilité de cartes de référence sur la qualité de l’air constitue une étape indispensable pour conduire ce type d’analyse. En reposant sur des méthodes numériques à l’état de l’art permettant une fusion entre données d’observation collectées par les AASQA et modélisation chimie-transport, il est possible de mettre à disposition du public, des chercheurs et des autorités, des cartes d’exposition à la pollution de fond. Grâce à cette information sur la variabilité spatiale et temporelle de la pollution de l’air, mise en perspective des dernières connaissances scientifiques sur les lignes directrices à ne pas dépasser d’un point de vue sanitaire, il devient possible de mieux connaître l’exposition des populations.

Références

[1] Organisation Mondiale de la Santé. Pollution de l’air ambiant (extérieur). https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/ambient-(outdoor)-air-quality-and-health

[2] La qualité de l’air en France métropolitaine cartographiée de 2000 à aujourd’hui par l’Ineris. https://www.ineris.fr/fr/recherche-appui/risques-chroniques/mesure-prevision-qualite-air/qualite-air-france-metropolitaine

[3] Letinois, L. Méthodologie de répartition spatiale de la population. LCSQA, 2014. https://www.lcsqa.org/fr/rapport/2014/ineris/methodologie-repartition-spatiale-population

[4] Real E, Couvidat F, Ung A, Malherbe L, Raux B, Colette A. Historical reconstruction of background air pollution over France for 2000-2015. Earth Syst Sci Data Discuss, 2021. https://doi.org/10.5194/essd-2021-182.

 

[1] La valeur limite annuelle basée sur la moyenne journalière de PM10 (50 µg.m-3) à ne pas dépasser plus de 35 fois n’a pas été étudiée ici.